ARTICLES 70 ET 75 : C’EST MAINTENANT QU’IL FAUT SAISIR LA COUR !

Vendredi 18 mars 2016 - 05:04
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Une vive polémique sur l’interprétation des deux articles de la Constitution du 18 février 2006 fait rage sur la place de Kinshasa. Il s’agit des articles 70 et 75. Le premier concerne la fin de la mandature et le deuxième traite de la question de la vacance de pouvoir au sommet de l’Etat dans l’Institution Président de la République.

Chacun y va de sa compréhension dictée par des considérations plus politiques que juridiques. Alors qu’il s’agit du droit pour privilégier les moyens puisés dans la science. Article 70 : "Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu" . Article 75 : "En cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat".
On commence par l’interprétation de la MP. Pour elle, il n’y a pas de commentaire car les deux articles de la Constitution sont clairs comme l’eau de roche. L’article 70 montre qu’en cas de non-tenue des élections aux dates constitutionnelles, c’est le Président sortant qui continue avec les mêmes prérogatives jusqu’aux élections.
Cette disposition est conçue par le constituant pour éviter le vide de pouvoir à la tête de l’Etat si les élections ne sont pas organisées conformément aux délais constitutionnels. Quant à l’article 75, pour la MP, il ne s’applique que lorsque le mandat a cours et non à la fin de la législature. Ce qui est à contrepied de l’interprétation des constitutionnalistes de l’Opposition.

L’EXPEDITION DES AFFAIRES COURANTES POUR UNE BREVE PERIODE
Pour eux, l’article 70 ne concerne que le cas où les élections se sont effectivement tenues. Il règle la question de l’expédition des affaires courantes pendant une brève période qui s’écoule entre le jour de la proclamation des résultats de la présidentielle et celui de la passation des pouvoirs entre le nouveau Président élu et le sortant.
En cas de non-tenue des élections, c’est automatiquement la vacance de pouvoir qui est décrétée à la fin de mandature. Ce qui renvoie à l’application immédiate de l’Article 75. Comme on le voit, les lectures faites par ces deux familles politiques sur les deux articles de la Constitution sont diamétralement opposées. On risque de cheminer jusqu’à la fin de la législature avec le même débat.
Au moment où toutes les Institutions élues seront fin-mandat et perdront leur légitimité et voir ces interprétations se transporter dans la rue, selon le rapport de forces du moment. Raison pour laquelle, puisqu’il s’agit d’une question d’interprétation des articles de la Constitution, c’est le juge constitutionnel qui doit être consulté. Il n’y a pas une autre instance de l’Etat qui est compétente pour apporter l’éclairage en cette matière. Toutes les parties prenantes en conviennent.
Les mêmes acteurs politiques ne contestent pas la légalité de la Cour constitutionnelle qui est le juge du contentieux électoral du moins pour la députation et la présidentielle. D’où, il doit y avoir en principe identité des vues entre les deux camps sur la nécessité de saisir le juge constitutionnel en interprétation de ces deux articles de la Constitution qui les divisent à ce jour.
A quel moment le faire ? Tout de suite. Et pour cause. On ne va pas attendre la fin de la mandature pour remettre les pendules à l’heure sur une question qui concerne les modalités de cette même fin de mandature. Le débat civilisé de doctrine se sera peut être déjà mué en épreuve de forces avec peut être effusion de sang comme en janvier 2015 lors du vote au Parlement de la loi électorale révisée.

LES COUDEES FRANCHES A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE POUR ARBITRER

Ce qui donnerait à la Communauté internationale, qui a un mot à dire dans un pays comme la RDC où il y a 21.000 Casques bleus de la Monusco avec des chars d’assaut et des avions de chasse, les coudées franches pour arbitrer, surtout en cas de troubles. Il ne faudra pas surtout perdre de vue le fait que la Communauté internationale elle-même a sa propre lecture de ces articles de fin de mandature.
Mais il ne lui revient pas de saisir le juge constitutionnel. Une tache qui incombe exclusivement aux Congolais. Mais pas n’importe quel Congolais.
A ce sujet, le loi des lois stipule que toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle en matière d’inconstitutionnalité des actes législatifs ou réglementaires. Ce qui veut dire par exemple des lois côté parlementaire ou des Ordonnances présidentielles pour l’Exécutif.
La procédure est toute autre en ce qui concerne l’interprétation de la Constitution. Il n’y a que les Institutions qui peuvent saisir la Cour constitutionnelle. Il s’agit du Président de la République, du gouvernement, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, d’un dixième des députés et un dixième des sénateurs, des gouverneurs de provinces et des Présidents des Assemblées provinciales.
Le champ n’est pas fermé. Car au cas où aucun de ces animateurs des Institutions de l’Etat ne saisissait la Cour constitutionnelle pour interpréter les deux articles querellés de la Constitution, l’Opposition qui compte plus d’un dixième des députés et sénateurs dans ses rangs, soit 50 dans une Chambre parlementaire pourra réunir les signatures nécessaires pour introduire en bonne et due forme sa requête en interprétation à la Cour constitutionnelle. KANDOLO M.