REGAIN D’ACTIVITÉS DES FDLR DANS L’EST - LA MONUSCO ACCUSE, KINSHASA REJETTE

Vendredi 30 octobre 2015 - 11:07

Dans un rapport transmis récemment au Conseil de sécurité des Nations unies, la Monusco (Mission d’observation des Nations unies au Congo) s’inquiète du regain d’activités des rebelles rwandais, les FDLR. Information que rejette catégoriquement Kinshasa qui trouve en cette attitude de la Monusco une belle manière de justifier sa présence permanente en RDC. Fonds de commerce pour les uns, menace pour les autres, l’énigme est loin de révéler tout son secret.

Le Potentiel

Toutes les opérations initiées dans l’Est pour neutraliser les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) n’ont pas produit d’effets escomptés sur le terrain. Loin du triomphalisme qu’affiche quelque fois Kinshasa, la Monusco pense plutôt que les FDLR ont gardé toute leur capacité de nuisance.

Dans un rapport transmis récemment au Conseil de sécurité, la Monusco étale toute son inquiétude. Elle considère que les opérations initiées par les Forces armées de la RDC (FARDC) auxquelles les troupes de la Monusco n’ont pas été associées n’ont pas fondamentalement démantelé les réseaux qui alimentent les FDLR. Bien au contraire, les rebelles rwandais sont parvenus à se réorganiser, gardant presqu’intactes leurs capacités d’action, s’indigne la mission onusienne.

A voir de plus près, entre la Monusco et le gouvernement, c’est le je t’aime et moi non plus. Dans son rapport la mission onusienne a fait remarquer que  « malgré les opérations menées depuis janvier par l’armée congolaise contre les FDLR », les capacités militaires de ces derniers «restent intactes».

Aussitôt informé, le gouvernement de la RDC a remis en cause cette lecture de la Monusco. Comme en pareille circonstance, c’est Lambert Mende Omalanga, porte-parole du gouvernement, qui s’est chargé de remettre les pendules à l’heure.

Joint au téléphone à ce sujet par notre Rédaction, Lambert Mende a indiqué que « la Monusco veut tout simplement justifier la prolongation de son mandat en République démocratique du Congo. Ce qu’elle dit est complètement faux ».

De quel coté se trouve la vérité ?

Entre Kinshasa et la Monusco, qui dit vrai, qui dit faux ? La question vaut son pesant d’or. L’on se rappelle qu’au lancement de dernières opérations militaires contre les FDLR, Kinshasa s’était fermement opposé à l’implication de la Monusco, laissant entendre qu’il était en mesure d’assumer ses responsabilités jusqu’au bout. Malgré toutes les pressions des instances onusiennes, Kinshasa était resté de marbre.

C’est donc seul, loin des regards de la Monusco, que Kinshasa a mené et continue à mener les opérations de traque des FDLR. Et, lorsque la Monusco révèle que cette force négative  n’a pas perdu du tout sa capacité de nuisance, il y a de bonnes raisons de s’interroger.

L’on sait néanmoins que, d’après le rapport des experts de l’Onu, les opérations menées par les FARDC ont contraint les rebelles rwandais à se retirer de certaines de leurs positions et perturbé provisoirement leurs sources de revenus. Cependant, le document de la Monusco remet en cause le bilan fourni par les FARDC au terme de ces opérations.

Pour les FARDC, 35 FDLR ont été tués et 313 autres capturés ou rendus du 2 janvier au 24 août 2015. Les FDLR capturés ont été envoyés à la prison militaire d’Angenga, dans la province de l’Equateur. Un bilan qui, selon la Monusco, n’est pas conforme à la réalité sur le terrain. D’après les investigations menées sur le terrain en août dernier, «le Groupe d’experts affirme n’avoir pu vérifier la présence dans cette prison que de 175 membres présumés des FDLR».

Opérations contre les ADF

Dans le même registre, le rapport aborde également la traque lancée contre les rebelles ougandais des ADF qui ont causé la mort et la désolation à Beni et ses environs. A ce sujet, le rapport onusien renseigne : «Les opérations menées contre les Forces démocratiques alliées (ADF) se sont poursuivies pour la deuxième année consécutive, mais n’ont permis le départ que de quelques éléments du groupe armé».

Pour ce qui est des tueries attribuées aux ADF, le rapport du groupe des experts de l’Onu indique qu’entre octobre 2014 et juin 2015, entre 350 et 450 civils ont été tués dans le territoire  de Beni. Selon eux, «ces tueries ont été en partie commises par les ADF. Ni les FARDC, ni la Monusco n’ont su protéger la population civile contre ces attaques répétées», note le document. Avant de souligner les carences dans les opérations menées contre les ADF.

       De manière globale, le rapport des experts note que les opérations menées contre les groupes armés dans la partie orientale du pays «n’ont connu qu’un succès limité» et «n’ont pas permis de démanteler les groupes visés». Selon le même rapport, «les groupes armés continuent de faire peser une menace sur la paix et la stabilité dans la région», mentionnant le cas des membres de la milice FRPI dispersés à la suite des opérations militaires, mais qui continuent de commettre de graves violations des droits de l’homme contre les civils.

L’opinion se souviendra que les FARDC ont lancé officiellement, le 28 janvier dernier, des opérations contre les FDLR, sans la participation de la Monusco.  Au départ, ces opérations devaient bénéficier de son soutien. Mais la coopération militaire entre les FARDC et la Mission onusienne a  été suspendue à la suite de la nomination par Kinshasa, de deux généraux soupçonnés des graves violations des droits de l’Homme dans l’Est du pays.

De l’huile au feu

Il faut dire que les rapports entre la Monusco et Kinshasa ne sont plus tendres, depuis un temps. Les deux parties font semblant de cohabiter, tout en restant méfiantes ou, à la rigueur, prudentes l’une vis-à-vis de l’autre. Dans son dernier message au Parlement réuni en congrès, le chef de l’Etat a clairement posé le principe du retrait progressif des troupes onusiennes en RDC, estimant qu’après d’intenses efforts du gouvernement, les forces de défense et les services de sécurité de la RDC avaient acquis l’expertise nécessaire pour protéger le territoire national. C’est dire que les déclarations de la Monusco sur les FDLR viennent de jeter de l’huile sur un feu qui commençait à s’éteindre.

A tout prendre, la question qui est sur toutes les lèvres est celle de savoir comment la combinaison des forces de la Monusco (25 000 hommes), des FARDC (25.000 hommes) ne peut-elle pas arriver à bout de quelque 1 600 combattants FDLR ? Et dire qu’à ces manœuvres militaires sont associés des drones !

Peut-être l’éclairage viendra-t-il du communiqué que le gouvernement a promis de rendre public incessamment.