Emeutes sanglantes de Kinshasa, le silence coupable de Matata

Lundi 26 janvier 2015 - 18:39

Y-a-t-il un premier ministre en RD-Congo ? C’est la question qui taraude les rd-congolais car après 3 jours d’émeutes sanglantes la semaine passée à Kinshasa, dont le bilan provisoire établi par la FIDH (fédération internationale des droits de l’homme) fait état d’une quarantaine de morts, aucun mot de compassion du premier ministre Augustin Matata Ponyo à l’endroit des familles éplorées. C’est tout simplement scandaleux ! S’indigne une mère éprouvée. Matata Ponyo est quand même le chef du gouvernement ! Comment se fait-il que lui devant la gravité des évènements de Kinshasa, il ne puisse pas s’exprimer de manière solennelle. Plus grave Matata Mapon a trouvé le temps pour aller visiter les bus de la société Transco, une soixantaine, qui ont été caillassés au lieu d’aller visiter les nombreux blessés internés dans les hôpitaux de Kinshasa.

C’est le monde à l’envers. 63 bus ont-ils plus de valeur que plus de 40 vies fauchées ? La vie humaine est sacrée dit la Constitution pas les bus Transco dont d’ailleurs les dégâts sont négligeables car il s’agit de quelques pare-brises cassés. Pas de quoi fouetter un chat. A. Matata a préféré aller s’enquérir de la santé de ses bus au lieu de se rendre dans les hôpitaux aux chevets de blessés. Désolant et pitoyable. Ne voit-il pas comment la même fonction (premier ministre) est exercée par son homologue Manuel Valls en France, qui en cas de grave crise est dans tous les médias pour exprimer compassion de la République et fixer le cap. L’homme à la cravate rouge a perdu de sa superbe dans cette crise car il n’a pas tenu son rang de premier ministre qui exige qu’il garantisse la sécurité à ses concitoyens et qu’il leur apporte réconfort lorsqu’ils en ont besoin. Face au silence coupable de Matata, Lambert Mende, son ministre des Médias, s’est beaucoup exprimé, avec sa maladresse habituelle, comme si c’était lui le premier ministre. Le président de la République, Joseph Kabila, lui s’exprime rarement.

On peut le lui concéder, c’est son style. Sur la crise actuelle, l’on a donc beaucoup entendu le ministre des Médias à telle enseigne que les tympans sont saturés car sa communication est toujours superflue. Mende est passé maître de la banalisation des vies humaines et de la déformation des faits. Sa communication n’est pas celle d’un homme d’Etat qui doit être mesurée. Mais sa communication à lui est souvent outrancière. Du coup, quand il s’exprime on le zappe. Une autre raison de l’inefficacité de la communication de Mende, c’est le fait que ses prises de position ne reflètent pas la position du gouvernement. Elle reflète une position individuelle qu’endosse après coup les autres membres du gouvernement. Aucun conseil des ministres n’a été tenu depuis les émeutes sanglantes pour dégager une position commune qui lierait tous les membres du gouvernement, mais le ministre des Médias continue à s’exprimer au nom de tous ses collègues.

Pour montrer les limites de la com de Mende, Evariste Boshab, vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et de la sécurité, acculé par les sénateurs lors de la plénière du mardi 20 janvier, a clairement pris des distances avec les propos de Mende qui banalisait le glissement du calendrier électoral en indiquant notamment que l’élection présidentielle peut avoir lieu en 2016 ou en 2017 c’est pas pour autant que le ciel nous tombera sur la tête. Poussant son outrecuidance à son comble, Mende a donné l’exemple du sénat qui a largement dépassé son mandat. Les sénateurs ont jugé ses propos « irresponsables » car soutiennent-t-il, avec raison, qu’ils ne leur appartiennent pas de convoquer les élections mais plutôt au gouvernement. La prolongation de leur mandat actuel est d’ailleurs la résultante de la révision constitutionnelle de 2011 qui a réduit de deux à un tour le scrutin présidentiel. Les dysfonctionnements de ce gouvernement sautent aux yeux à la faveur de cette crise engendrée par la modification de la loi électorale! Le premier ministre en est seul responsable car il n’exerce pas la plénitude de ses prérogatives gouvernementales telles que lui reconnues par la Constitution. Son silence devant les vies fauchées est à la fois regrettable et condamnable.

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