Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa : la supercherie de la SMB mise à nu

Jeudi 28 mars 2019 - 15:24
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Six heures et demie. C’est le temps mis le vendredi 22 mars dernier par le Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa pour découvrir le pot aux roses dans le procès en opposition formée par Benjamin Ngamije Mwangachuchu, Directeur-Gérant de la Société Minière de Bisunzu (SMB), et cette dernière contre la décision du Tribunal de Paix de Goma condamnant le premier cité à 3 ans de servitude pénale principale (SPP) avec arrestation immédiate et les deux cités solidairement au paiement de l’équivalent en francs congolais de 300.000 $ de dommages et intérêts. Ceci pour dénonciations calomnieuses à l’encontre de M. Mouzon Kavutse Mutund, Directeur de la CDMC/Goma (Coopératives des Artisans miniers de la RDC), accusé à la fois auprès du ministre national des mines et, sur plainte des deux cités en date du 20 mars 2018, au Parquet Général de Goma de vol et de recel de 33 tonnes de minerais qui appartiendraient à la SMB. Faute de preuves probantes devant étayer l’accusation à l’issue des enquêtes menées par des services attitrés, le dossier a été classé sans suite et les minerais restitués au vrai propriétaire, la CDMC. La SMB vient d’être désillusionnée une fois de plus dans une affaire similaire contre la CDMC. Après avoir fait main basse sur un autre lot de minerais revenant à cette dernière, soit 3T saisis à sa demande par le Parquet Général de Goma, la Cour de Cassation vient de demander au cours de ce mois de mars la réouverture dudit dossier et la remise en état de saisie des minerais prétendument subtilisés dans son Périmètre d’Exploitation et qui ont été déjà exportés alors que l’incident n’était pas levé. A bout d’arguments devant le Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa, B. Ngamije M. est passé du coq à l’âne : « Si je suis condamné, cela veut dire que la démocratie est morte dans le pays ». Bref, sa supercherie a été découverte : nuire à l’image d’autrui pour empêcher ainsi toute concurrence.

Rappel des faits

En sa qualité de Directeur-Gérant de la SMB, Ben Ngamije M. saisit le 20 mars 2018 le Parquet Général de Goma à charge de M. Mouzon Kavutse Mutund, membre de la CDMC, sous prétexte que celui-ci s’est rendu coupable de vol et de recel de 33 T minerais qui appartiendraient à son entreprise, la SMB. Faits punis par le Code pénal congolais. Devant l’Officier du Ministère public, soutient le patron de la SMB, M. Kavutse planifie le vol de leurs minerais par le jeu de faux étiquetage des colis des minerais et, par conséquent, les minerais qu’acquiert la CDMC de la concession de SAKIMA (Société Aurifère du Kivu et du Maniema) sont d’origine délictueuse.
Pour besoin d’enquête, le Parquet Général de Goma ordonne, sur instruction du Ministre national des Mines, la saisie de ces 33 T de minerais. Ce qui constitue un incident au regard du devoir de diligence. Il s’ensuit une longue instruction au cours de laquelle différentes dépositions sont faites par des opérateurs et responsables services de l’Etat impliqués dans la chaîne de production, notamment la COOPERAMA (Coopérative des Artisans Miniers de Masisi), la SAKIMA, l’ONG britannique PACT (ex-ITRI), le SAEMAPE (Service d’Assistance et d’Encadrement du Small Scale) et la Division Provinciale des Mines.

Représentée par son Président R. Habinshuti Seninga, la COOPERAMMA s’est dite étonnée des fausses déclarations de la SMB et de son patron eu égard aux pièces dont dispose la CDMC. Vendeuse du coltan notamment à cette dernière, la coopérative souligne que le vol de minerais dont parle la SMB s’avère très discutable dès lors que leur production artisanale fait l’objet d’un suivi irréprochable par les services compétents en matière de traçabilité comme l’ONG britannique PACT (ex-ITRI). Propriétaire de la concession minière, voire de la portion qui lui a été amputée au profit de la SMB, la SAKIMA s’est aussi inscrite en faux contre les allégations de cette dernière. Son Délégué, notant que son entreprise recommande à la COOPERAMMA de vendre des minerais extraits de sa concession à la CDMC, a indiqué que la plainte dont question est dénouée de tout fondement par rapport à la technique de vol de minerais par faux étiquetage des colis. A l’en croire, cela n’est pas possible du fait que, d’une part, chaque chaîne de production a ses propres séries de tagues (étiquètes) attribuées par PACT (ex-ITRI) et que, d’autre part, la distribution est fonction de la productivité hebdomadaire de chaque site suivant une étude minutieuse menée par l’ONG britannique précitée. Partenaire du Gouvernement congolais, cette dernière a déclaré avoir participé à une enquête initiée par le Centre d’Expertise et d’Evaluation des Matières Précieuses (CEEC) sur 18 T de minerais prétendument volés à la SMB. Au terme de celle-ci, il a été conclu que la traçabilité de ces minerais ne pose pas problème. C’est la raison pour laquelle la CDMC avait continué à acheter les minerais pour atteindre le stock de 33 T saisis par la suite sur ordre du Ministre national des Mines pour raison d’enquête. Afin d’apaiser le climat entre protagonistes, ce dernier demande une conciliation de vues entre la SMB et la COOPERAMMA au travers d’un nouvel accord sous l’arbitrage du Gouverneur du Nord-Kivu. Chose qui n’a pas été faite suite à la susceptibilité des uns et des autres.

Organisme étatique en charge de l’étiquetage au premier degré et du remplissage des fiches (Log Books) avec contre seing de la Division Provinciale des Mines, le SAEMAPE n’est pas resté en marge. Il note que les accusations de la SMB sont sans fondement, car la production des tagues tient compte de la productivité de chaque site et lesdites étiquètes sont toujours gardées au Centre de négoce de Rubaya dans une malle à 3 cadenas sécurisée par la Police des mines, à raison d’un cadenas respectivement à la COOPERAMMA, au SAEMAPE et au concessionnaire (SAKIMA ou SMB). Et de soutenir : «Les enquêtes menées sur les 18 T de colis de minerai de la CDMC saisis sur ordre du Ministre national des Mines sur plainte de la SMB pour raison de vérification avaient prouvé que lesdits minerais n’avaient aucun problème de traçabilité». Même conclusion pour la Division Provinciale des Mines. Son Service attitré a, à l’issue de l’enquête initiée à cet effet, déclaré que la traçabilité des 18 T de coltan saisis était non douteuse et ce, depuis l’extraction jusqu’au stockage.

Dossier classé sans suite

A la lumière de ces dépositions émanant des opérateurs et services techniques impliqués dans la chaîne de production, le Parquet Général de Goma a conclu à la fausseté des allégations de la SMB et de son patron. En conséquence, il a fait la main levée sur les minerais saisis qui ont été remis au vrai propriétaire, la CDMC, qui les a exportés via la Tanzanie. Non content de la décision du Ministère public, la SMB s’est organisée pour faire bloquer la cargaison à Dar Es-Salaam. Elle n’y aura pas non plus gain de cause. Cependant, elle pourrait être encore condamnée d’ici-là dans une procédure initiée dans ce pays.

SMB condamnée pour dénonciations calomnieuses

Traîné dans la boue ainsi que sa coopérative (CDMC), M. Katsuve n’est pas resté bras croisés. Il a fait une citation directe contre la SMB et son Responsable N°1 devant le Tribunal de Paix de Goma pour dénonciations calomnieuses et a demandé que la SMB soit condamnée solidairement avec son patron au paiement des dommages et intérêts de l’équivalent en francs congolais d’un million USD et le second à des peines prévues par la loi. Comme à ses habitudes, M. Ngamije M., qui ne s’était pas présenté à certaines étapes de la procédure pré juridictionnelle, a brillé par son absence, y compris ses conseils, à l’audience du 26 juillet 2018 portant appel de la cause. Il sera ainsi condamné par défaut à 3 ans de SPP avec arrestation immédiate et au paiement de 300 000 $ de dommages et intérêts solidairement avec la SMB lors du jugement rendu dans l’audience publique du 28 juillet 2018.
Afin de bloquer l’exécution de ce jugement, les précités forment opposition contre cette condamnation sous RP 1146/1141 et déposent en même temps une requête en renvoi de juridiction pour cause de suspicion légitime devant le Tribunal de Grande Instance de Goma et un Donné Acte leur est délivré par jugement du 14 août 2018. Mais, cette juridiction dit non fondée l’action de la SMB et de son patron et renvoie la cause devant le Tribunal de Paix de Goma. A la prochaine audience, ces derniers brandissent un nouveau Donné Acte de la Cour de Cassation qui, par sa décision rendue le 09 janvier 2019, envoie les Parties devant le Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa.

Le Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa sur les traces du 1er juge

Après les démêlés de Goma, les Parties se sont retrouvées le vendredi 22 mars dernier devant le nouveau juge au Tribunal de Paix de Kinshasa/Assossa. L’ambiance était chaude. Pendant six heures et demie, les Parties n’ont ménagé aucun effort pour étayer les accusations, pour la SMB et son patron, et de prouver la propriété des minerais querellés, pour la CDMC. Les avocats de cette dernière n’ont pas eu de la peine pour mettre les cités dans les cordes et demander que le jugement de Goma soit confirmé. A bout d’arguments, M. Ngamije M. s’est permis une glissade en politique pour soutenir que si jamais il est condamné, cela revient à dire que la démocratie est morte dans le pays. L’affaire a été prise en délibérée et le verdict intervient dans les tout prochains jours. Et comme jamais un sans deux, la SMB et son patron viennent encore d’être désillusionnés dans une affaire similaire contre la CDMC par le Parquet Général près la Cour de Cassation. Après avoir fait main basse sur un autre lot de 3 T de minerais appartenant à cette dernière relativement à leur plainte du 26 septembre 2018 auprès du Parquet Général de Goma qui s’est soldé par un Avis d’ouverture et note de fin d’instruction envoyé au PGR près la Cour de Cassation à Kinshasa en lieu et place d’un procès en bonne et due forme – ce qui ferait lever l’incident – les deux cités sont contraints à la réouverture du dossier et à la restitution des minerais pour saisie. C’est un retour à la case départ. Que fera donc cette haute juridiction étant donné que ces minerais ont été déjà exportés ? Entretemps, la SMB et son patron s’exposent à une autre condamnation en Tanzanie pour avoir tenté de faire bloquer la cargaison de 33 T de minerais de la CDMC qui y transitaient.

CP