Le découpage territorial jugé inopportun

Jeudi 5 mars 2015 - 12:16

S’accrocher à ce nouveau découpage est perçu comme une manière de tendre vers le glissement au delà de 2016,car il sera dans ce cas impossible de tenir les élections en respectant les délais constitutionnels

Plusieurs Congolais ne cachent pas leur opposition au passage de 11 à 26 provinces en République démocratique du Congo, tel que l’exige la loi sur le découpage territorial promulguée le 28 février 2015 et jugent cette démarche inopportune quand on sait que le second et dernier mandat de Joseph Kabila expire en 2016, donc dans moins de deux ans. .

Pour de nombreux observateurs avertis, s’accrocher au projet de nouveau découpage du pays est inopportun dès lors que la République démocratique du Congo est déjà en plein processus électoral.

La grande crainte, c’est que si la RDC applique à la lettre ce nouveau découpage, le glissement sera inévitable car il sera impossible de tenir les élections en respectant les délais constitutionnels.

Le bon sens, pensent bien de leaders politiques congolais, d’épuiser préalablement tout le processus électoral contenu dans le calendrier global avant de penser à matérialiser une telle initiative qui demande beaucoup de moyens financiers que le budget national 2014 n’a pas pris en compte.

Encore que l’environnement actuel exclut toute possibilité de voir la RDC arriver à doubler voire tripler ses recettes.
Pour ceux qui l’ignorent, le passage de 11 à 26 provinces est constitutionnel depuis le 18 février 2006. Mais le gouvernement n’a jamais appliqué cette disposition au regard de beaucoup de paramètres à réunir pour ce faire.

Il y a de cela quelques mois, les députés nationaux élus de la Province Orientale avaient secoué l’arbre parlementaire pour exiger la mise en pratique de cette loi pour émietter cette province du Nord-est de la RDC.

Ces élus ont subi d’énormes pressions politiques qui les ont obligés à se taire finalement. Aujourd’hui, d’aucuns se demandent quels sont les moyens financiers dont dispose le gouvernement et quelles sont ses motivations pour déclencher le mécanisme par l’entremise de l’Assemblée nationale en vue de réveiller cette question et passer à l’acte, jusqu’à la promulgation de la loi.

Le nouveau découpage, si Kabila s’accroche à l’appliquer, conduira la RDC, par exemple, à plus de 8 000 territoires à travers l’ensemble du pays, sur les 700 que l’on compte à ce jour.

La Commission électorale nationale indépendante devra tenir compte de tous ces paramètres pour larguer le personnel, les kits électoraux, installer les bureaux de vote… alors que le gouvernement aura à établir des administrations territoriales, des parquets, tribunaux et autres.

D’ailleurs, selon l’article 3 de la Constitution, » les provinces et les entités territoriales décentralisées de la République Démocratique du Congo sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux.

Ces entités territoriales décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques… « .

Le Katanga avait donné le ton, l’histoire lui donne raison

Le ton avait été donné vers fin 2014, lorsque le président de l’Assemblée provinciale du Katanga, Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, avait publiquement manifesté son hostilité contre le nouveau découpage territorial, particulièrement le morcellement du Katanga.

Il avait même promis d’initier une pétition pour récolter 100 000 signatures des Katangais, voire 5 millions, en vue de barrer la route à cette disposition constitutionnelle.

Usant d’une parabole, il s’est même demandé comment un père de famille, incapable de nourrir 11 enfants, tient à avoir désormais 26 bouches à nourrir, alors qu’il n’a aucune garantie de leur survie tant que les moyens ne suivent pas.

C’est dans cette ambiance que Joseph Kabila avait réuni es notables de cette province, sauf les deux premières personnalités officielles, à savoir le gouverneur de province et le n°1 de l’Assemblée provinciale, pour leur expliquer le bien-fondé de ne pas s’opposer au nouveau découpage territorial.

Grincement de dents aussi à l’Equateur, en Province Orientale, au Kasaï, et au Bandundu!
A l’exception de la ville de Kinshasa, du Kongo central (l’actuel Bas-Congo), du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, toutes les autres provinces sont appelées à être scindées, en respectant les limites des actuels districts.

L’actuel Bandundu devrait ainsi donner naissance à trois provinces du Kwilu, Kwango et Mai Ndombe; l’Equateur à cinq provinces dont l’Equateur, la Tshuapa, le Nord-Ubangi, le Sud-Ubangi et la Mongala. La Province Orientale scindée en quatre, à savoir la Tshopo, le Haut-Uélé, le Bas-Uélé et l’Ituri.

Le Katanga également scindé en quatre au cas où la pétition n’aboutissait pas, entre autres le Tanganyika, le Haut-Lomami, le Haut-Katanga et le Lwalaba, alors que le Kasaï Oriental engendrera trois provinces, le Kasaï Oriental, la Lomami et le Sankuru.

Le Kasaï occidental donnera naissance quant à lui à deux provinces, le Kasaï et le Kasaï central. Dans tous ces coins, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer l’inopportunité de faire ce découpage à l’approche des élections.

Les provinces non éclatées déjà installées

Les 4 provinces non éclatées, à savoir le Bas-Congo devenu Kongo central, le Maniema, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et la ville de Kinshasa, ont été légalement installées dès la promulgation de ladite loi le 28 février 2015.

Une commission mise en place par le ministère de l’Intérieur devra continuer à installer les provinces découpées, conformément à l’article 2 de la Constitution du 18 février 2006.

Les membres de la Commission, nommés par décret du premier ministre, proviennent de plusieurs ministères et vont travailler sur le partage des ressources humaines, financières et autres.

Mais, pour les autres provinces visées par le découpage, cette aventure est déjà qualifiée de périlleuse et dangereuse.

Le pouvoir a donc tort de s’y accrocher. Agir autrement c’est vouloir s’opposer à une passation apaisée de pouvoir entre Joseph Kabila et le candidat président qui sera élu en 2016.

Par Lefils Matady