
Tribune Libre 136
2028 : Fatshi va-t-il plier bagage ?
La beauté de la démocratie réside dans l’équilibre entre le pouvoir et une opposition forte, structurée et crédible.
Malheureusement, en RDC, depuis l’alternance de 2018, l’opposition n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Dans un pays où il n’existe aujourd’hui aucun prisonnier politique, beaucoup de ceux qui se réclament de l’opposition ont choisi le chemin de l’exil. Cette posture leur a valu le qualificatif de "opposition ya pete"
Les 13 parlementaires face à Mobutu : un bel exemple
Même dans un contexte de dictature étouffante, une opposition digne de ce nom trouve toujours la voie de l’expression. Au plus fort du parti unique, les 13 parlementaires osèrent défier Mobutu à travers une lettre mémorable de 52 pages. Ils créèrent un parti alors que cela était strictement interdit, subirent emprisonnements et relégations, mais ne cédèrent pas. Leur courage, allié au vent de la perestroïka, conduisit au fameux discours du 24 avril 1990, marquant le retour au multipartisme.
Ce rappel historique souligne le contraste avec la situation actuelle. En dépit d’un environnement démocratique pluraliste où la liberté d’expression est tolérée jusqu’à la limite de l’offense contre l’autorité, certains acteurs préfèrent rester à distance, menant une opposition bourgeoise, virtuelle et exilée, principalement sur les réseaux sociaux.
Résultat : l’opposition congolaise est morte de sa belle mort.
Une opposition sans substance
Il convient néanmoins de saluer ceux qui, de l’intérieur, tentent encore de relever la tête, mais sans grand succès. L’un d’entre eux, à Kinshasa, a réuni quelques centaines de compatriotes le samedi passé. Malheureusement, son discours a manqué de substance. Selon lui, au 27 septembre 2025, il restait 1 180 jours au Chef de l’État pour plier bagages.
Or, en toute logique, il n’y aura pas d’élections en 2028. Dans le meilleur des cas, elles pourraient être envisagées en 2030, voire plus tard. Pourquoi ? Parce qu’un pays en guerre et partiellement occupé par une armée étrangère ne peut raisonnablement organiser des élections sans consacrer la balkanisation.
Comparaisons internationales
Cette vérité n’est pas congolaise, elle est universelle. En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky est resté en fonction malgré l’expiration de son mandat en mai 2024, la guerre rendant impossible l’organisation des élections. En Syrie, Bachar Al-Assad a gouverné au-delà des échéances prévues, invoquant l’état de guerre civile.
Ces précédents démontrent qu’aucune démocratie sérieuse n’impose le départ mécanique d’un président quand l’État lui-même est menacé dans son existence. Par conséquent, il est illusoire et irresponsable de prétendre que le mandat du président de la RDC prendra fin automatiquement en 2028.
L’occupation du territoire est-il suspensif du comptage ?
Un autre débat, plus profond, mérite d’être ouvert. Un mandat présidentiel est confié par l’ensemble du peuple sur l’ensemble du territoire national. Que dire alors d’un président empêché d’exercer son autorité sur une partie du pays, parce qu’occupée militairement par une armée étrangère ?
Peut-on affirmer que son mandat court normalement, alors qu’il est privé de l’exercice de ses prérogatives sur une partie de ses électeurs ? Ou le comptage reprend-il quand l’intégrité territoriale est recouverte ?
À chacun sa réponse.
Nécessité d’un débat contradictoire
Autrefois, les grands débats politiques se déroulaient à la télévision entre leaders politiques majeurs, avec des contradictions à la hauteur, éclairant la nation. Aujourd’hui, ce sont des " griots politiques" appelés communicateurs rémunérés pour encenser les uns et invectiver les autres qui saturent nos télévisions.
Sur les sujets, ici soulevés, nous sommes quant à nous prêts à en découdre dans un débat responsable avec tout leader de l’opposition, pourvu que nos profils et parcours soient plus ou moins identiques.
Tribune de Steve Mbikayi, député national et président du Parti Travailliste (PT)