Dans son discours au cours de l'audience solennelle de la rentrée judiciaire 2024-2025, ce mardi 15 octobre 2024, le premier président de la Cour de cassation, Ndomba Kabeya Elie Leon, a évoqué
"l'importance du rôle spécifique du greffier" et de "l'atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence", avant de décliner à titre indicatif quelques actions menées à la tête de cette juridiction.
S'adressant au président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, qui a rehaussé de sa présence cette séance, le numéro un de la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire de la RDC, a fustigé les « attaques populistes » dont sont victimes les magistrats depuis un certain temps.
Sans citer de noms, nombre d'analystes ont directement fait allusion au ministre d'État, ministre de la Justice, Constant Mutamba, qui n'a cessé de pointer les magistrats comme principaux responsables de la déliquescence de la justice congolaise. C'est donc non sans raison que les caméras de la chaîne nationale qui couvraient cette audience en direct, ont braqué le ministre de la Justice à cet instant.
Jugement des réseaux sociaux
« Les magistrats que nous sommes avons également besoin d'être couverts par cette présomption d'innocence par rapport aux discours populistes qui nous vilipendent en longueur des journées. Même s'il est évident que dans nos rangs, il y a certainement des antivaleurs », a déclaré le juge président Ndomba Kabeya Elie Leon.
Il a saisi cette occasion pour dénoncer en même temps ce qu'il a qualifié de « jugement des réseaux sociaux », où il suffit qu'un moindre soupçon pèse sur un individu pour voir sa photo circuler sur internet. Et selon lui, les plus concernés actuellement par ces « verdicts du net » sont les magistrats.
« Je voudrais parler ici de l'atteinte au principe constitutionnel de la présomption d'innocence à l'heure des NTIC où le Tribunal du net fonctionne en plein régime. Car, il suffit d'être soupçonné d'un quelconque fait répréhensible pour être condamné par la voix des réseaux sociaux en violation de tous les droits de la défense », a fait remarquer le professeur Ndomba.
Salir l'image de la justice congolaise
Il a fait remarquer au président de la République que les discours populistes tenus ici et là salissent l'image de la justice congolaise de manière générale alors qu'il y a des magistrats qui participent activement à son combat contre la corruption et autres vices qui empoisonnent la société congolaise.
« Les membres de nos familles, surtout nos enfants, ceux dont les parents sont honnêtes et justes, traînent la honte d'être pointés du doigt ou de lèvres, comme descendants des antivaleurs, alors que nous luttons avec eux pour accompagner votre Haute autorité dans votre lutte contre cette peste de corruption », a souligné le premier président de la Cour de cassation.
Parlant des greffiers, le juge président Ndomba a souligné le rôle central qu'ils jouent dans l'administration de la justice. Il a, cependant, soutenu qu'ils accusent un déficit criant de formation et de rémunération, causes principales des abus qui entravent les procédures judiciaires.
Recrutement des greffiers licenciés en Droit
Dans la même veine, le Premier président de la Cour de cassation a demandé au président Tshisekedi d'initier un concours de recrutement des greffiers licenciés en Droit, en remplacement des agents administratifs qui ont été affectés dans les Cours et Tribunaux par le ministère de la Fonction publique.
Le juge Ndomba estime que la plupart de ces greffiers, actuellement en activité, et qui n'ont pas fait les études de Droit, peuvent être réaffirmés dans d'autres services au sein de l'administration, en laissant place aux juristes de formation, car, a-t-il souligné, un greffier doit obligatoirement avoir la maîtrise du Droit.
Le numéro un de la Cour de cassation a par ailleurs énuméré, à titre illustratif, quelques actions menées pour redresser la justice congolaise. Il a cité des actions judiciaires et disciplinaires menées à charge des avocats et des magistrats véreux.
Il a notamment souligné le cas de trois hauts magistrats de la Cour d'appel de Haut Lomami qui viennent d'être condamnés à des peines lourdes allant de 2 à 7 ans pour corruption et blanchiment des capitaux. Une grande première selon lui.
ODN