Lors d’une conférence à l’Université catholiques – Adolphe Muzito : « Un Etat ne se décrète pas »

Jeudi 10 décembre 2015 - 10:16

Peut-on se prévaloir d’être un Etat sans se doter des moyens d’existence d’une telle entité. Devant des étudiants de l’université catholique au Congo, l’ancien Premier ministre a abordé toutes les questions qui taraudent les esprits lucides au pays.

 

Avant de développer le sujet, il sied de définir les concepts repris dans la thématique, l’Etat de droit. Mais avant de définir celui-ci, il faudrait d’abord mieux cerner les deux concepts qui le composent, à savoir « l’Etat » et « le droit ».

 

  1. UN ETAT

C’est quoi un Etat ?

Sans rentrer dans la guerre des concepts, disons que l’Etat se définit d’abord par ses éléments constitutifs qui sont le territoire, la population et la puissance publique. Il ressort de cette définition, pour qu’il y ait Etat, il faut un territoire, une population et une puissance publique. A ces trois éléments développés, on ajoute la souveraineté ou reconnaissance par d’autres Etats.

 

Mais il existe, un débat intéressant, consistant à rechercher l’effectivité de ‘existence de certains Etats. Car, ne chose est de réunir ses éléments constitutifs, une autre est de les maitriser réellement.

 

Ainsi, il est dit parfois de certains Etats, qu’ils sont de non-Etats parce que ne sachant pas remplir leurs fonctions régaliennes, consisteront : à sécuriser et à défendre leur territoire national, à maitriser l’effectif de leur population, en ne sachant assurer leur puissance publique sur toute l’étendue de leur territoire national, en ne sachant défendre leur souveraineté envers les autres Etats.

 

  1. LE DROIT

Le droit peut être défini dans un sens objectif comme dans un sens subjectif. Dans le sens objectif, le droit est un ensemble de règles à caractère général, contraignant..., qui régissent une société donnée. Dans le sens subjectif, le droit constitue une prérogative que la règle juridique reconnait e une personne, considérée comme sujet de droit.

 

Exemple droit de propriété, droit d’élire ou d’être élu.

C’est là que nous pouvons classer, les droits fondamentaux, qui sont généralement repartis en quatre catégories : les droits-libertés (droits défensifs) dont : les droits de la personne humaine et les droits du travailleur (la liberté syndicale et le droit de grève). Les droits-participation (droits traduisant la participation des individus au fonctionnement de l’Etat) dont le droit de vote et le droit d’être éligible.

 

Les droits-créances (ceux qui exigent une action positive de l’Etat) dont le droit à la santé, le droit au travail, le droit à l’éducation, le droit à la protection sociale, le droit à l’emploi, le droit au logement etc.

 

Les droits-garanties (ceux qui ont une fonction de garantie à l’égard de l’Etat) dont le droit au juge, le droit à la défense, le droit à la présomption d’innocence etc.

 

  1. L’ETAT DE DROIT

 

Né de la contraction entre le concept « Etat» et le concept « droit », le concept « Etat de droit» a été défini de plusieurs manières.

 

Le professeur NIEMBA SOUGA Jacob le définit comme « un Etat qui limite le pouvoir par la loi et impose un respect impératif à cette limitation ».

 

Pour Léon Kengo Wa Dondo, « c’est un Etat dans lequel, tous les citoyens jouissent réellement et pleinement de leurs droits non comme un don ou une faveur mais un droit exigible parce qu’ils sont des hommes et des femmes par leur nature ». Par d’autres, comme un Etat, où tous les citoyens sont soumis à la loi.

 

De l’analyse de différentes conceptions de l’Etat de droit (allemande, française et anglaise), nous pouvons retenir les critères ci-après, pour déterminer un Etat de droit:

 

L’existence d’Une hiérarchie de normes juridiques

Les compétences de différents organes de l’Etat doivent être précisément définies et les normes qu’ils édictent, ne sont valables qu’à condition de respecter l’ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de la hiérarchie des normes juridiques, on retrouve la constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi puis des règlements.

La séparation des pouvoirs et son corollaire, l’indépendance du pouvoir judiciaire.

 

Ce principe voudrait que tout pouvoir soit indépendant des autres, mais aussi que chacun puisse contrôler l’autre, afin de créer l’équilibre. Son corollaire, l’indépendance du pouvoir judiciaire constitue une garantie pour l’application de normes juridiques.

L’égalité de tous devant la loi

Ce principe exclut toute discrimination à l’égard d’une catégorie des individus, et ce dans tous les domaines. Il prend un sens beaucoup plus important en Angleterre où il n’existe aucun privilège de juridiction, voire aucune immunité de poursuite pour les dirigeants politiques.

 

Il en est de même en Italie, où la loi accordant l’immunité au Premier Ministre, pendant l’exercice de ses fonctions a été jugée contraire à la constitutionnelle par la Cour constitutionnelle Italienne.

Le respect des droits fondamentaux

L’Etat qui ne respecte pas les droits fondamentaux, ne pourra être considéré comme un Etat de droit.

Ainsi, comme nous l’avions vu, l’Etat de droit ne peut se confondre avec l’Etat de police ou l’Etat policier, moins encore avec la démocratie.

 

  1. L’Etat de droit et l’Etat de police

Pour NIEMBA SOUGA Jacob, « ‘Etat de police ou l’Etat policier se distingue de l’Etat de droit, par le fait que les autorités publiques ont des pouvoirs illimités qui ne sont soumis à aucun contrôle juridictionnel et la population est soumise impérativement à ces autorités ».

 

  1. L’Etat de droit et la démocratie

L’Etat de droit implique que la liberté de décision des organes de l’Etat soit à tous les niveaux encadrée par l’existence de normes juridiques, dont le respect est garanti par l’intervention d’un juge, il présuppose que les élus ne disposent plus d’une autorité sans partage mais que leur pouvoir est par essence limite.

 

En d’autres termes, un Etat, c’est le droit et les institutions politiques chargées de produire, d’appliquer et ce faire respecter ce droit. La notion ‘Etat de droit1 quant à elle, désigne un Etat soumis à la primauté du droit. Elle se rapporte donc au respect du droit par la puissance publique, à l’opposé d’un Etat de despotisme où règne l’arbitraire du pouvoir. Un Etat de droit est un Etat où règne la primauté de la règle de droit, où tout e monde est soumis à la loi, sans exception. Bref, l’Etat, c’est le droit.

 

Il n’existe donc pas d’Etat sans droit. Si tout Etat est, droit, tout Etat n’est cependant pas Etat de droit. La doctrine lie cette notion aux principes ci-après : le principe de légalité résultant de la hiérarchisation des normes juridiques qui implique la sanction en cas de non conformité à une règle supérieure, dont la Constitution la norme suprême ; le principe de l’égalité des sujets devant le droit, l’Etat étant lui même un sujet au même titre que les particuliers. L’Etat ainsi que ses dirigeants devront ainsi respecter le droit qu’ils ont eux-mêmes produit; la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire avec comme corollaire le contrepoids entre pouvoirs ; l’indépendance de la justice.

 

Ainsi circonscrite, la notion d’Etat de droit n’implique pas forcément une République ou une démocratie, quand bien même la plupart des Etats ayant choisi la démocratie comme mode de d’évolution du pouvoir sont des Etats de droit.

 

Ainsi un Royaume, comme la Grande Bretagne est un Etat de droit, tout comme la Chine moderne qui, sans être le champion de la démocratie, est aujourd’hui considéré comme très avancée comme Etat de droit.

 

L’Etat de droit est finalement un processus vers la primauté du droit en lieu et place de l’arbitraire du pouvoir. C’est dans ce cadre qu’il faut apprécier nos Etats en Afrique, à la lumière des principes sus évoques.

 

Quels sont les acteurs institutionnels ayant mission de concourir à l’émergence d’un Etat de droit?

Un Etat ne se décrète pas. Il est le fruit d’un processus historique, des rapports de force entre catégories sociales, groupes d’intérêt bu communautés en présence.

Les partis politiques, porteurs des idéologies, des projets de société, les acteurs de la société civile, les syndicats, les élites sous diverses formes d’association, concourent à la formation des identités des régimes sociaux, etc. et à l’édification d’un Etat de droit. La RDC est-elle un Etat de droit?

A la lumière de tout ce qui vient d’être développé, il reste à savoir, comment pouvons-nous définir notre Etat, la RDC ?

La RDC est un Etat en construction ou en transition vers un Etat de droit.

Si nous sommes d’accord que la RDC est un Etat en construction ou en transition vers un Etat de droit, quelles sont les faiblesses qui entourent le processus de son édification comme Etat de droit?

 

Par LP

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