RDC : Les jeunes majeurs du régime Kabila privés de droit de vote aux élections provinciales

Vendredi 26 juin 2015 - 04:29

Jusqu’à preuve du contraire, tous les jeunes congolaises et congolais devenus « majeurs » après le 28 novembre 2011 ne pourront pas voter aux élections provinciales ni prétendre à se faire élire en octobre 2015. Ces « nouveaux majeurs » sont nés en 1997 sous le régime Kabila arrivé au pouvoir le 17 mai la même année.

Les institutions de la République démocratique du Congo (RDC) sont en passe de cautionner une injustice qui restera à jamais gravée dans la mémoire de la première génération des Congolais nés sous le régime Kabila (M’zee Laurent Désiré), installé le 17 mai 1997 par l’Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL).

Tous les enfants nés aux premières heures de la libération « afdliènne » ont, depuis le mois de mai 2015, atteint la majorité mais ne pourront pas jouir de leur droit constitutionnel de vote aux élections provinciales, urbaines, municipales et locales prévues en octobre 2015.

Pour cause, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a jugé utile de n’organiser les opérations d’enrôlement des électeurs que pour la présidentielle et les législatives de 2016.

Déjà victimes de l’insécurité et de la pauvreté

« Les provinciales sont des arriérés de 2011 auxquels ne pourront prendre part que ceux ayant été enrôlés à ce cycle électoral », prétexte la Ceni. Ce faux fuyant est curieusement soutenu aussi par l’aile dure de la Majorité présidentielle (MP).
La conséquence est que tous les Congolaises et Congolais de 18 à 22 ans, soit plus de 8 millions d’électeurs potentiels, ne pourraient pas voter aux élections provinciales d’octobre 2015.

Il faut dire que les jeunes congolais sont déjà frappés par l’insécurité qui continue à régner dans une bonne partie de la République, notamment dans les deux Kivu, en province Orientale et dans le Katanga. Ils sont aussi les premières victimes des tueries, des violences et des viols qui accompagnent cette insécurité depuis la libération du 17 mai 1997.

Ces enfants sont également livrés à la pauvreté de masse qui touche le pays, en dépit des avancées observées depuis une dizaine d’années dans la stabilité du cadre macro-économique, notamment. A tous ces maux dont sont victimes les enfants du régime Kabila, il y a leur enrôlement forcé dans les milices et groupes armés. L’injustice serait alors à son comble.

Et donc, l’entêtement de la Ceni ne s’explique ni sur le plan légal ni sur celui de l’essence même du régime Kabila, père et fils. Sa position viole la Constitution de la RDC qui reconnait à tous les Congolaises et Congolais des deux sexes, ayant atteint 18 ans, le droit de vote.

« Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente Constitution, sont électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais de deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques », dispose la Constitution.

L’obstination de la Ceni d’écarter les nouveaux majeurs outrage également l’esprit de la révolution du 17 mai 1997. En chassant Mobutu en 1997, M’zee Laurent Désiré Kabila (mai 1997-janvier 2001) voulait réellement que le pouvoir n’émane désormais que du peuple et qu’à lui seul revienne toute légitimité.

C’est également dans cet esprit que son successeur, Joseph Kabila (janvier 2001-à ce jour), s’est engagé à mener la RDC sur la voie de la démocratisation par l’organisation, par deux fois de suite, des élections auxquelles tous les Congolais ayant la majorité ont pu participer.

Joseph Kabila invité à corriger l’« injustice »

En 2006 et 2011, les enfants nés sous le régime Kabila n’avaient pas encore la majorité. Depuis le 17 mai 2015, ils ont atteint, pour la première fois, l’âge de voter à toutes les élections, des locales à la présidentielle.

Or, c’est en ce moment que la Ceni, soutenue inexplicablement par la Majorité présidentielle qui est pourtant héritière du régime Kabila, voudrait écarter ces électeurs légitimes, sur la base des calculs politiciens.

Cette question des nouveaux majeurs a été au centre des consultations présidentielles que Joseph Kabila a entamées le 1er juin 2015 et à travers desquelles le chef de l’Etat veut entendre les uns et les autres pour parvenir à des élections apaisées.
L’écrasante majorité des consultés a soutenu la nécessité d’enrôler ces jeunes majeurs, à l’exception – curieusement - de la MP et de la Ceni.

La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), le Cardinal Laurent Monsengwo, l’Eglise protestante au Congo, l’Opposition politique, l’Opposition républicaine, la société civile, la Communauté internationale et la Monusco ont tous plaidé pour la participation de ces jeunes en âge de voter, depuis la fin du dernier enrôlement des électeurs en août 2011, à toutes les élections.

Les jeunes, eux-mêmes, reçus par le chef de l’Etat dans le cadre des consultations présidentielles le vendredi 18 juin 2015 à Kingakati (banlieue Est de Kinshasa), ont clamé leur désir de participer à toutes les élections au même titre que tous les électeurs congolais. Ils ont même déposé un mémo dans ce sens au premier citoyen de la RDC.

Alors que le chef de l’Etat s’apprête à présenter sa synthèse des consultations, les jeunes nés sous l’ère Kabila gardent leur souffle. Personne ne peut se hasarder à deviner ce que seront les conclusions du Raïs.

En tant que magistrat suprême et garant de la nation congolaise, Joseph Kabila - face à la « démission » de toutes institutions de la République (Gouvernement, Parlement, Ceni, Cours et Tribunaux) sur cette question - reste le dernier rempart pour décider d’accorder aux nouveaux majeurs leur droit constitutionnel de voter aux prochaines élections provinciales.

Il n’est pas exclu que le Raïs surprenne son aile dure de la MP en accédant à cette requête soutenue par l’ensemble des forces vives de la nation qu’il a consultées personnellement, loin des influences des caciques de la MP, et en corrigeant cette injustice qui frise la trahison.