Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch, des dizaines de pygmées ont été massacrés dans la région du Katanga dans des affrontements ethniques.
C’est une véritable boucherie qui s’est produite le 30 avril dernier, dans le Katanga ! Human Rights Watch dénonce, ce lundi, des massacres qui y ont lieu à grande échelle. Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme, des combattants appartenant à l’ethnie Luba ont attaqué un camp de personnes déplacées près de la ville de Nyunzu, massacrant à coups de machettes, de flèches et de hache 30 personnes, hommes, femmes et enfants de la communauté Batwa dite pygmée. Les assaillants ont réduit le camps en cendre, tant leurs actes ont été violents. Sans compter que des dizaines d’autres personnes sont portées disparues et il est à craindre qu’elles soient mortes, explique l’ONG.
« Un coût terriblement élevé pour les civils »
« Les luttes interethniques dans le nord du Katanga ont un coût terriblement élevé pour les civils », déplore Ida Sawyer, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch. Selon elle, « Les autorités congolaises, avec le soutien de l’ONU, devraient améliorer la protection des civils, mener des enquêtes et des poursuites contre tous les individus responsables des atrocités, et répondre aux tensions inter-communautaires et discriminations qui semblent avoir déclenché les combats ». Ce n’est pas la première fois que les deux communautés s’affrontent. Les tensions entre les Batwa et les Luba au Katanga ont provoqué des combats violents, durant la mi-2013, sur le territoire de Manono, à la suite des exigences des Batwas quant au respect de leurs droits fondamentaux, notamment l’accès à la terre et la fin du travail forcé présumé ou d’une forme d’esclavage. Les deux communautés ont formé des milices plus ou moins organisées et les combats se sont propagés aux territoires de Kabalo, Kalemie, et dans le sud du territoire de Nyunzu.
De même, en janvier 2015, plus de 3 500 familles fuyant la violence dans les territoires du sud de Nyunzu et de Manono se sont rassemblées à l’extérieur de la ville de Nyunzu. Le site, alors connu sous le nom de camp Vumilia 1, était principalement occupé par des Batwa. Les Luba qui avaient fui la violence ont quant à eux, en grande partie, trouvé refuge dans des familles de la communauté environnante.
« Ils nous ont tué comme des animaux, comme des choses sans valeur »
Selon l’ONG, les affrontements entre les deux communautés se sont particulièrement intensifiés au cours des premiers mois de 2015. Les combattants Batwa appelés pygmées, armés d’arcs et de flèches, ainsi que de machettes, ont attaqué brutalement les Luba dans le sud du territoire de Nyunzu et le nord du territoire de Manono, tuant et enlevant des civils, et incendiant des villages entiers. Un garçon Luba de 12 ans a déclaré à l’ONG que des combattants Batwa avaient tué sept membres de sa famille lors d’une attaque lancée au début de l’année 2015.
Après que les nouvelles de ces attaques soient parvenues à la ville de Nyunzu, les combattants Luba ont organisé une attaque contre les Batwa dans le camp Vumilia 1. Les Luba, appelés "Eléments", étaient armés de machettes, de haches, d’arcs et de flèches, portaient des amulettes et d’autres symboles de sorcellerie, et auraient coupé les organes génitaux de certaines victimes. « Les gens ont commencé à fuir sans savoir que les "Eléments" étaient partout dans le camp », a expliqué une femme Batwa à Human Rights Watch. « Ils ont commencé à nous tirer dessus avec des flèches. Nous n’avions pas d’armes pour nous protéger. Ils nous ont massacrés. Ils ont tué tellement de pygmées. Ils nous ont tués comme des animaux, comme des choses sans valeur ».
Les pygmées longtemps opprimés
Dans les semaines qui ont suivi l’attaque, l’armée et la police congolaises ont envoyé des renforts pour accroître la sécurité autour de la ville. Le ministre de l’Intérieur de la province, Juvénal Kitungwa, a visité la région, les 18 et 19 mai, accompagné de Martin Kobler, chef de la mission de maintien de la paix de l’ONU en RD-Congo (MONUSCO). La mission avait alors déployé une vingtaine de soldats des forces de maintien de la paix dans la ville au début du mois d’avril. Après l’attaque, elle a envoyé une quarantaine de renforts supplémentaires, lesquels ont, depuis, été retirés. Au début du mois de mai, les autorités ont arrêté trois Batwa, dont un chef de milice présumé et un chef présumé de milice Luba. Aucun n’a été officiellement inculpé.
Dans le cadre d’un découpage territoriale, le 16 juillet dernier, la province du Katanga a été divisée en quatre provinces, faisant de la subdivision des 11 anciennes provinces de la RDC en 26 provinces. Le territoire de Nyunzu fait partie de la nouvelle province du Tanganyika, dans le nord du Katanga, une région isolée et sous-développée qui n’a pas bénéficié de la grande richesse en ressources du sud du Katanga, notamment en cuivre et en cobalt. Pour Human Rights Watch « protéger les civils de toutes les communautés qui sont en grave danger doit être la priorité du gouvernement dans le nord du Katanga », soulignant que « les problèmes sous-jacents à la violence ne seront pas résolus tant que les droits fondamentaux des Batwa, longtemps opprimés, ne seront pas respectés ».
Afrik.com/LRP