Piège autour du dialogue politique

Lundi 24 août 2015 - 11:04

Ainsi que l’a redit le chef de l’Etat, Joseph Kabila, le 29 juin 2015 lors de son message à la l’occasion de la célébration de 55 ans de l’indépendance de la République, tout se met en place pour la tenue du dialogue politique. La Majorité, qui s’accroche à ce projet, amis à profit ses experts pour planter le décor d’un compromis politique qui viserait à obtenir, avec l’appui de la Cour constitutionnelle, la nomination des gouverneurs, ensuite, l’élection présidentielle au second degré. Du coup, le dialogue se trouve piège à l’avance.

Les difficultés qui assaillent la Ceni, laquelle vient une fois de plus d’étaler son incapacité à organiser les élections des gouverneurs dans les 15 provinces nouvellement créées, s’inscrivent dans un schéma bien tracé à l’avance. En effet, tout est mis en place pour donner l’occasion au dialogue tant attendu de baliser proprement le chemin pour un éventuel glissement du cycle électoral.

Le nouveau report des élections des gouverneurs dans les nouvelles provinces issues du démembrement démontre que la Ceni est à la croisée des chemins. Dépassée et inféodée à des forces politiques obscures qui la régentent, elle se trouve presque désarmée. Sans doute va-t-elle incessamment annoncer également le report des élections provinciales, municipales et locales prévues concomitamment le 25 octobre 2015.

Tiraillée de toute part, l’indépendance de la Ceni n’est plus qu’un slogan. Contrairement aux dispositions constitutionnelles, elle se révèle de plus en plus une institution citoyenne sans âme et qui se distingue par une navigation à vue. Tout a donc été mis en place pour l’affaiblir et la mettre dans l’impossibilité de planifier toutes les opérations électorale.

Le report à nouveau des élections des gouverneurs est cette face révélée de l’iceberg qui cache l’étendue des difficultés qui accablent la Ceni. Dans ces conditions, les élections retenues dans le cycle électoral 2015-2016 sont plus que jamais hypothétiques. Ceci expliquant cela, lors d’une rencontre avec un groupe d’étudiants, le porte-parole du gouvernement a poussé à fond ses manettes pour déclarer, s’appuyant sur l’article 70, que le glissement était constitutionnel.

La déclaration paraît certes anodine, mais elle est révélatrice de l’état d’esprit de la Majorité quine jure que par la conservation du pouvoir à tout prix. Aussi son implication dans les processus électoral ne serait-elle qu’apparente.

LE DIALOGUE A TOUT PRIX

Aujourd’hui, c’est par le dialogue politique que la Majorité attend assouvir sa soif de glissement Dans ses différents états-majors, des moutures des conclusions de ce dialogue circulent déjà sous le manteau. On attend plus que le moment propice pour passer à l’acte.

Dans l’entendement de la Majorité au pouvoir, le dialogue est la seule issue possible pour contourner le verrou de l’article 220 qui écarte son autorité morale.de la course présidentielle de novembre 2016. Au commencement du glissement sera donc le dialogue - et rien d’autre. Le scenario sur plusieurs facettes.
La capitulation de la Ceni dans l’organisation des élections des gouverneurs des provinces ne serait pas un fait isolé. Au bout du compte, la MP rêve de donner l’occasion au chef de l’Etat de nommer les gouverneurs des nouvelles provinces.
Pour y arriver, la MP est obligé de passer outre les dispositions constitutionnelles. Car, si la Constitution autorité au président de la République de relever de leurs fonctions, après consultation de deux chambres du Parlement, les gouverneurs et vice- gouverneurs des provinces «lorsqu’une crise politique grave et persistante menace d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales », la loi des lois ne lui donne pas en revanche le droit des les nommer, en dehors de l’Assemblée provinciale.

AU NOM DU COMPROMIS POLITIQUE

La Majorité ne manque pas d’imagination pour contourner cette difficulté. Aussi mise-t-elle sur la tenue du dialogue. C’est au cours de cette rencontre que .se jouera l’assaut final. A en croire les indiscrétions ça et là dans le sillage de la MP, la sécurisation du processus électoral n’explique pas à elle seule l’organisation des pourparlers entre j5arties congolaises.

Après l’échec des Concertations nationales, le dialogue passe pour la dernière planche de salut de la MP. La Constitution ne pouvant pas régler le problème de la nomination des gouverneurs des provinces, un compromis politique à obtenir dans le dialogue pourrait bien déblayer le terrain. La Cour constitutionnelle, aux couleurs de la Majorité, devait être mise à contribution pour donner un semblant de légalité à la démarche. Celle-ci pourrait éventuellement s’inspirer de l’adage qui rappelle que le compromis politique prévaut sur la loi.

En effet, la RDC est passée par cette voie à plusieurs étapes de son histoire politique, fort mouvementée. C’est au nom de ce même principe que l’accord global et inclusif de Sun City, qui a abouti à la mise du gouvernement « 1+4 », a eu préséance sur la loi en vigueur à l’époque.

Ce n’est qu’une étape. Le plus important étant à venir. Car, rien ne saurait rassurer la Majorité au pouvoir si ce n’est le glissement. Le dialogue pourrait bien se prêter à cet exercice.

Après avoir réduit à un seul tour le mode de scrutin présidentiel, la Majorité pense rééditer le même exploit en obtenant à partir du dialogue politique l’élection du président de la République au suffrage indirect, c’est-à-dire au niveau du Parlement, censé représenter le peuple.

L’ARTICLE 218, LE RECOURS ULTIME

La Majorité a d’ores et déjà travaillé sur tous les scenarii susceptibles de tirer de son coté la couverture lors du prochain dialogue politique. Il y a cependant un revers. Qu’adviendrait-il si cette rencontre que la plupart des Congolais et autres partenaires appellent de tous leurs vœux ne se tenait pas ? Dans la Majorité, les projets foisonnent. Ses experts ont monté toutes les simulations possibles.

Dans ce cas, rien ne pourrait donc empêcher la Majorité d’actionner la révision de la Constitution en, s’appuyant sur l’article 218. Avec un Parlement totalement acquis à sa cause – l’adoption manu militari au Sénat de la loi sur la répartition des sièges aux municipales et locales faisant foi – la Majorité pourrait bien, pour éviter tout effet surprise, actionner le mécanisme prévu à l’aliéna 4 de l,’article 218 de la Constitution. L’alinéa stipule ce qui suit: « Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n‘est pas soumis au référendum lorsque 1‘Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquième des membres qui les composent ».

Tout calcul fait, la Majorité ne pourrait pas rencontrer des difficultés à réunir les 3/5 des voix requises. Cette voie passe pour un ultime recours.

A tout prendre, le dialogue est piégé dès le départ.

LE POTENTIEL