Le gouvernement congolais se félicite de l'arrestation du général Léopold Mujyambere, présenté comme le numéro 2 des Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi (FDLR-FOCA), la branche armée de ce mouvement de rebelles hutus rwandais. Un satisfecit à nuancer, estime le spécialiste Jason Stearns.
L'arrestation a eu lieu il y a cinq jours, dans le port de Goma, non pas dans le cadre de l'offensive militaire officiellement lancée par Forces armées congolaises (FARDC) en février 2015 contre ce groupe armé, mais à la faveur d'un banal contrôle de police. Selon Kinshasa, le général Mujyambere a été transféré hier, vendredi 6 mai, dans la capitale congolaise pour être entendu par la sécurité militaire. Le porte-parole du gouvernement congolais parle d'une « prise importante ».
« Le général Mujyambere est un ancien commandant de la division sud des FDLR qui est arrivé au Congo en 1994, après le génocide au Rwanda. Je ne saurais pas dire s’il est impliqué dans le génocide ou pas, mais c’est quelqu’un qui a gravé les échelons au sein des FDLR. Après le commandant en chef, le général Mudacumura, en principe, c’est lui », rappelle le chercheur Jason Stearns, auteur de plusieurs travaux de référence sur les groupes armés dans l'est du pays.
Le gouvernement serait donc de bon droit de dire que c’est une grosse prise, mais « par rapport aux FDLR », précise Jason Stearns. Car, « là où je pense qu’il faut être plus modeste, c’est l’impact que les opérations des FARDC ont eu sur le terrain parce que là, cette arrestation n’est pas survenue lors d’une attaque des FARDC. C’était survenu lors du retour de ce monsieur d’Afrique du Sud ou de la Zambie, qu’il faut faire la part des choses entre les opérations sur le terrain. Il n’y a pas eu de grand impact sur les FDLR, au moins sur leur chaîne de commandement. Et cette arrestation qui fait suite plutôt à des services de renseignements qui ont su faire leur travail à Goma. »
Sur le terrain, le travail des FARDC est à nuancer
Hier dans la journée, le ministre de la Justice rwandais, Johnston Busingye, a déclaré ne pas avoir encore été notifié de cette arrestation. Mais il a salué « une bonne nouvelle », et « une étape de plus vers la paix pour les citoyens des deux pays ».
Cette arrestation intervient alors que les FDLR sont relativement affaiblies. On estime qu'ils étaient 6 à 7 000 en 2012 contre 1 500 à 2 000 à l'heure actuelle. Mais le bilan de l'opération annoncée par les Forces armées congolaises (FARDC) en février 2015, afin de libérer le territoire national de ces rebelles venus du Rwanda, est « mitigé » selon Jason Stearns. « D’un côté, les opérations ont réussi à déloger les FDLR de leur quartier général, là où ils étaient entre les territoires de Walikale, Rutshuru et Lubero. C’était quand même leur QG pendant cinq ans. Donc c’était une victoire pour les FARDC. »
Mais selon le chercheur, cet affaiblissement n'a paradoxalement pas amélioré la sécurité dans la région. « La façon dont l’armée congolaise a opéré a amené d'autres problèmes parce qu’ils sont surtout passés par des tierces forces. Ils soutenu des milices locales pour déloger les FDLR. Il y a notamment deux milices d’ordre tribales ou ethniques. Et elles-mêmes sont impliquées dans un conflit d’ordre ethnique sur le terrain. Donc il y a quand même raison de se poser la question si en avançant ou en progressant contre les FDLR, les FARDC n’ont pas créé d’autres problèmes sur le terrain. »