Il suffit d’un article de presse publié à Paris, à Bruxelles, à Londres où à Washington pour que la classe politique congolaise soit ébranlée dans son fonctionnement et se jette sur les affirmations des médias occidentaux pour développer une attitude de grande dépendance émotionnelle et politique. La crise est désormais entre les autorités du pays et les médias étrangers. Les Gouvernements étrangers sous-traitent désormais à leurs médias la gestion de leurs relations diplomatiques et se cachent derrière la liberté de presse et le droit à l’information. Entre temps, autour des écrits calculés des groupes se forment ceux qui défendent les personnes incriminées et ceux qui enfoncent les faits évoqués. En l’espace de 24 heures, c’est la levée des armes et des échanges épiques qui pullulent les réseaux sociaux. Les fanatiques de deux camps se regardent en chiens de faïence et comme prévu, les tissus patriotiques qui devaient soutenir les débats au pays se cassent les uns après les autres. Juste deux articles ont réussi à provoquer ce tsunami dans l’espace d’intelligence de la République Démocratique du Congo (RDC).
Au moment où nous crions à tous de faire attention sur le caractère manipulatoire des publications occidentales, les confrères qui ont écrits ces articles partagent un café dans un pub français, loin des polémiques soulevées par leurs écrits. Loin de moi l’idée de nier ou de confirmer les faits évoqués par ces articles sur les scandales financiers, les éventuels détournements des fonds publics. Mais, il s’agit de s’interroger sur notre capacité en tant que pays de choisir nos combats et de garder la maîtrise de notre destin. Pour que nos mains gardent le contrôle de nos séquences historiques, il est important que les vérités qui nous guident soient le fait de nos propres initiatives et que la justice soit celle de nos valeurs et de nos défis.
Mais nous avons là deux articles, l’un évoquant l’entourage du Chef de l’État qui auraient dilapidé 20 millions des dollars américains dans la vente illégale d’une mine d’or. Des noms sont cités et ce sont des cadres de premier plan dans le cercle du pouvoir. Des odeurs de scandale sont diffusés dans tous les milieux et des questions se chuchotent. Personne de ceux qui prennent position n’est au courant du dossier si jamais celui-ci existe réellement.
A peine l’encre de ces écrits séche qu’un autre article est publié cette fois-ci faisant allusion à des détournements des fonds de l’ancien régime et évoque la plus grande fuite des documents bancaires. La coïncidence est troublante et encore une fois, la classe politique et les analystes tombent dans le panneau.
Des indignés n’osent freiner leur colère face à ce qui apparait comme un scandale de trop du clan Kabila et d’autres estiment que c’est un montage, car le montant évoqué est minime pour 18 ans de pouvoir. Personne, sinon quelques uns, n’évoque une série d’actes calculés de manipulation, car dans ce pays et selon le vœu de ceux qui se donnent le droit de décider pour nous, les contradictions politiques ne doivent jamais bénéficier de la richesse dialectique, elles doivent par contre aboutir à la mise en place des ennemis dont l’objectif est l’anéantissement de l’autre.
Dans la classe politique, c’est la mode que de croire que l’autre est totalement mauvais et il est ennemi. Comment sinon expliquer que le débat démocratique qui existe entre le pouvoir et l’opposition n’existe plus ? Comment en l’espace d’une année certains ne jurent que pour le départ de Félix Tshisekedi de la présidence ? Et que d’autres ne parlent que pour sa reconduction ? Ce qui devait être un débat politique à la loyale est aujourd’hui une guerre de tranchées.
La presse recrutée pour les besoins de la cause, se positionne comme une troupe des fantassins prêts à tirer dans tous les sens. Qu’avons-nous ? Juste deux articles qui ont ébranlé la paix psychique et qui pousse même des personnes en exil de sortir de leur tanière pour défendre la cause entendue. Qu’avons-nous ? Un pays souverain avec sa justice et sa presse capable de prendre en charge les éléments évoqués et de les vérifier avant d’en faire les munitions d’une guerre fratricide inutile.
Tous ont pêché et sont privés de la gloire du pays, car le peuple lui souffre et attend l’amélioration de ses conditions de vie. Chaque minute que l’on passe à polémiquer est une minute perdue dans la marche du développement, car le temps, lui, nous est compté dans cette génération qui a l’opportunité de construire une civilisation des hommes prospères.
Jamais les propos de Patrice-Emery Lumumba ne furent actuels quand il évoqua le jour où les congolais écriront leur propre histoire, et elle ne sera pas celle écrite à Paris, à Bruxelles, à Londres où à Washington. Dommage que nous sommes encore dans cette phase d’une opinion télécommandée et des débats suscités par des officines extérieures et dont les objectifs sont évidents. Ils n’ont jamais été aussi forts que quand ils ont été ensemble. Il est venu à notre presse de se doter de ce réflexe de vérification systématique des informations venues d’ailleurs surtout dans cette période où la vraie information se dispute le pavé avec le fakenews.
Les allégations de détournement sont des sujets sérieux qui demandent des contrôles approfondis et une expertise qui ne coure pas les rues. Nous avons le devoir de la sérénité comme presse spécialisée et échanger dans un réflexe professionnel des informations, car rien de pire qu’une presse manipulée qui, à son tour, construit une opinion belliciste.
Robert Tanzey