La Majorité et l’Opposition accouchent d’un monstre

Jeudi 15 septembre 2016 - 09:59
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Comme on s’y attendait, la Majorité Présidentielle et l’Opposition présente au dialogue ont fini par trouver un compromis autour de leur divergence relative à la séquence des élections. C’était à l’issue d’une réunion tripartite Facilitateur-Majorité-Opposition tenue hier mercredi 14 septembre 2016 à Pullman Hôtel. Selon des sources concordantes, il y avait, autour de la table, le Facilitateur Edem Kodjo, Alexis Thambwe Mwamba (MP), Aubin Minaku (MP), Léonard She Okitundu (MP),  Shadari (MP), André Kimbuta (MP), Vital Kamerhe (Oppos.) Samy Badibanga (Oppos.), Jean-Lucien Busa (Oppos.) et José Makila (Oppos.). Dans un point de presse qu’il a animé en fin d’après-midi, le Facilitateur Kodjo a fait état de la fin du vrai-faux bras de fer entre les deux composantes et de la reprise des travaux du Dialogue dès ce jeudi après-midi à 15 heures à la Cité de l’Union Africaine. Sauf imprévu, la cérémonie de clôture pourrait intervenir ce samedi 17 septembre. En gros, la Majorité Présidentielle et l’Opposition sont tombées d’accord pour la refonte totale du fichier électoral et l’organisation, le même jour, des élections couplées présidentielle, législatives nationales, législatives provinciales et locales. Naissance d’un monstre Les observateurs notent, pour leur part, que la Majorité Présidentielle et l’Opposition viennent d’accoucher d’un monstre. Il y a lieu de s’interroger, de prime abord, sur les formats que devraient prendre les bulletins de vote pour au moins cinq scrutins. Dans l’hypothèse où il y aurait un minimum de 50 candidats « Président de la République », l’électeur aurait à feuilleter trois à quatre pages avant de jeter son dévolu sur son favori. Une fois cette épreuve terminée, il lui faudrait consulter un second « syllabus » avec au moins une centaine de candidats « Députés nationaux » ou plus par circonscription. Le troisième test serait un « syllabus » reprenant également une centaine de candidats « Députés provinciaux ». ou plus le quatrième « syllabus » à éplucher serait celui d’une centaine de candidats « Bourgmestres et bourgmestres adjoints » ou plus  par circonscription. Enfin, le cinquième « syllabus »reprendrait également une centaine de candidats « Chefs de secteurs » et « Chefs de Secteurs adjoints » ou plus. Avec cinq « syllabus » en mains, combien de temps faudrait-il à chaque électeur dans le bureau de vote pour « accomplir son devoir physique » ? S’il faut tabler sur un minimum de trente minutes par électeur pour se faire identifier, se faire remettre ses cinq bulletins de vote, choisir ses candidats, porter leurs noms sur les bulletins de vote et les glisser dans les urnes, il serait impossible de faire voter les 40 millions d’électeurs en un jour ou deux. Les opérations de vote devraient être étalées sur une semaine à Kinshasa et dans les principales villes de pays et au-delà dans les provinces sans routes. Quel serait le sort des analphabètes, contraints de se faire assister par des proches lettrés ou des agents des bureaux de vote, face aux différents « syllabus » reprenant les noms des candidats à la présidence de la République, à la députation nationale, à la députation provinciale, à la direction des communes et secteurs ? Le constat à faire, au regard de l’option levée par la Majorité Présidentielle et l’Opposition, est qu’elles ne veulent pas que les Congolais aillent aux urnes. Ou, si elles sont animées de la volonté de les y conduire tout de même, c’est pour provoquer des cafouillages indescriptibles dans les centres et bureaux de vote. A ce rythme, la RDC s’apprête à connaître les élections les plus opaques de son histoire. « Glissement » sans fin ? D’aucuns pensent qu’en évoquant la clause de l’incertitude de financement des élections locales, la Majorité Présidentielle et l’Opposition présente au dialogue se sont inscrites dans la logique du « glissement » sans fin. Pourquoi tiennent-elles au couplage de cinq scrutins dès lors qu’il est quasi certain que les moyens financiers vont faire défaut, compte tenu du pourrissement de la conjoncture économique internationale et de la chute libre des recettes internes ? Si les deux composantes veulent réellement permettre aux Congolais de voter, elles devraient déterminer un ordre de priorité, en démarrant par la « présidentielle », constitutionnellement verrouillée par le législateur. Les participants au dialogue ne doivent feindre ignorer que l’élection qui tient le plus leurs compatriotes à cœur, c’est celle devant leur permettre de se choisir un nouveau Président de la République, celui en exercice ayant épuisé ses deux mandats. Pourquoi cherchent-elles à compliquer une équation qui n’a plus d’inconnue ? Eric Wemba