Que choisir entre le dialogue et l’échéance de 2016 ?

Mardi 3 mars 2015 - 11:07

La pression constante et énergique exercée sur le pouvoir par des forces politiques et sociales internes patriotes et nationalistes, couronnée par la révolte populaire des 19, 20 et 21 janvier à Kinshasa, et celle non moins constante et énergique exercée par la Communauté internationale, ont en fin de compte triomphé des manœuvres perfides des caciques de la plateforme politique régnante qui s’obstinaient à tripatouiller la Constitution contre vents et marées, pour permettre au Président Joseph Kabila de se représenter pour briguer un 3ème mandat.

A cause de la même pression combinée des forces intérieures et de la Communauté internationale, la CENI a enfin publié un calendrier global réclamé à cor et à cri, bien que truffé de pièges et de contraintes insidieusement pour atteindre le même objectif qu’on n’a pas pu concrétiser faute d’avoir réussi à charcuter la Constitution, à savoir le glissement au-delà de l’échéance légale de 2016.

La Constitution sauvegardée, l’échéancier électoral global publié, on met désormais le cap sur l’organisation des élections, plus particulièrement l’échéance présidentielle.

Tout compte fait, dans laquelle de ces deux voies parallèles, va-t-on se résoudre à s’engager ? Les partisans de l’élection présidentielle faisant carrément une croix sur le dialogue, sont obsessivement préoccupés du départ de Joseph Kabila, s’imaginant que c’est l’un d’eux (opposants) qui pourra lui succéder à l’issue de l’élection présidentielle le 27 novembre 2016. Quelles garanties ont-ils pour avoir la conviction que cette élection-là, du point de vue du secret des urnes, sera différente de celles de 2006 et 2011 ?

Les impérialistes occidentaux qui tirent les ficelles, téléguident discrètement la désignation et la victoire des dirigeants jugés soumis et serviles comme intendants de leurs intérêts néocolonialistes, au Congo-Zaïre-RDC, seraient-ils devenus des anges et des petits saints pour laisser le peuple congolais accomplir librement son autodétermination, et d’abstenir de travestir la vérité des urnes ? Le rêve des opposants qui ne sont plus chauds pour le dialogue peut devenir une réalité à moins que le laquais pistonné par les tireurs des ficelles soit l’un d’eux.

Même là encore, cette désignation arbitraire et discrète à valider par le maquillage du secret des urnes comme en 2006 et 2011, deviendra sans doute la boîte à Pandore.

Une gouvernance calamiteuse

Des contestations et récriminations s’ensuivront fatalement. On sera alors rattrapé par l’hydre de la crise de légitimité qu’on aurait pu agiter et éradiquer au dialogue, lequel devait déboucher sur un consensus préalable à l’élection présidentielle aseptisée.

Il est exclu que les impérialistes jettent leur dévolu sur un leader populaire, patriote, nationaliste qui tôt ou tard pourrait leur donner du fil à retordre, et remettre en question leur domination sur ce pays. Quant aux tenants du dialogue comptant parmi eux des leaders politiques en vue, des militants fermes de la société civile, on peut dire qu’ils sont des visionnaires.

Ils voudraient que par un dialogue franc et sincère soit vidé l’abcès. Que s’était-il réellement passé aux élections de 2006 et 2011 ? Des combinaisons et tractations secrètes dont ces élections ont été enveloppées ne sont jamais divulguées et analysées.

Les résultats proclamés étaient-ils authentiques et fiables ? Comment se fait-il qu’il y ait dans l’Assemblée nationale des députés élus et des députés « nommés », selon l’opinion largement répandu ? Ces derniers sont plus nombreux que ceux-là ! De quelle manière le pays est géré ? Comment et pourquoi la sécurité et la paix sont perpétuellement menacées ?

Quid de la persécution systématique d’opposants et de militants de défense des droits de l’homme ? Que dire de la confusion néfaste des pouvoirs ayant pour conséquences l’enfermement tacite de la justice sous le carcan de l’Exécutif ? Tous ces problèmes non résolus, longtemps relégués au placard et amplifiés par une crise de légitimité chronique,vont resurgir avec plus d’acuité après l’échéance de 2016 mal organisée avec l’obsession d’éconduire Joseph Kabila, sans que le terrain soit bien déblayé et le chemin électoral balisé.

Ce n’est pas jouer les Cassandre que de prédire que les opposants boudeurs du dialogue aujourd’hui, alors qu’ils l’exigeaient à cor et à cri il n’y a guère longtemps, ne tarderont pas à s’en mordre les lèvres.

D’ailleurs, ce dialogue n’est pas la conception de la classe politique et des dirigeants congolais au pouvoir. C’est un concept made in Conseil de sécurité, esquissé dans sa Résolution 2098, réaffirmé et rendu incontournable dans l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, signé solennellement par plus d’une dizaine de chefs d’Etat africains en présence du Secrétaire général de l’ONU, se transportant de New York à Addis-Abeba spécialement à cet effet.

Un destin irrévocablement scellé

Le destin du dialogue ne dépend pas du bon vouloir, des états d’âme, des astuces d’humeur de la classe politique (opposants) et des dirigeants de ce pays. Il n’est pas en leur pouvoir de l’empêcher ni de le boycotter. Ils sont contraints de le subir, bon gré mal gré, la mort dans l’âme pour ces opposants qui croient l’avoir passé au compte de pertes et profits.

Le pouvoir lui-même, mal inspiré par ses mauvais anges de vils flatteurs, a tenté en vain de contourner le dialogue en le contrefaisant par un forum de concertations politiques de sa plateforme, avec la participation intéressée des renégats de l’opposition et de la société civile. Il s’y est piteusement cassé les dents.

Des ressources humaines intelligentes ont été mises à contribution inutilement, des moyens pécuniaires utilisés en pure perte.

Le concept de dialogue n’a pas été évacué ! Après la vaine tentative de modifier la Constitution, et des échecs consécutifs de toutes les combinaisons machiavéliques imaginées pour maintenir Joseph Kabila « président à vie », le pouvoir et ses caciques semblent se montrer désormais disposés à souscrire à la tenue du dialogue, avec l’espoir illusoire de s’accrocher au cas où des contraintes et des complications inévitables entraveraient le respect de l’échéance de 2016 !

Quoi qu’il en soit, le destin du règne est irrévocablement scellé. Maladresses, injustices, bévues, abus, excès, vont croissant systématiquement tant et si bien qu’il n’y a aucune possibilité de s’attendre à bénéficier des circonstances atténuantes. Quand on voit les rats quitter le navire, c’est signe qu’on fait le vide autour de l’establishment devenu chancelant.

Défections, reniements, rétractations, désaveu d’appartenance à l’alliance, des sons de cloche cacophonique et contradictoire émis par des apparatchiks désemparés etc. tant d’indices patents de mauvais augure, annonciateurs du sauve-qui-peut.

L’obstination à s’accrocher s’est relâchée. L’espoir et la conviction de « nous y sommes, nous y restons » se sont évaporés. L’arrogance a fait place à la modestie.

Des communicateurs forts en gueule, piètres débatteurs, serviles chantres du culte de la personnalité, qui prenaient d’assaut la plupart des chaînes de TV pour se montrer plus kabilistes que Kabila, se font rares et on peut désormais les compter sur les doigts d’une main.

Pris de peur, ils ne veulent plus s’exposer. L’horizon est sombre. On sent déjà poindre le crépuscule d’un règne en détresse.

Par Jean N’Saka wa N’Saka