Chaque fois qu’un membre du gouvernement se présente au Palais du Peuple, dans le cadre d’une interpellation ou une question orale avec débat, on croit assister à une pièce de théâtre. Les « Honorables » dégainent leurs meilleures armes et font feu de tout bois. Et dans la conclusion de leurs séances, les auteurs des questions soumises aux débats se montrent généralement mordants : le tableau est noir et il n’y a pas photo entre les actions sur le terrain et le constant qu’en font les élus.
Au regard de ce spectacle, on peut dire que la démocratie fonctionne. Oui mais la suite qu’on serait en droit d’attendre ne viendra jamais, jusqu’au jour où un autre élu adressera une autre question aux ministres, parfois les mêmes, pour leur dire que rien n’a été fait depuis leur dernier passage au parlement.
On croit rêver ! Si donc rien n’est fait, pourquoi la sanction n’est-elle jamais à l’ordre du jour ? Dans quel système politique sommes-nous si chacun peut rester dans son coin et agir sans jamais redouter une sanction, positive ou négative? En réalité, les élus ne peuvent pas agir, simplement parce qu’ils ont les mains liées. Ils ne votent pas en toute conscience mais donnent à leur bulletin la couleur préalablement déterminée par les donneurs d’ordres. En fait de pouvoirs, ce qui est en leurs mains n’est que théorie et fanfaronnade !
Le Congo démocratique donne ainsi d’elle- même l’image d’un pays à part. Où la relecture de certains dossiers comme les faillites organisées des banques, les détournements des fonds publics à l’image du scandale dont le Fonds de Promotion de l’Industrie est victime, l’abandon des régions à, leur triste sort avec pour conséquence l’amplification de l’exode des populations vers les centres urbains etc, fournissent la preuve de l’absence de contrôle e d’équilibre du pouvoir politique. On comprend dès lors pourquoi le métier de politicien est devenu le plus prisé du pays. Chacun veut aller là où la fonction paie et où, rarement, on est conduit à rendre compte.
La voie choisie nous paraît suicidaire pour le pays et son peuple. Parce que des hommes qui bénéficient de l’impunité ne peuvent redresser ni leurs torts ni ceux de leurs administrés. Ils ne peuvent se remettre en question dès lors que le pouvoir judiciaire, qui doit assurer la sécurité de tous, se retrouve souvent aux abonnés absents, là où le pays profond veut l’entendre jouer pleinement son rôle de redresseur des torts.
C’est ici le lieu de rappeler à la mémoire de tous cette interpellation qui date de près de trois siècles et qui nous vient de Montesquieu à travers « l’Esprit des lois » « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, jusqu’à ce qu’il trouve des limites ». Le grand homme nous a appris que pour être démocratique, tout pouvoir doit être accompagné de contre-pouvoirs. Et parmi ceux-ci, il faut citer la société civile, le pouvoir économique et financier, les syndicats et, naturellement, les médias, ces derniers étant par ailleurs considérés comme un quatrième pouvoir.
La vraie question qui se pose chez nous est celle de savoir si, dans un contexte de crise économique et où les entreprises peinent à assurer leur existence, les syndicats disposent d’une force suffisante pour se faire entendre et constituer un véritable contre-pouvoir ? Que peut-on espérer d’une société civile souvent cible de nombreuses attaques et qui dépense l’essentiel de son énergie à défendre son indépendance et son intégrité? Qu’attendre des médias à qui on refuse avec obstination l’exécution des textes devant leur permettre de diffuser l’information à faible coût et de se conformer ainsi à l’article 24 de la Constitution qui devrait pourtant être opposable à tous ? Et que dire de ces mêmes médias à qui on vient d’asséner un coup de massue en augmentant de façon inexplicable et inconsidérée les tarifs de transmission des données et de diffusion par internet?
En RDC, la question des contre-pouvoirs demeure donc pleine et entière. Leur absence est un coup dur pour la démocratie.
Par JRT