La Renaissance Économique de la RDC Passe par le Cacao : Stratégies et Potentiel (Tribune)

Mercredi 8 janvier 2025 - 13:08
Image
Droits tiers

Avec une production mondiale de plus de 5 millions de tonnes, le cacao représente une industrie florissante et stratégique, dominée par des géants comme la Côte d’Ivoire et le Ghana. La Côte d’Ivoire, en tête, produit 1,8 million de tonnes, générant 5 milliards de dollars annuels, soutenant la vie de 6 millions de personnes, soit un quart de sa population, et contribuant à hauteur de 15 % de son PIB.

Pendant ce temps, la République Démocratique du Congo (RDC), bien que dotée d’un potentiel agricole immense, demeure marginale avec une production estimée à 56 000 tonnes en 2023, un chiffre largement insuffisant face à ses capacités inexploitées.

Et pourtant, tous les ingrédients sont réunis pour que la RDC devienne un acteur incontournable de cette industrie. Avec des zones favorables comme les Kivus, l’Équateur, l’ex-Province Orientale et le Mayombe dans le Kongo Central, le pays dispose des terres, du climat, et des ressources humaines nécessaires pour bâtir une filière cacao compétitive. Ce retard dans la production ne reflète pas un manque de potentiel, mais plutôt un déficit en infrastructures, en financement et en organisation.

Dans un premier temps, l’objectif stratégique serait d’étendre les surfaces dédiées au cacao à 500 000 hectares en trois ans, générant ainsi 2 milliards de dollars de revenus annuels et créant jusqu’à 1 million d’emplois directs et indirects, principalement dans les zones rurales. Cette étape marquerait le début d’une transformation économique majeure, posant les bases d’une industrie capable de rivaliser avec les grandes nations cacaoyères.

À titre de comparaison, la Côte d’Ivoire, qui produisait 300 000 tonnes en 1960, a mis six décennies pour atteindre sa production actuelle. La RDC, en tirant parti des leçons des leaders du secteur, tout en intégrant des avancées technologiques et scientifiques, pourrait accélérer ce processus. Une gestion optimale des sols, des pratiques culturales modernisées et une chaîne de valeur performante permettraient de hisser la RDC parmi les grands acteurs mondiaux du cacao en un temps record.

Pour y parvenir, plusieurs actions clés doivent être menées. La réhabilitation des plantations existantes, l’identification de nouvelles zones adaptées, et l’utilisation de semences performantes permettront d’augmenter significativement les rendements, actuellement estimés entre 250 et 400 kg par hectare, pour atteindre 1 000 kg par hectare. Ces progrès exigent un accompagnement technique et financier des producteurs, qui bénéficieront également de formations adaptées pour adopter des pratiques agricoles modernes et durables.

Un soutien institutionnel solide est indispensable pour assurer le développement durable de la filière cacao. La création d’un Conseil National de Commercialisation Agricole serait cruciale pour structurer et coordonner les efforts de développement. Ce conseil jouerait un rôle stratégique en établissant une cartographie précise des plantations, en promouvant des pratiques agricoles intelligentes face au climat, et en facilitant l’accès des producteurs aux marchés internationaux. Il servirait également de levier pour l’obtention de certifications internationales, renforçant ainsi la compétitivité du cacao congolais sur les marchés mondiaux.

Parallèlement, la modernisation de la filière exige des investissements substantiels dans les infrastructures. La construction de routes pour relier les zones de production aux marchés, des entrepôts pour préserver la qualité des fèves, et des unités locales de transformation pour maximiser la valeur ajoutée réduiraient la dépendance aux exportations de fèves brutes. En outre, l’organisation des producteurs en coopératives permettrait de mutualiser les ressources, de sécuriser l’accès aux financements et de négocier de meilleures conditions avec les acheteurs internationaux, tout en favorisant l’adoption de standards de qualité et une structuration efficace de la chaîne d’approvisionnement.

La réussite de cette ambition repose sur un effort collectif. Le gouvernement, le secteur privé et les partenaires internationaux doivent unir leurs forces pour mobiliser les financements nécessaires et assurer la pérennité de cette transformation. Les premiers investissements devraient cibler les intrants agricoles, les semences améliorées et la formation technique des agriculteurs, autant d’éléments indispensables pour augmenter les rendements et renforcer la résilience des producteurs face aux défis climatiques.

Le cacao représente bien plus qu’une simple culture pour la RDC. Il incarne une opportunité historique de diversifier une économie trop dépendante du secteur minier, de créer des centaines de milliers d’emplois et de transformer la vie des communautés rurales. Si des décisions stratégiques sont prises dès aujourd’hui, la RDC pourra non seulement atteindre des niveaux comparables à ceux de la Côte d’Ivoire, mais également la dépasser, devenant ainsi un modèle de réussite agricole en Afrique et dans le monde.

Le moment est venu pour la RDC d’écrire un nouveau chapitre de son histoire économique. Le cacao, avec son potentiel inexploité, offre au pays une chance unique de redéfinir son avenir. Agissons maintenant!

À propos de l’Auteur : Professeur Jean-Robert Nzanza

Le Professeur Jean-Robert Nzanza est un expert en agriculture et développement durable, spécialisé dans les chaînes de valeur agricoles. Ancien Gouverneur, il est l’auteur de l’ouvrage " Développement de la chaîne de valeur agricole de la filière cacao dans la province du Bas-Uélé: analyse stratégique et perspectives ", publié aux Presses Universitaires de Bruxelles, une référence pour le développement des filières cacao et café en RDC.

Avec une solide expérience en gouvernance et gestion, il œuvre pour une agriculture durable et inclusive, plaçant le cacao au cœur de la transformation économique de l’Afrique.