Inquiétude au Katanga : Katumbi invisible depuis un mois à Lubumbashi

Lundi 3 novembre 2014 - 10:41

Selon plusieurs sources lushoises, le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe n’a pas été vu en public au chef-lieu de l’ex-Shaba depuis un mois. D’aucuns le disent « aux soins intensifs » dans une clinique spécialisée « en Europe ». D’autres laissent entendre qu’il serait « en vacances ». La rédaction de Congo Indépendant a tenté sans succès de joindre le ministre de l’Intérieur Richard Muyej, en séjour à Beni. Membre de la « Majorité présidentielle », « Moïse » est suspecté par « ses amis politiques » de nourrir des ambitions pour 2016. Dans la « Kabilie », il passe pour un adversaire. Une source n’a pas hésité à murmurer ces quelques mots lourds de sens : « Moïse Katumbi a été victime d’un empoisonnement au cyanure ». Qui en serait le « commanditaire »? Pour toute réponse, notre interlocuteur dit : « Qui d’autre? »

Démagogue pour les uns, populaire et généreux pour d’autres, Moïse Katumbi Chapwe ne laisse personne indifférent. Elu en 2007 à la tête de la Province la plus riche du pays, « Moïse » administre son entité à l’image d’une entreprise. Membre de la « Majorité présidentielle », l’homme est critiqué par ses camarades du fait notamment de ses multiples absences aux réunions convoquées par le « raïs » à la ferme de Kingakati. Des « mauvaises langues » allèguent que le « Gouv » se verrait déjà « en haut de l’affiche ».

A Lubumbashi, des sources semblent unanimes sur le fait que Katumbi n’a pas été vu en public depuis un mois au moins. Pour y voir clair, l’auteur de ces lignes a commencé par contacter des officiels susceptibles de confirmer ou d’infirmer cette information.

En mission à Beni, le ministre de l’Intérieur, le PPRD Richard Muyej était injoignable jeudi 30 octobre. Mêmement pour le ministre provincial de l’Intérieur du Katanga, Juvénal Kitungwa. Sauf que « quelqu’un » a répondu qu’il est « absent » promettant de lui transmettre le message à son retour.

Un membre du gouvernement provincial dont nous préférons taire le nom a répondu aux questions de Congo Indépendant : « Il s’agit des rumeurs tout à fait infondées. Le gouverneur a pris un congé pour un contrôle médical. J’ai parlé avec lui au téléphone ce matin. Il doit regagner le pays ce week-end ou au début de la semaine prochaine ». Est-il formel? « Je suis formel parce que, j’ai causé avec lui ce matin. Vous pouvez me croire. S’il y avait un problème, je vous l’aurais dit ». Une source proche des « services » est intraitable : »Il faut arrêter de faire courir de faux bruits. Katumbi était à Kinshasa dimanche 26 octobre lors du match Vita Club contre TP Mazembe ».

Qu’en pensent les acteurs de la société civile? « Le gouverneur Katumbi n’est pas au Katanga pour le moment mais son épouse est là! ». L’homme qui parle est un enseignant à l’université de Lubumbashi. « J’ai vu récemment Madame Katumbi à la télévision, ajoute-t-il. Elle participait à une cérémonie organisée par l’église catholique ». Un avocat lushois d’enchaîner: « Le gouverneur est en vacances. Il doit regagner le pays le 15 novembre prochain ». Le juriste de confirmer que Katumbi n’a pas été vu en public depuis un mois. Que pense-t-il des bruits selon lesquels il suivrait un traitement en Europe suite à un empoisonnement? « Ce sont de bruits récurrents. Ce n’est pas impossible dans le contexte politique actuel ».

Dans son édition n° 2806 datée du 19 au 25 octobre 2014, l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » décrit dans un article intitulé « Dans la tête de JK », la situation politique et économique du Congo-Kinshasa. Il y est naturellement question de la volonté de « Joseph Kabila » de faire réviser la Constitution afin de briguer un troisième mandat. Auteur de ce long article, François Soudan écrit notamment que le camp présidentiel n’envisage nullement de perdre le référendum à organiser. Et d’ajouter que « rien ne pourra se faire contre cet homme (Ndlr : « Joseph Kabila ») qui tient l’armée « utile », contre les provinces – y compris le riche Katanga dont le gouverneur, Moïse Katumbi, a un pied de part et d’autre de l’échiquier politique – et commence à se constituer un bilan présentable tout en étant le seul à pouvoir réunir les 30 millions de dollars (minimum) requis pout mener en RD Congo une campagne électorale digne de ce nom. (…) ».

Dans un numéro antérieur du même magazine, F. Soudan présentait Katumbi comme l’homme qui a fait « renaître » la ville de Lubumbashi et le Katanga. « A l’instar de son Moïse, dont la popularité, mais aussi les ambitions politiques supposées (« où s’arrêtera-t-il) suscitent bien des jalousies, Lubumbashi et son dynamisme parfois arrogant font des envieux », écrivait-il.

A la veille de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011, les rumeurs les plus folles couraient sur l’intention de «Joseph Kabila» de faire parachuter son frère cadet, Zoé, à la tête de l’exécutif provincial de l’ex-Shaba. Dans un entretien à «Jeune Afrique» n°2627 daté du 15 au 21 mai 2011, Moïse est apparu plein d’amertume : «Le monde politique est dur, il y a des hauts et des bas. La politique crée beaucoup de jaloux. Surtout parmi ceux qui n’ont pas réussi et qui ne supportent pas la réussite des autres.»

Selon des sources lushoises, en octobre 2013, Zoé « Kabila », «élu» député national de la circonscription électorale de Manono, au Nord Katanga, a séjourné au chef-lieu du Katanga. Selon des indiscrétions, il aurait fait part à des députés provinciaux venus le rencontrer sa volonté de briguer le poste de gouverneur de cette Région. Il aurait promis monts et merveilles à ses interlocuteurs s’ils parvenaient à « renverser » « Moïse ». Les partisans de « Moïse » suspectent le « raïs » d’avoir tenté de faire saboter le jet privé de ce dernier.
« Moïse sait qu’il est dans le collimateur du pouvoir kabiliste », confie un katumbiste.

Tout ceci ne donne pas la réponse à quelques questions : Où est passé Moïse Katumbi? Serait-il hospitalisé? Où? A-t-il, comme allèguent certains, ingurgité des « substances chimiques »? Lesquelles? Pourquoi les autorités se taisent sur son absence?

Par Baudouin Amba Wetshi Congoindépendant.com