Rwanda: fin d'un faux suspense, le président Kagame candidat en 2017

Samedi 2 janvier 2016 - 08:31

Le président rwandais Paul Kagame a mis fin à un faux suspense en annonçant jeudi soir qu'il se représenterait à l'élection présidentielle de 2017 pour un troisième mandat, comme l'autorise la nouvelle constitution approuvée massivement par ses concitoyens lors du référendum du 18 décembre.

Cette décision était inéluctable depuis l'acceptation par 98,4% des votants, lors du référendum, d'une révision de la Constitution permettant à M. Kagame, 58 ans, de se représenter en 2017 et de potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.

"Vous m'avez demandé de diriger à nouveau ce pays après 2017. Etant donné l'importance que vous y accordez, je ne peux qu'accepter", a-t-il déclaré lors d'un discours à la nation délivré à minuit sur la télé nationale.

La révision constitutionnelle avait été sévèrement critiquée par les partenaires internationaux du Rwanda, Etats-Unis en tête, qui avaient appelé M. Kagame à quitter le pouvoir en 2017. Celui-ci avait en retour dénoncé l'immixtion de la communauté internationale dans les affaires rwandaises.

Elu en 2003 et réélu en 2010, avec plus de 90% des voix à chaque fois, M. Kagame avait indiqué que sa décision de se représenter en 2017 - date limite de son dernier mandat selon la Constitution non révisée - dépendrait des résultats du référendum.

"L'unité de ce peuple est inébranlable et le travail de construction de la nation continue à allure régulière. Les Rwandais ont demandé une Constitution révisée, qu'ils ont approuvée dans le récent référendum", a-t-il expliqué jeudi soir.

"Vous avez clairement exprimé vos choix pour l'avenir de notre pays", a-t-il ajouté. "Le processus (de modification de la Constitution) nous a laissé du temps pour garantir que les changements proposés présentaient du mérite et de la sagesse".

La révision avait été présentée comme une initiative populaire par les autorités, 3,7 millions de Rwandais ayant d'abord demandé par pétition un maintien au pouvoir de M. Kagame après 2017. La nouvelle Constitution avait ensuite été rédigée et adoptée par le Parlement.

- Dérive autocratique -

Les autorités rwandaises n'en avaient pas moins été critiquées pour le peu de temps - dix jours - laissé entre le vote par le Parlement et le référendum.

Le Parti démocratique vert, unique formation parmi les partis homologués à refuser le changement de Constitution, avait jugé ce délai trop court et avait renoncé à faire campagne pour le "non".

Les observateurs doutent de la spontanéité de l'engouement populaire pour cette révision, dans un pays souvent pointé du doigt pour son manque d'ouverture politique et ses entraves à la liberté d’expression.

Ils accusent le Front patriotique rwandais (FPR), le parti présidentiel présent à tous les échelons de la société, d'avoir manœuvré pour permettre à M. Kagame de rester en place.

La nouvelle Constitution continue de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, tout en abaissant sa durée de sept à cinq ans. Mais elle stipule aussi que la réforme n'entrera en vigueur qu'après un nouveau septennat transitoire, entre 2017 et 2024. Le président sortant y est éligible, de même qu'aux deux quinquennats suivants.

M. Kagame est l'homme fort du pays depuis juillet 1994: à l'époque, sa rébellion du FPR avait chassé de Kigali les extrémistes hutu et mis fin au génocide qu'ils avaient déclenché trois mois auparavant (800.000 morts, essentiellement membres de la minorité tutsi).

Ce Tutsi anglophone est crédité de la stabilité du Rwanda, qu'il a remis sur pieds avec un programme volontariste de développement économique, axé sur les services, les nouvelles technologies et la modernisation de l'agriculture.

Mais celui qui en 2010 avait laissé entendre que ce serait un échec pour lui s'il ne trouvait personne pour le remplacer avant la fin de son mandat actuel, est depuis accusé de verser de plus en plus dans une dérive autocratique.

Comme M. Kagame, plusieurs dirigeants africains ont récemment levé, ou tenté de lever, les limitations constitutionnelles du nombre de mandats, parfois au prix de mouvements de contestations, notamment au Burundi voisin, plongé dans une violente crise depuis plus de huit mois.

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