Mercredi de l’ICREDES : Elikya Mbokolo et G. Nzongola appellent à une prise de conscience face au terrorisme islamiste

Jeudi 15 octobre 2015 - 12:19

Deux éminents professeurs d’université ont lancé une alerte sur la menace du fondamentalisme religieux en RDC. Tirant les leçons de l’expansion du terrorisme des islamistes fondamentalistes en Afrique, les professeurs Elikya Mbokolo et Georges Nzongala appellent les dirigeants congolais à anticiper par une bonne gouvernance de la res publica, une redistribution juste de revenus nationaux ainsi que par une surveillance accrue de l’épanouissement actuel de l’islam en RDC. Pour autant, les deux scientifiques sont d’avis que l’islam n’a pas d’essence violente.

 

Les studios di Groupe de presse Le Potentiel et Radio Télé 7 ont servi de cadre hier 14 septembre au « mercredi de 1’ICREDES ». Il s’agit d’un espace d’échange entre intellectuels sur un sujet d’actualité ou de société. Ces échanges sont organisés régulièrement par l’Institut congolais de recherche en développement et études stratégiques (ICREDES) pour éclairer l’opinion nationale. L’objectif visé étant le développement intellectuel et scientifique de l’Afrique en général et de la RDC en particulier.

 

Les professeurs Elikya Mbokolo et Georges Nzongola Ntalaja ont été les deux principaux invités à ces débats modérés par le professeur Kankwenda Mbaya, directeur général de l’ICREDES, sous thème « Le fondamentalisme terroriste en Afrique ». Le vice-président, Freddy Mulumba, ainsi que plusieurs journalistes du Groupe de presse Media 7 (Le Potentiel et Radio-Télé 7) ont aussi pris part à cette matinée intellectuelle.

Circonscrivant le thème, le modérateur a souligné qu’il s’agissait principalement de cogiter sur les stratégies que l’Afrique peut arrêter face au terrorisme islamique qui affecte peu à peu le Maghreb, l’Ouest et même de l’Est du continent; et envisager les perspectives pour la RDC. Si Boko Haram garde son foyer au Nigeria, il frappe aussi bien au Nord du Cameroun, au Tchad, au Niger. Il y a peu, le Mali a été touché par le fondamentalisme religieux. Il en est de même de la République Centrafricaine qui, depuis deux ans, enregistrent des conflits religieux entre musulmans et chrétiens. Bien avant ces pays de l’Afrique de l’Ouest, des pays de l’Est comme la Somalie, l’Ethiopie, le Kenya, voire même l’Ouganda ont été la cible des terroristes islamistes.

 

Rompre avec les inégalités sociales

 

« Ces événements ne sont pas loin de chez nous (ndlr : la RDC). L’islam est aussi chez nous avec des écoles gratuites. N’y a-t-il pas risque que ces lieux de prière puisse servir un jour d’incubation de l’idéologie islamiste aux fins des revendications ? », s’est interrogé le professeur Kankwenda Mbaya pour lancer le débat.

 

Le professeur Georges Nzongala a tenu à lever tout équivoque d’abord. « L‘islam n‘est pas une religion violente », a-t-il lancé, avant de donner plusieurs exemples de son expérience personnelle. A l’en croire, dans les années 1970, il pouvait facilement partager un verre de bière en public avec ses amis maliens. Mais quand il est revenu dans le même pays en 2002, ce n’était plus possible. «Il fallait se cacher pour prendre la bière ». Le professeur Nzongola explique ce changement par « l‘intolérance devenue fortement prononcée entre temps». Ainsi, il a appelé vivement les politiques congolais à oeuvrer pour une société où il y a le respect de la diversité. « Que les musulmans soient respectés comme tous les autres citoyens », a-t-il plaidé.

 

Le professeur Elikya Mbokolo situe l’islamisme fondamentaliste dans la conjonction de plusieurs facteurs socioéconomiques. Donnant l’exemple de l’Egypte et de l’Algérie, Elikya Mbokolo soutient que dans ces pays, l’absence d’une redistribution juste des revenus nationaux, l’accroissement des inéa1ités sociales ont été à la base du radicalisme des fondamentalistes islamistes. Comment? Quand il y a la crise, la pauvreté, les inégalités sociales, les jeunes se réfugient dans les lieux de culte. Ici, s’ils sont encadrés par des fondamentalistes islamistes, ils se radicalisent et deviennent des terroristes pour se venger contre les dirigeants.

 

« Tout musulman n’est pas islamiste », dit aussi Elikya Mbokolo. Cependant, bien que convaincu que l’islam n’est pas violent. Il soutient tout de même qu’il existe de tendance qui prône cette religion comme la seule qui soit meilleure. D’où, le risque de chercher à convertir les autres même par la violence gratuite et en cas de résistance par le terrorisme. Il dit ne pas comprendre ces percepts fondamentalistes de l’islam qu’il qualifie de «mythe des origines ». «Le prophète (ndlr: Mahomet) avait sa foi mais” il composait avec les autres », rappelle-t-il.

 

Par rapport au financement de l’intégrisme islamiste, .Elikya Mbokolo fait savoir qu’en plus des pays arabes du Moyen- Orient bien identifiés, il y a aussi des pays non musulmans qui l’appuient. « Le financement et l‘exploitation politique ou stratégique de l‘intégrisme guerrier, c’est pas seulement les pays musulmans qui l‘assurent mais aussi les nations non musulmanes, des pays occidentaux ».

 

LA RDC FACE AU TERRORISME FONDAMENTALISTE

 

Le malheur de la RDC est que le pays renferme toutes les faiblesses qui pourraient favoriser le terrorisme des fondamentalistes religieux. Comme la plupart des pays africains, la RDC connait des inégalités sociales qui ont tendance à croître. La RDC n’a pas une armée outillée pour faire la guerre au terrorisme quel qu’il soit. La résistance des politiques à pérenniser un modèle démocratique peut aussi prêter le flanc aux terroristes. Naturellement, l’absence d’une administration capable de gérer la société à la base est un grand défaut.

 

Ce qui fait le plus craindre le professeur Elikya Mbokolo, c’est la violence des nouveaux riches face, aux pauvres. L’insolence de la richesse que certains dignitaires étalent fait craindre qu’un jour le pauvre fasse violence contre les riches, les nantis. «Nous sommes coincés par la mondialisation. La quête de l‘argent devient une frénésie. Quand on a le pouvoir on accapare le maximum», dit-il.

 

Ainsi, pour les deux conférenciers, la solution reste la mise en place d’une gouvernance démocratique susceptible de lutter contre les inégalités sociales et d’asseoir une organisation administrative solide. Il faut également une politique d’ouverture à la laïcité qui soit tolérante. Tout aussi, ils ont appelé les décideurs à mener des études sur le développement de l’islam en RDC afin de connaitre d’où vient le financement mais aussi d’anticiper et de neutraliser les foyers de radicalisation.

L’ICREDES est une Asbl fondée le 13 mars 2003 par le Professeur Justin Kankwenda Mbaya, un haut fonctionnaire du PNUD. Elle entre autres objectifs Mener des recherches en développement sur toute thématique sociale, naturelle ou physique concernant la République Démocratique du Congo et l’Afrique. Mener des recherches stratégiques sur les thèmes et secteurs névralgiques du développement du pays ; monter une base documentaire et de données dans le cadre de ses programmes de recherche, et au service du public congolais en général ; créer et lancer un carrefour scientifique interdisciplinaire permettant l’échange d’information et d’analyses, ainsi que la confrontation constructive des méthodes scientifiques, des théories et des résultats de ses recherches à la disposition de ses membres et des organismes publics et privés, nationaux ou internationaux qui le demandent.

 

Par Amédée MWARABU KIBOKO