Le pré-dialogue fin juillet chez Sassou

Lundi 18 juillet 2016 - 13:00

Discrètement, Denis Sassou Nguesso s’impose désormais dans la recherche de la solution à la crise congolaise. La présence quasi-permanente de son envoyé spécial à Kinshasa a permis des avancées et, de plus en plus, il apparaît qu’une rencontre entre acteurs politiques de la RDC, sous forme de pré-dialogue, pourrait être organisée incessamment à Oyo au Congo-Brazza ville.

Le président Denis Sassou Nguesso serait-il la personnalité africaine idéale pour la résolution de la crise en RDC ? A première vue, celui qui vient de réussir la modification de la Constitution de son pays, par voie référendaire, faisant sauter les deux verrous qui l’empêchaient de briguer un nouveau mandat de sept ans, ne peut jouer qu’en faveur d’une partie. Celle de la Majorité présidentielle qui se bat pour résoudre la difficile équation du président Joseph Kabila à qui la Constitution interdit de briguer un deuxième mandat après le19 décembre 2016.

Oyo, le village natal du président Denis Sassou Nguesso, a vu de nombreux acteurs politiques de la République démocratique du Congo foulés son sol. Le jour que le fleuve Congo livrera les secrets des traversées, toute la classe politique congolaise sera concernée.

La démarche remonte au sommet de la CIRGL à Luanda. Visiblement, le président Sassou avait reçu mandat de ses pairs, particulièrement l’Angolais Dos Santos, président en exercice de la CIRGL, d’engager des consultations avec toutes les parties congolaises. Ce qui justifie le voyage du président Kabila à Oyo avant le 30 juin. Selon des indiscrétions, Denis Sassou aurait dissuadé son homologue à ne pas annoncer l’organisation du référendum.

Le 30 juin, lors de son adresse à la nation, Joseph Kabila n’avait fait aucune allusion à un quelconque référendum, même si au niveau de l’Assemblée nationale, la loi référendaire pourrait être soumise à l’examen de la plénière.
«Si la stratégie du président Kabila coince, c’est parce qu’elle est marquée du sceau de l’improvisation et de l’amateurisme », a déclaré un cadre du G7, sous couvert d’anonymat. Pour un diplomate africain basé depuis plusieurs années à Kinshasa et qui connaît les couloirs de Brazzaville, il a confié au Potentiel que « la stratégie de Sassou a été le fruit d’une longue réflexion et d’une méthode qui a fait appel à l’expérience et aux appuis les plus variés ». Le dialogue du Congo-Brazzaville s’est tenu dans la capitale môme, sous la facilitation du propre directeur de cabinet du président Denis Sassou.

Pour démontrer le caractère huilé du processus pensé et programmé, le référendum s’est déroulé bien avant les élections; mieux la date de la présidentielle avait été avancée de plusieurs mois.

KABILA DROIT DANS LE MUR
Ce tableau peint autant de différences et bien d’autres qui expliquent que Denis Sassou a compris que Kabila va droit dans le mur et que les conséquences peuvent être dramatiques pour Brazzaville en cas d’embrasement de Kinshasa, selon la même source diplomatique africaine.

Le diplomate africain poursuit que même si la France a publiquement dénoncé la présidentielle du 20 mars au Congo-Brazzaville, le pays de François Hollande n’en demeure pas moins un allié objectif et un soutien sûr pour le régime de Brazzaville. Le vieux diplomate africain conclut que le président Sassou serait devenu, faute de mieux, diront les esprits chagrins, le seul repère dont dispose la France en Afrique centrale.

Pour expliciter le raisonnement, il avance que le président Idriss Deby serait malade, Paul Biya du Cameroun, très vieux et malade également et Ah Bongo serait empêtré dans des problèmes inextricables chez lui, au Gabon. Il ne reste donc plus que Denis Sassou Nguesso qui dispose encore de sept années au cours desquelles des changements profonds voire des bouleversements du même genre se produiront dans la région, notamment le départ de Dos Santos et de plusieurs chefs d’Etat.

La communauté internationale, qui n’a plus d’autre carte pour l’équation rd congolaise a fait recours au vieux Sassou qui a fait ses preuves en République Centrafricaine. Le dossier centrafricain est, en effet, un bon exemple de la « méthode Sassou » qui connaît les acteurs, les séduit quand il n’arrive pas à les acheter, les menace quand il n’arrive pas à les séduire, a déclaré un autre diplomate en place à Brazzaville.

Un opposant de la Dynamique de l‘Opposition, qui reconnaît avoir effectué le déplacement d’Oyo, estime que la rencontre projetée n’est pas un pré-dialogue mais juste l’amorce du dialogue à travers des consultations intenses. Les chefs d’Etat de la CIRGL ont donc compris que la RD Congo risque de basculer et qu’il faut éviter le chaos. Les négociations auront bien lieu.
L’objet des consultations consistent uniquement à scruter la période post-19 décembre 2016. Va-t-on suivre la position américaine qui tient au strict respect de la Constitution ou chercherait-on des pistes qui mettraient tout le monde d’accord.

TRAIT D’UNION SOUS-RÉGIONAL
L’autre atout du président Sassou Nguesso est qu’il entretient de bons rapports avec le Rwandais Paul Kagame et nombre de chefs d’Etat francophones. En même temps qu’il est en bons termes avec Edouardo Dos Santos. Mis ensemble avec le rapprochement Angola et USA, les bonnes grâces de la France en faveur de Sassou, il apparaît que les consultations d’Oyo produiront plus d’effets que la facilitation d’Edem Kodjo qui peine à imprimer ses marques. D’ailleurs, le fait d’avoir effectué, lui aussi, le pèlerinage d’Oyo est un signal fort de l’importance que tous accordent à Sassou Nguesso, dans la résolution de la crise congolaise, abstraction faite de son maintien contre les règles les plus élémentaires de la démocratie, de l’alternance.
Par LE POTENTIEL