A la faveur de l’examen de la Loi de finances 2016, la dernière du Plan quinquennal défendu par le Premier ministre à son entrée en fonction en 2012 et à quelques mois de l’expiration de la mandature, le verdict de Simon Floribert Mbasthi Batshia, l’un d’éminents députés du PPRD, est sans appel:, le Premier ministre a échoué dans la mise en oeuvre du programme d’action de son gouvernement, chiffré à USD 48 milliards sur une période de 5 ans mais nettement en dessous de ses propres prévisions: environ moins de USD 25 milliards selon les calculs étant donné que tous les budgets depuis 2012 ne sont exécutés qu’à moins de 60%. Il aura fallu plusieurs mois pour que l’on s’aperçoive de la supercherie.
L’ancien gouverneur de l’ex Bas Congo a martelé son inquiétude : «Le Premier Ministre peut-il nous dire le niveau réel d’exécution de son programme, qui est le seul et unique élément qui devrait nous permettre de délivrer un satisfecit à l’action du gouvernement?».
Si le Premier ministre se vante d’avoir réalisé des performances dans le domaine macroéconomique et de la croissance, Mbatshi l’a dégonflé et renvoyé aux études relevant les mauvaises performances qui enterrent son mandat. Sans ambages, il a noté les 5 paradoxes qui donnent du tournis au Premier ministre et devraient le conduire à se remettre en cause si vraiment il veut sauver sa face. Il a démontré qu’au stade actuel de son mandat, il est possible d’affirmer est passé à côté de la plaque même s’il a avoué qu’il serait malhonnête de nier tous ces efforts inlassables faits depuis 2011, sous l’impulsion du Président de la république, soulignant cependant que le Premier ministre Matata devrait mieux rassurer l’opinion sur sa capacité d’annihiler ces paradoxes de l’économie RD-congolaise avant la fin de l‘exécution de son programme. Pour les personnes avisées, le message est passé: difficile d’accomplir en douze mois ce que l’on n’a pas pu faire pendant 48 mois. Ci- dessous, l’intégralité de l’intervention de l’honorable Mbatshi Batshia.
Par Olitho KAHUNGU
Intervention de l’honorable Mbatshi Batshia sur le Projet de Loi de finances pour l’exercice 2016
Honorable Président de l’Assemblée Nationale, Honorables membres du bureau, Distingués collègues, Permettez-moi pour une fois de déroger à la règle qui veut qu’on puisse toujours féliciter Mr le Premier Ministre chaque fois qu’il dépose un projet de loi de finances. C’est parce que ces félicitations presque routinières nous ont empêchés parfois de nous souvenir que ces budgets qui nous sont présentés chaque année n’ont qu’un seul objectif, le financement du programme quinquennal 2012-2016 programme présenté par le Premier Ministre lui-même en 2012, voté par notre Assemblée et sur lequel son gouvernement a été investi.
A la page 53 de ce programme, il est dit -je cite- « qu’il est souhaitable d’envisager l’opportunité de financer la plus grande partie de ce programme par des ressources internes c’est-à-dire le budget ordinaire de l’Etat. Tous les efforts seront mis en oeuvre pour mobiliser pour 2012 environ USD 5 milliards en recettes ordinaires, USD 7 milliards pour 2013, USD 10 milliards pour 2014, USD 12 milliards pour 2015 et USD 14 milliards pour 2016 soit environ USD 48 milliards en cumulé pour la période 20 12- 20 16». -Fin de citation.
Or, nous connaissons déjà les réalisations de 2012 à 2014 qui ont été nettement en-dessous des prévisions contenues dans ce programme. Quant à l’année 2015, nous savons que les recettes totales dépasseront à peine USD 6 milliards -si on s’en tient aux optimistes projections du gouvernement- contre les USD 12 milliards figurant dans le programme, tandis que pour 2016, les prévisions du gouvernement, je dis bien les prévisions, ne se situent qu’à USD 9 milliards contre USD 14 milliards dans le programme. Autrement dit, quel bilan le gouvernement peut-il établir aujourd’hui au regard des promesses contenues dans son programme d’action 2012-2016 devant ces contre-performances en matière de mobilisation des ressources ordinaires? et dans ses efforts de mobilisation de ces recettes, quelle place réserve-t-il à l’inspection générale des finances dans un contexte délétère où l’on ne parle que de corruption et détournement des deniers publics pudiquement appelé « Coulage des recettes, alors que c’est là l’instrument de prédilection que le législateur a mis à sa disposition pour maximiser les recettes publiques»?
Le Premier Ministre peut- il nous dire le niveau réel d’exécution de son programme, qui est le seul et unique élément qui devrait nous permettre de délivrer un satisfecit à l’action du gouvernement?
Deuxième préoccupation
Honorable Président, Mr le Premier Ministre sait pertinemment mieux que nous tous que l’économie de notre pays telle qu’il l’a héritée est pleine de paradoxes, c’est-à-dire que nous avons toujours vécu une inadéquation entre les indicateurs macroéconomiques et la situation socio-économique telle que vécue par notre population. 1er Paradoxe: un faible taux d’inflation -on le situe à moins de 3%- mais malheureusement contrastant avec un faible pouvoir d’achat de la population et une non maîtrise des prix des produits de consommation courante. 2ème Paradoxe : un taux de croissance élevé -9,2% et bientôt à deux chiffres- mais contrastant avec une pauvreté qui ne se réduit pas et n’ayant aucun impact sur la création des emplois et donc sur la réduction du chômage. 3ème Paradoxe: un taux de croissance élevé, donc un accroissement dans la création des richesses, mais n’entraînant pas du tout l’augmentation des recettes fiscales.
4ème Paradoxe: une liquidation insuffisante de la dette sociale notamment les créances du personnel de l’Etat, les pensions des retraités et surtout la dette intérieure au moment où souvent on claironne sur des excédents budgétaires.
5ème Paradoxe: des taux bancaires élevés -19%, 20%- contrastant à la fois avec un faible taux directeur de la BCC -2%- et un taux d’inflation très bas -moins de 3%.
Tous nos espoirs étaient fondés sur Mr le Premier Ministre pour qu’à la fin de l’exécution de son programme tous ces paradoxes disparaissent totalement ou en partie, mais hélas dans le projet de loi de finances 2016, flous retrouvons encore ceci:
-Le budget proposé est en recul de 0,7% par rapport à celui de 2015, mais le taux de croissance projeté est de 9%. En d’autre termes, une augmentation du taux de croissance du PIB -donc une augmentation des richesses de 9% au niveau national-, mais qui cohabite sans gène avec un recul des recettes budgétaires de 0,7% avec un chômage de masse totalement insensible à cette performance. Il serait malhonnête de nier tous ces efforts inlassables qui ont été faits depuis 2011, sous l’impulsion du Président de la république Chef de l’Etat, mais le Premier ministre devrait mieux nous rassurer sur sa capacité d’annihiler ces paradoxes de l’économie congolaise.
Troisième et dernière préoccupation
Toujours dans le cadre de la persistance de ces paradoxes, regardons un peu le tableau n° 10 qui donne une grille des taux appliqués dans notre système bancaire, et qui fait apparaître des situations totalement inédites et incompréhensibles, mais qui perdurent depuis des très nombreuses années, au point de susciter une série de questions dont celles-ci:
-Qu’est ce qui justifie un différentiel aussi important entre le taux directeur le la Banque Centrale du Congo, soit 2% pour l’ensemble de la période, et les taux débiteurs moyens qui se situent à une moyenne de 19,64% pour les opérations en mo4taie nationale et de 14,39% pour les opérations en monnaies étrangères?
-Concernant plus précisément les taux débiteurs, qu’est ce qui justifie le grand différentiel entre ceux appliqués aux opérations en monnaie nationale, soit une moyenne de 19,64% et ceux appliqués aux opérations en monnaie étrangères, soit une moyenne de 14,39% ? Un tel différentiel est-il de nature à encourager la dédollarisation de l’économie -comme .le Gouvernement ne cesse de le clamer-? Un tel différentiel peut-il se justifier dans un contexte de stabilité de la monnaie nationale et d’une inflation qu’on nous dit inférieur à 3% l’an ?
Pour terminer,
-Qu’est ce qui justifie un tel différentiel si impressionnant entre les taux moyens débiteurs et les taux moyens créditeurs, soit respectivement 19,64% et 4,02% pour les opérations en monnaie nationale, et 14,39% et 3,25% pour les opérations en monnaies étrangères? En d’autres termes quand vous empruntez de l’argent, vous devez payer 19 à 20% d’intérêt débiteur, mais par contre quand vous prêtez l’argent à la banque en faisant un dépôt, on énumère votre argent à 4,04% d’intérêt créditeur. Un tel différentiel est- il de nature à encourager l’épargne’ des ménages qui est un paramètre des plus, importants pour une économie qui veut prendre la direction de l’émergence?
J’ai dit et je vous remercie.