Condamné à la prison à vie par Kinshasa, le général Faustin Munene n’est plus en résidence surveillée à Brazzaville, alors que son mouvement menace toujours « de faire partir Joseph Kabila par la force » s’il ne quitte pas le pouvoir en 2016.
« Le général Munene est libre de ses mouvements à Brazzaville » confie un proche à Afrikarabia. Selon cette source, le leader de l’Armée de Résistance Populaire (ARP) « a retrouvé sa liberté depuis fin novembre 2015 » au Congo-Brazzaville. Une information qui était restée confidentielle, alors que le président Joseph Kabila convoquait la tenue d’un dialogue politique afin de résoudre la crise électorale qui se profile en République démocratique du Congo (RDC).
En fuite à Brazzaville
En délicatesse avec Kinshasa, le général Faustin Munene est entré clandestinité en 2010 après avoir été accusé par les autorités congolaises de « complot contre la sécurité de l’Etat » et condamné par contumace à la prison à vie. Il se réfugie alors au Congo-Brazzaville voisin, où il est placé en « résidence surveillée ». Si Kinshasa demande son extradition à Brazzaville, celle-ci restera lettre morte. Le président Denis Sassou Nguesso a en effet toujours refusé les extraditions vers Kinshasa depuis 1968 et l’assassinat de Pierre Mulele, l’oncle de Faustin Munene, après son expulsion de Brazzaville.
Groupe insurrectionnel
Le mouvement politico-militaire du général Munene a refait parlé de lui en février 2011, après l’attaque de la résidence de Joseph Kabila et du camp Kokolo par un groupe armé. Kinshasa avait alors accusé l’ARP de Munene d’être derrière ce « coup de force ». Certains hommes arrêtés à la suite de l’attaque ont ensuite profité de mesures d’amnisties dont bénéficiaient les groupes armés après la défaite de la rébellion du M23. Depuis 2014, plusieurs membres de l’ARP, ou présentés comme tel, ont été amnistiés. Mais pour Kinshasa, l’ARP est également en lien avec d’autres groupes insurrectionnels, comme les Enyele, suspectés par les autorités congolaises d’être à l’origine de l’attaque du camp militaire Tshitshi en juillet 2014.
Le choix des armes ?
La relative liberté dont jouit désormais Faustin Munene intervient dans un contexte de forte tension politique, de l’autre côté du fleuve Congo, à Kinshasa. L’opposition accuse le président Kabila de vouloir s’accrocher au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle de 2016, en retardant le calendrier électoral. L’ARP était déjà sortie de son silence cet été en menaçant de vouloir reprendre les armes si « l’alternance pacifique et démocratique avec Joseph Kabila » continuait d’être « incertaine ». Aujourd’hui, à l’heure du dialogue nationale convoqué par Joseph Kabila pour trouver une issue au calendrier électoral, l’ARP considère qu’il n’a plus de sens « aussi près de la fin du mandat du président congolais ». Mais si l’ARP souhaite désormais revenir dans le jeu politique par la voie démocratique, « toute violation de la Constitution par Joseph Kabila pour rester au pouvoir » constituerait un casus belli pour le mouvement de Munene, qui le ferait alors « partir par la force ».
Le coup de pouce de Brazzaville
La remise en liberté de Faustin Munene n’est pourtant pas le fruit du hasard. Brazzaville connaît parfaitement l’agenda politique de son voisin congolais et en redonnant une liberté de mouvement à Munene, Denis Sassou Nguesso remet un coup de pression sur Kinshasa, alors qu’il vient lui-même de modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat dans un climat délétère. Depuis que Kinshasa a appris la nouvelle de la mise en liberté de Munene, des membres de l’ARP ont de nouveau été arrêtés en République démocratique du Congo (RDC). Certains de ces membres interpellés ont, pour certains, bénéficié de l’amnistie de 2014. Depuis que Faustin Munene est de nouveau libre, l’ARP affirme « ne pas chercher l’escalade avec Kinshasa » et vouloir que le général Munene « prenne part au combat démocratique ». A l’heure où le président Kabila a promis dans un récent discours des « grâces présidentielles », on peut voir dans la libération de Munene un appel du pied de l’ARP pour faire rentrer son patron sur l ‘échiquier politique congolais… avec un petit coup de pouce de Brazzaville.
Par Christophe RIGAUD – Afrikarabia