En marge de la Journée mondiale de l’urbanisme, Kinshasa s’étend mal

Vendredi 6 novembre 2015 - 06:45

Dimanche prochain, 8 novembre, la planète célèbre la Journée mondiale de l’urbanisme. C’est l’occasion pour nous de réfléchir un peu sur la façon dont notre ville, Kinshasa, s’étend.

Kinshasa est une mégalopole de plus ou moins 10 millions d’habitants. Ce chiffre est une pure estimation. Car certains n’hésitent pas à parler de 12 millions, alors que les plus prudents avancent des chiffres allant de 7 à 8 millions. Il est dommage qu’en plein 21ème siècle la population d’une ville, capitale de surcroît, soit encore un mystère. Mais c’est cela la réalité. Personne ne peut donner avec exactitude le nombre de kinois. Certaines estimations viennent des chiffres offerts par le Programme national de vaccination, mais ils ne peuvent pas, on en conviendra, transparaître la réalité.

Avec ses 12 millions d’habitants, donc, Kinshasa figure parmi les plus grandes métropoles du monde, à l’instar de Paris (environ 12 millions), Abidjan (10.700.000), Washington (9.600.000). les communes les plus peuplées sont Ngaliema (1.186.048 habitants) et Kimbanseke (1.540.388 habitants).

Avec une superficie de 237,8 km², la Commune de Kimbanseke est trop grande et difficilement gerable.  On se demande bien pourquoi et comment la décentralisation semble ne pas concerner la commune de Kimbanseke, trop grande et trop peuplée, avec une population d’1.500.000 habitants.

Il faut réunir les populations du Congo Brazzaville, du Gabon, de la Guinée Equatoriale, de la Gambie, du Cap-vert et de la Guinée Bissau pour atteindre celle de la seule ville de Kinshasa.

Cette puissance démographique constitue un marché important et offre à cette mégalopole une vaste opportunité de développement économique.

Kinshasa s’étend sur 10.000 km². Sur ce plan, également, elle se classe parmi les premières métropoles du monde, loin devant Paris (105 km²), Abidjan (2.120 km²), New York (1.200 km²) ou encore Le Cap (2.450 km²).

Bien gérée, la Ville de Kinshasa a donc des atouts susceptibles d’en faire une véritable puissance. La ville souffre de sérieux problèmes de modernisation. Elle doit faire face à de grandes difficultés d’infrastructures sociales, économiques, de salubrité, de santé publique, de transport, de desserte en eau potable, mais surtout en électricité et environnementale.

Kinshasa souffre également de graves problèmes d’urbanisme. En plein 21ème siècle, des nouveaux quartiers, dans les communes périphériques, sont lotis comme à l’époque moyenâgeuse.

Kinshasa est menacée par plusieurs têtes d’érosion dans plusieurs coins de la ville, en particulier dans les communes périphériques comme Ngaliema, Mont-Ngafula et Kimbanseke. Des rues entières et des centaines de maisons, au total, ont déjà été effacées de la carte de Kinshasa des suites des érosions.

Et si on créait une nouvelle ville ?

Gouverner, c’est prévoir. Une des plus grandes villes du continent, et donc du monde, Kinshasa s’élargit vaille que vaille. Dans les villes organisées, l’urbanisation précède le lotissement. Ce qui n’est pas le cas pour Kinshasa où l’Etat donne constamment l’impression de seulement découvrir un site déjà occupé n’importe comment.

Il se pose donc-là un sérieux problème d’administration. Il est effarant de voir des quartiers, occupés au 21ème  siècle, et qui sont pourtant très mal lotis, alors que les cités loties soixante ans plus tôt l’ont été dans des conditions acceptables.

Lorsqu’on veut lotir une nouvelle cité, on tient compte de certaines perspectives comme les espaces destinés à abriter les écoles, les hôpitaux ou centres de santé, les aires de jeu, les marchés et autres centres commerciaux, et les infrastructures routières. Les implications de ces prévisions sont inestimables et incommensurables.

No man’s land ?

Nous ne pouvons pas continuer à présenter l’image d’un non-Etat, prêtant ainsi le flanc à certains responsables étrangers imbus de racisme non-avoué alors que la RDC est véritablement un Etat. Comment peut-on comprendre que dans un pays qui se dit Etat, les écoles naissent comme des champignons (ce qui devait plutôt être une fierté) alors que les promoteurs ne respectent pas du tout les normes requises (c’est là où le bât blesse), seules les retombées mercantilistes les intéressant?

Les kinois continuent à bâtir des habitations aux bords des rivières malgré toutes les interdictions. Mais cela est aussi la conséquence du caractère têtu des Congolais et de la cupidité de certaines autorités politico-administratives.

Lors de la construction de la ville, un espace respectable avait été laissé entre les rivières et les premières habitations. Les concepteurs, les Belges comme les premiers administratifs, respectaient scrupuleusement cette réglementation. Mais il fallait compter sur la présence aléatoire de la politique d’habitat dans la ville.

L’Etat ne disposant que d’un nombre insignifiant d’habitations à louer, la plupart de citadins non propriétaires de maisons sont à la merci totale des caprices des bailleurs. La plupart de ces caprices vont jusqu’à l’humiliation pure et simple de pauvres locataires.

Ainsi, de ce point de vue, il faut saluer la nouvelle politique de construction par l’Etat, gouvernements central et provincial confondus, des cités d’habitation.

La grande question que l’opinion se pose est celle de savoir s’il s’agira-là d’habitations à loyer modéré, dont le bénéficiaire direct sera le Congolais moyen qui s’affranchira ainsi des humiliations évoquées ci-haut, ou si, plutôt, comme on le voit déjà, seuls les gros pontes et autres apparatchiks vont s’en accaparer. Tranchera-t-on avec cette politique ségrégationniste ou s’en accommodera-ton ?

Jean-Claude Ntuala