Dans une lettre ouverte, un groupe d‟experts remet en cause l‟importance du rôle des minerais dans le financement et la prolifération des groupes armés. Au Congo, seuls 8% des conflits sont liés aux minerais. Une lettre ouverte de 70 chercheurs et experts de la région (1), vient de tordre le cou à l‟un des clichés les plus couramment répandus pour justifier les guerres à répétition dans l‟Est du Congo : la présence de minerais qui financeraient les groupes armés. Pour ces spécialistes, l‟exploitation illégale des sites miniers « aide à perpétuer les conflits, mais ils n‟en sont pas la cause ». Les groupes armés tirent certes profit des minerais pour financer leurs opérations, mais cela ne constitue pas « une fin en soi ». Une étude interne des Nations-unies démontre que seulement 8% des conflits en RDC sont liés aux minerais. Selon ces chercheurs, « les groupes armés ne dépendent pas des minerais pour vivre ». Les richesses naturelles du Congo (cuivre, coltan, or, cassitérite… ) constituent une ressource parmi d‟autres des nombreuses rébellions congolaises, qui vivent dans une économie « 100% militarisée ». Une loi Dodd-Frank contre-productive
Cette lettre ouverte est particulièrement critique sur le bilan de la loi Dodd-Frank, censée assurer la traçabilité des minerais, de l‟exploitation jusqu‟à la vente. L‟objectif affiché de loi : faire en sorte que les entreprises n‟achètent plus de matières premières responsables de l‟instabilité à l‟Est du Congo. Sur ce point, les chercheurs sont très mitigés sur les effets positifs de la loi et affirment qu‟il n‟y a pas eu de « changements significatifs sur le terrain ». Au contraire, le texte dénonce les effets pervers de la loi américaine. « La majorité des sites reste dans l‟ombre, contrainte à l‟illégalité, voire au déclin » explique les experts. Des mineurs se sont alors retrouvés « à la limite de la légalité, alimentant le trafic des minerais ». Certains se sont retrouvés sans travail, déstabilisant ainsi l‟économie locale. Selon les estimations, 8 à 10 millions de Congolais vivent de l‟exploitation minière artisanale. Un comble, certains mineurs sans travail ont même fini par rejoindre les milices… par nécessité. La loi Dodd-Frank n‟a donc pas porté l‟effet escompté, à savoir la destruction des groupes armés. Les milices auraient tout simplement changé de secteur d‟activité et se tourneraient aujourd‟hui vers d‟autres trafics tout aussi lucratifs : le charbon, la drogue, l‟huile de palme ou plus facilement en érigeant des barrages routiers « qui peuvent rapporter des millions de dollars par an ». Pour une approche plus globale Les signataires de la lettre ouverte expliquent enfin que « si les efforts pour améliorer la transparence des chaînes d‟approvisionnement en minerais doivent se poursuivre », l‟approche doit être à la fois « plus fine et plus globale ». Ces experts préconisent l‟amélioration de la concertation entre le gouvernement et la société civile ainsi qu‟une meilleure harmonisation des initiatives régionales. Le processus d‟audit doit également être revu et « les mines et les fonderies régulièrement inspectées ». Le texte prône enfin « une compétition équitable entre entreprises internationales et producteurs congolais » afin « d‟influencer, voire augmenter, les prix au niveau local ». Les solutions sont ailleurs Cette lettre ouverte est salutaire pour qui s‟est un peu penché sur l‟épineux dossier des conflits à l‟Est de la RDC. En démontrant que le financement et la prolifération des groupes ne sont pas uniquement liés aux «minerais du sang», ces experts pointent, en creux, les autres raisons de l‟instabilité du Kivus : mauvaise gouvernance, ingérences à répétition des voisins rwandais et ougandais, corruption, répression politique, déliquescence de l‟Etat et de son armée nationale… les causes sont multiples. Si la loi Dodd-Frank est certes utile et doit être améliorée, elle n‟a ni éradiqué les groupes armés, ni amélioré la vie des Congolais… les solutions sont ailleurs et notamment politiques.