Dans un bref délai, la Majorité présidentielle (MP) a appuyé sur l’accélérateur de la violence. Comme un chien enragé, elle mord sur tout ce qui se met en travers de son passage. Les moyens les plus inappropriés pour un pays qui se veut démocratique, sont mis en œuvre. En panne de stratégie pour assurer la survie de son autorité morale après 2016, la MP a choisi de se lancer dans la répression, les intimidations et les arrestations arbitraires, usant abusivement des instruments régaliens de l’Etat, tels que la Police et les services de sécurité.
La Majorité présidentielle (MP) semble avoir perdu le nord. Elle ressemble à un bateau dont le mat n’obéit plus aux cordages et les voiles vont à contrevent. Pour des observateurs avisés, il faut s’attendre inévitablement au pire dans les tout prochains jours.
Le fonds du problème c’est que la Majorité au pouvoir doute de plus en plus de ses capacités à tirer son autorité morale du verrou constitutionnel de l’article 220. Le seul fait pour le PPRD, premier parti de la MP, d’appeler ses militants à faire usage, le moment venu, de l’article 64 de la Constitution, montre à quel point la MP se trouve aux abois. Depuis un temps, elle a lâché ses sbires pour maltraiter tous ceux qui s’opposent à sa vision du glissement. Ce sont généralement les leaders de l’Opposition les plus hostiles tels que ceux du G7 et de la Dynamique de l’Opposition qui en paient le plus lourd tribut.
Si Kinshasa, l’Opposition jouit d’une certaine marge de manœuvre, à Lubumbashi, par contre, il n’est pas bon être opposant. Dans cette deuxième ville de la République démocratique du Congo, la traque des opposants, est devenue systématique. C’est particulièrement le G7 qui est visé. La raison est simple : hier cette plateforme de l‘Opposition était un poumon de la Majorité et renfermait des partis tels que le MSR (Mouvement social pour le renouveau) de Pierre Lumbi, l’Unadef (Union nationale des démocrates et fédéralistes) de. Charles Mwando Nsimba et l’Unafec (l’Union nationale des fédéralistes du Congo) de Gabriel Kyungu wa Kumwanza. Pour avoir dit non aux velléités dictatoriales du leadership de leur ancienne famille politique, ces leaders sont depuis lors dans le viseur de la MP.
Après le saccage du siège de l’Unafec le 23 avril 2016 dans la commune de la Kenya à Lubumbashi, c’était le tour, mardi 26 avril, du siège de l’Unadef dans la même commune. Selon plusieurs sources, dont radio Okapi, le siège de l’Unadef de la commune de la Kenya, à Lubumbashi, a été incendié par des inconnus. Christian Mwando Nsimba, président fédéral de l’Unadef/Haut-Katanga, a imputé cet acte «criminel » au pouvoir en place qui, soutenait-il, chercherait à dissuader son parti de continuer son combat politique. « Nous voulons dénoncer un incendie criminel qui s’est produit entre 2 heures 30 et 2 heures 40 du matin. Les voisins du siège qui sont dans une église ont constaté qu’il y a des individus qui ont cassé les vitres du siège de l’Unadef dans la commune de la Kenya. Ils y ont aspergé du carburant et jeté des flambeaux pour que le siège prenne feu», a-t-il déclaré, selon radio Okapi.
Lubumbashi vit dans la peur. La recrudescence de la violence contre les partis politiques de l’opposition prend des proportions inquiétantes. La succession des faits témoigne d’actes prémédités aux visées essentiellement politiciennes.
Pour rappel, l’incendie du siège de l’Unadef s’est produit six jours après les attaques perpétrées contre les sièges de l’Unafec, simultanément à Kinshasa et à Lubumbashi.
UN POUVOIR AUX ABOIS
La MP, au pouvoir depuis 15 ans, est poursuivie par un signe indien. La Constitution ne permettant à son autorité morale de prétendre à un troisième mandat, elle perd de plus en plus son sang-froid. C’est le tout pour le tout- comme dans un combat de rue où tous les coups sont permis. En détournant de leur mission les forces de l’ordre et de sécurité, la MP fait fausse route. Elle est exactement sur les traces du mobutisme vers la fin de son règne (2ème République). Les mêmes méthodes produisant les mêmes effets, on peut dès lors prédire la suite.
La MP doit recadrer son tir. C’est le vœu de tous. La communauté internationale s’est aussi inscrite sur ce schéma en invitant, chaque fois que l’occasion se présente, le président Joseph Kabila à libérer le processus électoral afin de préserver son «héritage démocratique ». De passage à Kinshasa, John Kerry, secrétaire d’Etat américain, le lui a rappelé. Il l’a d’ailleurs répercuté lors de l’entretien qu’il vient d’avoir à New-York avec Joseph Kabila, et ce, en présence de l’envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, Tom Perriello.
La MP est-elle consciente des enjeux ou refuse-t-elle de voir la réa- lite en face ? En tout cas, les plus durs dans ses rangs ont opté pour la méthode forte. Ils sont prêts à faire pourrir la situation. Question de boire la coupe jusqu’à la lie, c’est-à-dire conserver le pouvoir quel qu’en soit le prix.
Cette stratégie a un revers, A terme, elle isole davantage le chef de l’Etat, le mettant en porte-en-faux devant la communauté internationale, Car, c’est sur lui, finalement, que reposera la responsabilité de toutes les exactions et violations des droits de l’homme dont se rendront coupables des éléments commis à la répression.
EVITER LES ERREURS DU PASSE
Le chef de l’Etat a-t-il vraiment intérêt à se lancer dans une telle entreprise ? A première vue, il n’en tirera aucun dividende politique. Avant lui, Mobutu a cherché par tous les moyens à s’accrocher au pouvoir, usant de tous les moyens d’Etat à sa disposition. On connait bien la suite. Après la chute catastrophique de la 2ème République, les mêmes qui ont induit Mobutu en erreur se retrouvent aujourd’hui autour du chef de l’Etat Kabila, lui prodiguant les mêmes conseils. Comme avec Mobutu, ils détaleront lorsque sonnera le glas. Ils sont ainsi créés.
Après avoir réunifié la RDC par l’endossement de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et engagé le pays sur la voie en organisant en 2006 et en 2011 les premières élections libres et démocratiques de la RDC, le président Kabila a une chance historique d’inscrire son nom en lettres d’or dans l’histoire de la RDC.
Garant de la Nation, le chef de l’Etat doit se démarquer du schéma chaotique, pire encore suicidaire, dans lequel veulent l’entrainer les aigris et tous les opportunistes qui se recrutent dans sa cour. Le président de la République est lié à la nation par un serment (article 74 de la Constitution). Il est le seul à détenir la clé qui libère le processus électoral.
Par LE POTENTIEL