RDC: des militants sénégalais et burkinabè arrêtés pour tentative de "déstabilisation"

Mardi 17 mars 2015 - 09:24

Des militants de mouvements citoyens qui ont été à la pointe de la mobilisation contre le pouvoir au Sénégal et au Burkina sont retenus à Kinshasa pour tentative de "déstabilisation", en plein débat sur un éventuel troisième mandat du président congolais Joseph Kabila.

Les arrestations ont eu lieu dimanche, à l'occasion d'une rencontre, parrainée notamment par les Etats-Unis, destinée à sensibiliser la jeunesse sur les questions de gouvernance et de démocratie.

A Kinshasa, le gouvernement a annoncé lundi la libération d'un diplomate américain et de journalistes qui avaient aussi été interpellés.

Mais "les autres continuent à être entendus" par la police judiciaire concernant leur "entreprise de déstabilisation" du pays, a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende.

"On parle de préparation d'actes de violence", a ajouté M. Mende. Les militants sénégalais et burkinabè étaient venus non "pas pour des conférences mais pour préparer des actes d'hostilité entre des groupes de Congolais", a-t-il poursuivi.

Le climat s'est fortement crispé en RDC depuis des manifestations violentes du 19 au 22 janvier qui ont fait, essentiellement dans la capitale, entre 27 et 42 morts, selon les sources.

Les contestataires dénonçaient un projet de révision de la loi électorale qui aurait permis de prolonger le mandat du président congolais Joseph Kabila après la fin 2016, date de la fin de son quinquennat, alors que la Constitution lui interdit de briguer un nouveau mandat.

Les arrestations de dimanche indiquent une "radicalisation du pouvoir, qui se referme", a affirmé à l'AFP un diplomate occidental.

"L'approche des élections en RDC semble faire basculer le pouvoir à Kinshasa dans des actes irrationnels", juge la Ligue sénégalaise des droits de l'Homme (LSDH), citée dans un communiqué de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH).

Samedi, des militants du mouvement sénégalais "Y'en a marre", burkinabè "Balai citoyen" et congolais "Lutte pour le changement" (Lucha) avaient animé à Kinshasa la conférence controversée.

"Y'en a marre", mouvement formé par des rappeurs et d'autres jeunes, a été un acteur majeur du combat contre un troisième mandat du président sénégalais Abdoulaye Wade (2000-2012).

Le "Balai citoyen" a fait partie des organisations qui se sont opposées au projet du président burkinabè Blaise Compaoré de modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat après 27 ans de règne. Fin octobre 2014, M. Compaoré a finalement été chassé par la rue.

- 'Croissance des tensions' -

Dimanche, les organisateurs de la rencontre de jeunes ont tenu une conférence de presse où les Sénégalais ont déclaré qu'ils n'étaient pas à Kinshasa pour faire tomber le gouvernement mais pour un échange de vues sur les moyens d'améliorer la gouvernance.

Et les orateurs ont insisté sur leur attachement à la non-violence.

"On a fait nos demandes en bonne et due forme, on a été entendus en bonne et due forme, on nous a accordé le visa. Donc ils (le gouvernement congolais) étaient au courant des raisons de notre départ" en RDC, a soutenu lors d'une conférence de presse lundi à Dakar Simon Kouka, rappeur de "Y'en a marre".

Reste que les forces de l'ordre ont arrêté une trentaine de personnes, selon des témoins. Elles ont été conduites au siège de l'Agence nationale du renseignement (ANR), au nord de Kinshasa.

Trois journalistes français (AFP, RTBF, BBC), deux journalistes congolais (BBC et la télévision privée congolaise Antenne A), un Français qui participait à l'organisation de la rencontre et un diplomate américain, Kevin Sturr, directeur de la division "Démocratie, droit et gouvernance" à l'agence américaine Usaid à Kinshasa, avaient été arrêtés.

Tous ont été libérés dimanche soir mais le journaliste d'Antenne A, Eric Izami, demeurait détenu lundi, selon sa chaîne. L'ONG congolaise Journaliste en Danger et Reporters sans Frontières "exigent" sa "libération immédiate".

Le département d'Etat a confirmé la libération du diplomate américain "après une demande de l'ambassade à Kinshasa". "Nous n'avons pas été informés officiellement de la raison pour laquelle il avait été arrêté", a déclaré la porte-parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki.

"Notre ambassadeur à Kinshasa a fait remonter ce dossier jusqu'aux plus hauts niveaux avec le gouvernement de la RDC", a-t-elle ajouté, précisant que l'ambassade du pays à Washington avait également été contactée par le département d'Etat.

Parmi les militants qui restaient aux arrêts lundi figurent des Congolais, dont Fred Bauma de "Lucha", le Burkinabè Sidro Ouédraogo de "Balai citoyen", ainsi que les Sénégalais Fadel Barro, meneur charismatique de "Y'en a marre", Aliou Sané et le rappeur Fou malade.

 

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