Prof Luzolo Bambi : "Ceux qui exigent la fin de l'état de siège proposent quoi comme alternative ? Il faut maintenir l'état de siège en ajoutant une dose de justice transitionnelle"

Mercredi 2 mars 2022 - 17:36
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En République démocratique du Congo, des voix ne cessent de se lever pour exiger la levée de l'état de siège décrété au Nord-Kivu et en Ituri par le président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo pour mettre à l'activisme des groupes armés qui dure depuis des décennies.

Dans une interview accordée à la presse à ce sujet ce mercredi 2 mars 2022 à Kinshasa, le professeur Luzolo Bambi n'est pas allé par le dos de la cuillère pour rejeter la position des anti-état de siège.

Pour cet ancien ministre de la Justice, il faut maintenir l'état de siège dans les deux provinces concernées. Le professeur Luzolo Bambi estime que cette mesure exceptionnelle est une réponse de gouvernance sécuritaire.

"Il faut maintenir l'état de siège. Pourquoi ? Parce que les raisons qui ont milité à son institution n'ont pas encore disparu certes, mais ce n'est pas ça simplement la raison. La raison c'est justement le contexte de notre pays, le contexte politique et sécuritaire par rapport à la paix, par rapport aux droits de l'homme. Depuis 25 ans, les différents conflits armés que nous connaissons dans notre pays, ont occasionné de nombreuses pertes en vies humaines. Nous sommes un pays qui totalisons aujourd'hui entre 6 à 10 millions des morts à la suite des conflits armés. Quelles ont été les réponses de toutes ces tueries ? Depuis tout ce temps, qu'est-ce qu'il y a eu comme réponse ? (...) J'ai toujours salué le décret de l'état de siège parce qu'en le décrétant, l'État Congolais a donné une première réponse de gouvernance sécuritaire de manière à restaurer l'autorité de l'État, à contrer l'ennemi et à apporter des solutions relatives aux violations des droits de l'homme", a-t-il déclaré. 

Cependant, l'ancien conseiller spécial de l'ex-président Kabila en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, soutient qu'il faut appuyer l'état de siège par une Justice transitionnelle. 

"Depuis que l'état de siège a été décrété, les groupes armés qui continuent à sévir dans notre pays, n'ont pas Jusque-là été poursuivis, du moins leurs auteurs directs et indirects. Ils n'ont pas été poursuivis judiciairement. On n'a donc pas senti la riposte de la Justice à travers l'état de siège. L'état de siège a sécurisé, il faut compléter cet état de siège par une politique de justice transitionnelle, tout en maintenant l'état de siège", a-t-il renchéri.

Par ailleurs, en cas de levée de l'état de siège, le professeur Luzolo Bambi propose comme alternative, l'instauration d'une véritable politique de Justice transitionnelle. 

"Ceux qui proposent [exigent ndlr] la suppression de l'état de siège proposent quoi comme alternative ? Dans le cadre de l'État de droit, la meilleure alternative, on n'a pas le monopole de la vérité, c'est l'institution d'une politique de justice transitionnelle véritable. Ça signifie qu'on stoppe l'état de siège, on entre dans tous les 5 volets de la Justice transitionnelle. On met en place en Ituri ou à Beni (Nord-Kivu ndlr) une commission vérité- réconciliation. On organise les poursuites judiciaires contre les auteurs directs et indirects, on organise les procédures de réparation pour les victimes et enfin le Gouvernement prend les mesures des réformes pour que les choses se déroulent de manière telle que ces tueries ne se repèrent plus. Donc en un mot, ce n'est pas un débat émotionnel, c'est un débat d'État. État de siège c'est gouvernance militaire (...) Je souhaite donc que les autorités du pays, en particulier son Excellence Monsieur le président de la République, et le Gouvernement mettent en place une politique de justice transitionnelle en accompagnement de l'état de siège que je soutiens", a suggéré le professeur Luzolo Bambi. 

Pour rappel, c'est depuis le 6 mai 2021 que les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri sont sous état de siège. Cette mesure a conduit à la mise en place d'une administration militaire. D'après les anti-état de siège, cette mesure n'a pas mis fin aux tueries des civils. Pour sa part, le Gouvernement ne cesse d'affirmer que l'état de siège a notamment permis de récupérer plusieurs bastions rebelles.

Jephté Kitsita