Dossier BIAC – Minaku : Avocat des intérêts de l’Etat ou de la famille Blattner ?

Jeudi 26 mai 2016 - 12:00
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Stupéfaction, désolation … Bref, scandaleuses les recommandations n°033 du 24 mai 2016 de l’Assemblée nationale, sur la situation que traverse la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC). On peut croire que la République démocratique du Congo est devenue un Etat voyou où le tapis rouge est déroulé pour des « criminels économiques », tandis que le petit peuple n’a que ses yeux pour pleurer.

 

Dans une précipitation déconcertante, à l’Assemblée nationale, une institution émanant du peuple et censée donc le protéger, son président, Aubin Minaku Ndjalandjoko recommande au gouvernement, « le remboursement, dans un plus bref délai, des créances de la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo BIAC arrêtées à 30 millions USD ». Cette recommandation a été formulée après l’examen de la question orale avec débat du député Jean-Lucien Bussa sur les difficultés traversée par la BIAC et l’ensemble des clients de cette banque commerciale, adressée au gouverneur de la Banque centrale du Congo.

 

De la différence entre gouvernement et organismes publics

Il y a lieu de faire quelques précisions importantes sur certains termes. Il s’agit notamment de la différence entre le gouvernement et les organismes ou structures à caractère public. Dans le cas qui nous concerne, ce sont plutôt des organismes publics qui ont eu à contracter des dettes auprès de la BIAC. Dans la plupart des cas, ces créances étaient couvertes par des comptes que ces organismes avaient ouverts dans les livres de la BIAC. C’est dans ce cadre, qu’à travers de nombreuses correspondances, cette banque rappelait à ces différents organismes, le respect de leurs engagements.

 

Il est curieux de constater, en dérogeant même aux principe universels de fonctionnement des Parlements à travers le monde qui consiste notamment à mettre sur pied une commission d’enquête afin de bien pénétrer certains dossiers sensibles, l’Assemblée nationale somme le gouvernement à rembourser une dette contractée par un établissement public. Certes, en matière de gestion de la dette publique, dans le cas de passif conditionnel, l’Etat peut être contraint à payer une dette alors qu’il n’est pas redevable primaire. Mais, ici la condition est claire : cet organisme doit être déclaré en cessation de paiement ou en faillite. Or, dans le cas d’espèce, en l’occurrence l’OCPT, ou encore la PNC, ces deux institutions fonctionnent normalement.

 

Par ailleurs, l’Assemblée nationale elle-même, à travers certains députés, aurait contracté des dettes vis-à-vis de la BIAC. Le gouvernement devrait-il payer pour leur compte ? En outre, la famille Blattner, profitant de son influence d‘actionnaire majoritaire, et contre les dispositions légales en la matière, avait contracté une dette de USD 30 millions notamment pour financer des sociétés apparentées. Pourquoi l’Assemblée nationale ne demanderait-elle pas à cette famille de rembourser sa dette vis-à-vis de la BIAC?

 

BCC : complice des Blattner?

Cette recommandation signée Aubin Minaku appelle à plusieurs interrogations. Président d’une institution friande de commissions d’enquêtes, le speaker de la Chambre basse du Parlement a jugé bon, face la gravité de la situation catastrophique de la BIAC, de conclure le dossier sans chercher s’imprégner de la réalité. Et ce, en dépit des analyses objectives faites par le gouvernement et d’autres observateurs intéressés par la question.

Malheureusement, Aubin Minaku s’érige en avocat de la famille Blattner qui a siphonné les placements des épargnants ainsi que les financements en blanc lui accordés par la BCC. En lieu et place de défendre le peuple congolais dont lui et tous les élus sont l’émanation. Comment comprendre que l’Assemblée nationale n’ait pas voulu creuser la catastrophique gestion de la BIAC établie par différents rapports techniques, y compris celui de la Banque centrale ? Comment comprendre qu’à l’Assemblée nationale, on a refusé de comprendre que les actionnaires de la BIAC se sont passés outre les dispositions légales pour financer leurs entreprises qui, du reste, étaient en faillite- avec 1’épargne des Congolais, au vu et au su de la BCC ? La chambre basse refuse de comprendre qu’il fallait savoir que le refinancement accordé à la BIAC était sans garantie en. violation des textes régissant ces opérations; qu’il était effectué de façon continue (sous forme revolving, donc par reconduction tacite) contrairement à la nature du refinancement qui doit être ponctuel et remboursable à très court terme); que la BIAC est en permanence au guichet de refinancement, et ce, depuis juin 2015. Le refinancement en continu dont elle bénéficie s’apparente à une planche à billets ou à une création monétaire quasi définitive. Or, c’est cette dernière qui est à la base des phénomènes d’hyper-dépréciation et d’hyperinflation tels que connus dans notre pays entre 1990 et 2000 en raison justement de deux causes : le déficit public et le refinancement en continu de quatre banques malades de 1époque: la NBK (Nouvelle Banque de Kinshasa), la BZCE (Banque Zaïroise du Commerce Extérieur), la Banque Congolaise, la Banque du Crédit Agricole (BCA). Il y a lieu d’attirer l’attention des -députés que la BCC s’est contentée des intérêts tirés sur les refinancements en blanc et révolving entretenant ainsi une situation de complicité et d’aléa moral avec la BIAC en difficulté qu’elle devrait redresser.

 

Cette complicité est démontrée par deux faits indiscutables. Primo, la poursuite de l’envoi de la paie de l’administration publique dans cette banque, jusqu’à -ce jour, même si des cas de détournements de fonds destinés à la paie des salaires ont été constatés plus d’une fois. Secundo, l’alignement de la BIAC, jusqu’à ce jour, aux opérations de vente des devises effectuées par la Banque centrale.

 

C’est est un secret de Polichinelle que la Banque centrale du Congo a failli à sa mission de supervision, de contrôle et de redressement des paramètres financiers sensibles au regard du non-respect par la BIAC, voilà cinq ans, des ratios de liquidité ou de trésorerie, des ratios de solvabilité et des indicateurs de rentabilité et de viabilité du portefeuille- crédits. La BCC n’a pas exigé à la BIAC de réduire son train de vie, ses charges d’exploitation, notamment les rémunérations plantureuses accordées aux membres du comité de gestion et du conseil d’administration, pratique constituant l’une des causes à la base de ses pertes cumulatives d’exploitation. Ces pertes, d’environ 90 millions de dollars US à ce jour ont fini par « absorber » les fonds propres de la I3IAC devenus négatifs depuis trois ans. La BCC a accepté, dans l’actionnariat de la BIAC, la présence, en violation des dispositions de la loi, d’un actionnaire propriétaire n’ayant aucune expérience dans le domaine bancaire, omnipotent et omniprésent. En préjudice de la même loi, avoir toléré l’absence d’un actionnaire de référence conformément aux prescrits de la loi bancaire, la BCC ne s’est jamais opposé à la nomination d’un de membres de famille dé l’actionnaire-propriétaire comme président du comité de crédit, fonction qui lui a permis de faire octroyer des crédits de 30 millions de USD aux sociétés apparentées de l’actionnaire-propriétaire.

 

La plupart de ces sociétés sont déclarées aujourd’hui en faillite. C’est le cas notamment de Goodyear. Toute la ville en parle, les Blattners ont liquidé tous leurs avoirs et immeubles pour aller se la couler douce en Occident. Même leur complice Michel Losembe est signalé aux Etats-Unis après s’être rempli les poches.

En un mot comme en mille, la Banque centrale du Congo, tout en étant consciente de la mégestion de la BIAC à continuer d’accorder à cette banque toutes ses facilités sans aucune garantie d’usage, accompagnant de ce fait la prédation du peuple congolais par la famille Blattner.

 

Minaku aussi complice?

Au lieu de se pencher sérieusement sur le dossier BIAC, l’Assemblée nationale se passé de toutes ces évidences que tout le monde voit sauf la BCC, pour des raisons qu’on peut bien soupçonner. Il y a lieu de se demander’ pourquoi la Chambre basse du Parlement a-t-elle déroger à ses propres coutumes consistant à mettre sur pied une commission d’enquête afin de s’imprégner de la situation avant de formuler sa recommandation ? Pour des observateurs, cette recommandation hâtive d’Aubin Minaku cacherait des non- dits, dans le sens de faire du mal au peuple congolais. En tant que représentant du peuple, il devrait faire en sorte de diligenter une enquête pour en savoir plus sur la gestion calamiteuse de cet établissement bancaire qui a connu un crash informatique dont la perte est estimée à 3 millions de dollars. Il y a aussi à signaler le cas de la disparition de 7 millions de dollars, œuvre d’un administrateur de la BIAC bien connu et qui circule librement en Europe aujourd’hui. En tant qu’élu du- peuple, Minaku devrait fustiger la désaffectation par la BIAC des salaires des fonctionnaires de l’Etat, lors de l’opération de paie. Pire, rien n’a été dit sur le refinancement sans garanti accordé à la BIAC par, la BCC.

 

En conclusion, l’on peut se poser la question de savoir : pourquoi l’Assemblée nationale a dérogé à ses propres règles, ses propres pratiques traditionnelles qui veulent qu’une enquête ou une mission de contrôle soit diligentée, afin de bien pénétrer la question en examen, pour permettre de formuler des recommandations assez objectives, surtout quand il s’agit d’une question aussi sensible ? Pour des raisons que l’on peut bien soupçonner, Aubin Minaku s’est passée de toutes ces évidences pour signer une recommandation sommant le gouvernement à rembourser une dette qu’il n’a pas contracté. Pour un observateur averti, il y a là une volonté de nuire. Mais à qui?

« Par sa recommandation. Aubin Minaku a décidé d’opérer au grand jour en faisant de l’Assemblée nationale un cabinet d’avocats de la famille Blattner contre le peuple congolais. Rien, rien alors n’est recommandé à la BIAC », constate un analyste.

Par CN