Etienne Tshisekedi vient d’imposer son tempo au dialogue national en rejetant le schéma voulu par le président Joseph Kabila. Le durcissement de ton du lider maximo est la face visible de l’échec d’un processus mal engagé et mal négocié dans sa forme comme dans son esprit. Par conséquent, il ne reste plus qu’une seule issue pour éviter un éventuel chaos dont le spectre se profile à l’horizon : recentrer les efforts sur le processus électoral en le débarrassant de fioritures et afin d’organiser les élections essentielles, notamment la présidentielle dont la date est prévue par la Constitution.
Le Potentiel
L’ombre d’Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social) continue de hanter le dialogue, appelé de tous leurs vœux par la Majorité présidentielle et son autorité morale, Joseph Kabila. Mais, pour y arriver, la Majorité doit d’abord convaincre le sphinx de Limete, qui passe finalement pour la clé de la réussite du dialogue. Car, que vaudrait le dialogue sans l’UDPS d’Etienne Tshisekedi ? Sans aucun doute, la réédition des concertations nationales dont personne ne voudrait, particulièrement le président Kabila qui a posé le premier acte de désaveu par l’ordonnance qui convoque de ce nouveau forum national.
Dans la famille politique du chef de l’Etat, on est bien conscient de cette évidence. Aussi Kabila n’avait-il pas hésité à déléguer auprès de Tshisekedi ses principaux collaborateurs pour prendre langue directement avec l’UDPS. Deux réunions pré-dialogue avaient eu lieu en Europe, plus précisément en Espagne et en Italie, loin des regards indiscrets de Kinshasa.
Chaque camp a tenu à plier l’issue du dialogue avant même sa tenue proprement dite. Conséquence : les consultations entre le camp de Kabila et celui de Tshisekedi se sont terminées en queue de poisson. Preuve, cette lettre coupe-gorge de Tshisekedi, datée du 1er décembre 2015 et qui a pratiquement remis les pendules à l’heure.
Dans cette correspondance, rédigée depuis son lieu de convalescence à Bruxelles (Belgique), Etienne Tshisekedi s’interdit de participer à un dialogue convoqué par Joseph Kabila, suivant l’esprit de son ordonnance présidentielle du 28 novembre 2015. La sortie médiatique de Tshisekedi avait finalement obligé le chef de l’Etat à surseoir à la mise en place du comité préparatoire au dialogue politique.
Chaque fois que Tshisekedi tousse, c’est la machine du dialogue qui reçoit des grains de sable. Tout se passe comme si le sort des élections était directement et intimement lié au dialogue.
Se recentrer sur les élections
En prônant le dialogue, le chef de l’Etat a commis la grave erreur de placer Tshisekedi au cœur de sa stratégie. Grand stratège, le président de l’UDPS l’a compris. C’est le moment, selon lui, de prendre sa revanche sur la Majorité présidentielle voire dans une certaine mesure la communauté internationale. Toutes ses sorties médiatiques ne sont pas de simples enchères. Des véritables langages codés qui soufflent le chaud et le froid, mais tiennent sur une ligne bien tracée.
A tout prendre, l’issue du dialogue paraît de plus en plus improbable. La nomination d’un facilitateur dûment mandaté par l’Union africaine n’a pas produit les effets escomptés ; bref, elle n’a pas résolu le problème. Approché par Jeune Afrique, Edem Kodjo, facilitateur désigné de l’UA, n’a pas caché son dépit. Il est tout aussi conscient de la complexité de sa tâche. Quoi qu’il en soit, pense-t-il, le processus électoral reste « le nœud du problème ». Autrement dit, dans l’entendement de Kodjo, le dialogue n’est pas la solution au vrai problème de la RDC. Libérer la voie pour la poursuite du processus électoral est l’idéal, clame Kodjo.
En réalité, il faut craindre que la perte du temps, évoqué par Edem Kodjo, se révèle fatal dans la poursuite du processus électoral, suite à l’érection de longues négociations qui entourent le dialogue en préalable aux élections. Au regard de l’urgence de libérer la machine du processus électoral, il est judicieux d’oublier le dialogue et recentrer collectivement les efforts sur la manière d’organiser les élections essentielles conformément aux délais constitutionnels.
Le temps du dialogue est révolu. C’est le moins que l’on puisse dire. S’entêter sur cette voie, c’est autrement préparer les bases pour un chaos généralisé. Après toutes les années de guerre, la RDC ne mérite pas un tel sort. Le moment n’est-il pas venu de changer de fusil d’épaule en ayant tous les regards et les énergies concentrés sur les élections.
« Le respect de la Constitution est un impératif »
Le dialogue en vue des élections apaisées est souhaité par tous les Congolais. Mais, subordonner les élections au dialogue est une folie meurtrière qui pourrait faire basculer le pays dans le gouffre. Et, vive le chaos ! Le retour aux élections consacrées par la Constitution est la vie royale qui amènera l’apaisement réel des esprits parce que ce compromis historique de Sun City se nourrit de la sève de son exécution fidèle tant en 2006 qu’en 2011 où l’accès au pouvoir pour cinq années était décidé à travers les urnes et pas au moyen des combines er compromis politiques. Paraphrasant Edem Kodjo, il y a lieu de dire que « le respect de la Constitution est un impératif » et « il y a encore moyen de respecter les délais, parce qu’on est encore le 29 janvier 2015».