Recensement 2015-2016 : psychose d’une connexion avec la CENI

Jeudi 5 mars 2015 - 11:02

Des millions de Congolais étaient tout surpris d’apprendre lundi dernier du ministre du Plan qu’un recensement scientifique de la population allait être lancé d’ici peu. Seconde surprise : ce travail allait être réalisé par le Bureau Central de Recensement (BCR), un service technique de son administration. L’objectif visé est de mettre à la disposition des gouvernants, en juillet 2016 au plus tard, des données démographiques et socio-économiques actualisées, 29 ans après le recensement scientifique réalisé sous le régime de Mobutu.
Précision de taille donnée par le ministre du Plan et le Directeur général de l’institut national de la Statistique : il n’y a pas de lien entre les données démographiques à collecter par le BCR et le processus électoral.

Mais, au niveau du public, comment ne pas être tenté de faire un rapprochement entre l’initiative du ministère du Plan de recenser Congolais et étrangers et le calendrier électoral global de la CENI, d’autant que cette dernière devra forcément connaître la taille de l’électorat pour la détermination du nombre de sièges de conseillers de secteurs, de conseillers municipaux, de conseillers urbains, de députés provinciaux et nationaux à attribuer à chaque circonscription électorale? En effet, à l’analyse des contraintes administratives exprimées par cette institution d’appui à la démocratie, il s’avère que sans données démographiques actualisées, il serait impossible de procéder à la répartition des sièges des élus au niveau des entités de base (Secteurs, communes, territoires, villes, provinces).

D’où, à des étapes précises du processus électoral, la CENI risque d’être bloquée si elle n’a pas à sa portée une « banque » où puiser des données démographiques. Aussi, le fait que les résultats du travail du Bureau Central de Recensement ne peuvent être disponibles qu’à partir de juillet 2016 peut donner à croire qu’avant cette date, les Congolais ne pourraient élire ni les conseillers de secteurs, ni les conseillers communaux, ni les conseillers urbains, encore moins les députés provinciaux et nationaux. Et si la CEM reconduit le même nombre de sièges par circonscription électorale que celui arrêté en 2011, la représentation des Congolais à la base ne serait pas le reflet du poids démographique réel de chaque entité politico-administrative.

La connexion parait inévitable entre la mission dévolue au Bureau Central de Recensement et l’organisation des scrutins des chefs de secteurs, des chefs de secteurs adjoints, des conseillers communaux, des conseillers urbains, des députés provinciaux et nationaux par la CENI. Car, celle-ci ne pourrait exécuter avec aisance son calendrier électoral que si elle a sa disposition, en dehors des moyens financiers et logistiques, un matelas de données démographiques revues et corrigées, après celles de 1984.

Le BCR a intérêt à jouer franc jeu et à informer correctement l’opinion sur l’usage qui sera fait de ses données démographiques. Sinon, il risque de réveiller les chats qui dorment et jeter de nouveau les gens dans la rue, comme c’était le cas avec l’ONIP.
Où est passé l’Etat civil?

Il est curieux que la RDC n’arrive pas, depuis plusieurs décennies, à déterminer le nombre de nationaux et d’expatriés qu’elle héberge. Pourtant, il existe pourtant au sein des entités de base (quartiers, secteurs, cités, territoires, districts, villes) un service d’Etat civil, chargé de l’enregistrement au quotidien des mouvements des populations.
Si les registres des décès et naissances, étaient correctement tenus, chaque chef de quartier, chaque chef de secteur, chaque chef de cité, chaque administrateur de territoire, chaque commissaire de district, ou chaque maire de ville devrait être en mesure de livrer, à la minute, le nombre d’habitants de sa juridiction.

En faisant la sommation de toutes les données démographiques de la République, au niveau des entités de base, il serait possible de dresser un tableau général provisoire de la population congolaise et étrangère en une ou deux journées, quitte à confirmer les chiffres par un recensement administratif qui ne devrait pas dépasser un trimestre (trois mois). Mais où est passé l’Etat civil dans ce pays, pour que les décideurs politiques se mettent à naviguer à vue dans le comptage des citoyens, balançant, comme à l’époque de Mobutu, des chiffres basés sur des approximations, pour ne pas dire l’imagination ? Sous l’administration coloniale belge et même sous celle des premières années de l’indépendance, personne ne pouvait s’établir dans un village ou un’ quartier urbain sans se faire signaler auprès du service d’Etat civil de son ressort. Le séjour de chaque citoyen Congolais ou étranger en dehors de son milieu d’origine était strictement réglementé. Un suivi régulier des nouveau-nés et morts était assuré, au point qu’une naissance déclarée hors délai était sanctionnée par une amende. La RDC a intérêt, à revenir aux fondamentaux de l’administration de sa population pour ne pas avoir à courir après les statistiques démographiques.

L’ONIP : une coquille vide ?

L’ONIP (Office National d’Identification de la Population) était au centre de la controverse après l’adoption par l’Assemblée nationale, en janvier dernier, de l’alinéa 3 de l’article 8 de la Loi électorale qui faisait du recensement et de l’identification de la population des préalables à la tenue des élections à tous les niveaux.
Maintenant que le ministère du Plan vient de remettre en selle son Bureau Central de Recensement (BCR), l’on s’interroge sur l’opportunité de la mise en place d’une structure parallèle qui présente de plus en plus la facette d’une coquille vide.
S’il est établi que le dénombrement de la population congolaise et étrangère peut être réalisé à partir d’un service technique mis sur pied de longue date, l’ONIP devient un objet. Que va-t-il se passer à l’avenir ? Le trésor public congolais et les partenaires étrangers devraient-ils canaliser leurs fonds et assistance technique uniquement vers le Bureau Central de Recensement, déjà opérationnel voici près de trois ans, ou l’Office National d’Identification de la Population, jusqu’à preuve du contraire sans bâtiment, sans équipements, sans personnel et sans budget de fonctionnement ?

Par KIMP

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