Pour agir, comme vient de le faire Fibank, une banque nigériane opérant en RDC, en licenciant sans coup férir 41 agents de manière illégale le 20 juillet dernier, et ce, absolument illégale, il n’y a que deux hypothèses possibles : l’incompétence combinée du conseiller juridique et de la directrice générale de la banque ou l’extrême mépris des autorités congolaises et de la Constitution du Congo qui garantit un certain nombre des droits que nul ne doit violer. Dans les cas précis, licenciement en bloc de 41 agents, plus grave encore, dont des délégués syndicaux, pour avoir revendiqué un droit contenu dans leur convention collective, il faut que les deux hypothèses soient réunies : mépris total et incompétence. Tout part d’un mail libre, émis en mai 2015 par le Secrétaire Général de la banque, Patrice Buabua, annonçant la suspension de la gratification dont bénéficient les agents de la FIBANK, qui est, chaque année l’équivalent d’un mois de salaire, payée deux fois après une période de six mois.
Ainsi, le payement intervient au mois de juin et en décembre sous forme de 13ème mois. En réaction à ce mail, qui viole la procédure et qui remet en cause les droits acquis, la délégation syndicale s’est dite « non concernée par une décision prise de manière unilatérale ». Avec le droit de son côté, la Convention collective, la Délégation syndicale a brandi l’article 3, qui énonce tous les avantages sociaux, dont à droit l’employé. Les délégués syndicaux font aussi prévaloir que toute révision de ce contrat social entre l’employeur et l’employé, ne peut être révisé de manière unilatérale. Et de prévenir qu’ils allaient user de tous les moyens légaux pour faire prévaloir leur droit. C’est alors qu’intervient la directrice générale Félicité Singa- Boyenge. Elle demande aux syndicalistes de se rapprocher de la Direction des RH (Ressources Humaines) et dit que la mesure prise, suspension de la gratification, n’est qu’un rappel de ce qui est appliqué depuis l’année passée.
Ce à quoi lui a rétorqué le président de la Délégation syndicale qu’il ne demandait qu’une seule chose : le respect des engagements contractuels et réglementaires car, soutient-il, un mail libre ne peut pas abroger une disposition contractuelle. Cet échange épistolaire n’avait pas suffit à rapprocher les points de vue des uns et des autres. S’en est suivi alors un bras de fer entre l’employeur et l’employé. Conséquence immédiate de ce bras de fer : le limogeage de deux délégués syndicaux le 29 juin 2015. Fait gravissime, sans requérir l’autorisation préalable du ministère du travail. En posant ce geste, l’employeur, loin d’apaiser la tension sociale, venait de l’envenimer. Dans sa désinvolture, la Directrice générale de Fibank s’est permise de mépriser les autorités nationales en défiant les syndicalistes. Elle a prononcé ces mots selon un syndicaliste : « allez m’accuser où vous vous voulez ! Personne ne me fera rien. Que ce soit à la Banque Centrale du Congo, à la Justice ou au ministère du Travail, personne ne me touchera. On ne me fera rien car l’argent réponds à tout ». Allez-y comprendre... Ces propos font froid au dos. Et un coup d’œil au bilan de la FIBANK, on s’aperçoit qu’elle n’est pas en règle avec les normes macro-prudentielles émises par la BCC. Toutes les promesses de recapitalisation n’ont jamais été respectées. Selon un expert de la BCC, il faut à peu près 20 millions USD à FIBANK pour être en règles avec les normes prudentielles.
Après donc les licenciements, les syndicalistes ont écrit à l’Inspecteur du Travail pour l’informer du conflit. En guise de solidarité, les autres agents ont émis un préavis de grève pour le 6 et le 7 juillet. Deux principales revendications : réinsertion de leurs délégués révoqués illégalement et paie de la gratification. L’employeur n’a pas réagi. Et ce qui devait arriver arriva : l’arrêt du travail le 6 juillet. C’est alors que se pointa l’Inspecteur du Travail pour une conciliation. Aucun consensus ne fut trouvé. Le 7 juillet l’Inspecteur écrit à la FIBANK pour demander l’apaisement. Sans succès, car à partir du 8 juillet, les grévistes, les uns après les autres, se voient tous adressés des lettres de demande et explications. Et le 20 juillet, l’inimaginable se produisit : chacun des grévistes reçut une lettre de résiliation du contrat. Là où le ridicule ne tue pas en RDC, ils ont été licenciés pour faute lourde pour deux absences non justifiées. Quel motif absurde ! Car le Règlement Intérieur de FIBANK stipule que pour 3 absences non justifiées c’est une mise-à-pied. Il faut 5 absences non justifiées pour un licenciement selon le même Règlement intérieur de FIBANK. Ici, non seulement il ne s’agissait pas d’une absence non justifiée car le préavis de grève avait été émis en bonne et due forme, mais même le nombre de jours des absences supposées ne correspondent pas à la sanction. Même un juriste de 1ère année de Graduat ne commettrait pas une telle bourde.
Il faut être vraiment malveillant pour agir ainsi. Comble de la méchanceté, la FIBANK a débité la plupart des comptes des ses ex agents fraîchement licenciés. Tous ceux qui avaient souscrit à des emprunts ont vu leurs décomptes finaux confisqués au mépris de la loi. Le tableau d’amortissement n’a pas été respecté. Selon les responsables de la banque nigériane, qui se disent « intouchables », c’est le moyen de les empêcher d’aller ester en Justice faute d’argent. FIBANK a violé le caractère insaisissable du salaire. Pour les plus chanceux, le décompte final a été payé hors délai légal, soit plus de 48 heures après. Une telle forfaiture ne peut rester impunie. Quelle que soit la fortune, force à la loi. Le vice-premier ministre en charge du Travail et Prévoyance social, Willy Makashi doit faire en sorte que le droit du travail soit respecté. Son collègue de la Justice Alexis Ntambwe Mwamba doit aussi veiller à ce que les lois de la République soient respectées. Sa qualité de garde des sceaux est interpellée par ce drame que vit une quarantaine d’ex agents de FIBANK, dont le seul tort est d’avoir revendiqué leur droit. Ce licenciement de 41 personnes, à la fois abusif et choquant à la FIBANK, démontre que l’homme est un loup pour l’homme. Et face à cela, seule la loi peut l’arrêter !