FIN DU MANDAT PRESIDENTIEL ARRÊT DE LA COUR : UN CAS DE CONSCIENCE POUR L’OPPOSITION

Vendredi 27 mai 2016 - 07:50
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Comment défendre la Constitution et en même temps rejeter le verdict de l’instance consacrée par la même loi fondamentale comme la seule habilitée à l’interpréter ?

L’arrêt de la Cour constitutionnelle sur l’interprétation de l’article 70 de la Constitution, relatif au mandat présidentiel en RD Congo continue à alimenter le débat sur la place publique. Le verdict de cette instance, la seule habilitée à interpréter la Constitution, est diversement analysé selon que l’on soit de la majorité présidentielle ou de l’Opposition politique. Toutes proportions gardées, par la Société civile aussi.

Si le Cartel au pouvoir ne trouve rien à redire sur cet Arrêt, l’Opposition politique quant à elle, estime que la Cour constitutionnelle a violé la Constitution. Du recoupement de différentes réactions des opposants, on retient que tous accusent la Cour constitutionnelle de vouloir consacrer la prolongation du mandat actuel du Président Joseph Kabila, au-delà du mois de novembre prochain, considéré comme délai butoir de sa fin. Depuis, les débats semblent s’enliser. Soit.
Parmi les contestataires, figure Etienne Tshisekedi, en séjour médical en Belgique depuis plus d’une année. Dans une déclaration qu’il avait signée le 16 avril depuis la capitale belge, l’inamovible et incontestable président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), avait rejeté cet arrêt de la Cour constitutionnelle qui autorise le président Joseph Kabila à rester en fonction après 2016 si la présidentielle est reportée. Pour le leader de l’Udps, il s’agit-là d’un nouveau mandat accordé au président Kabila. Etienne Tshisekedi l’a fait savoir dans une déclaration écrite transmise aux instances de l’UDPS à Kinshasa.
Dans cette déclaration politique, le président national de l’UDPS avait estimé que l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui permet au président Kabila de rester en fonction au-delà de 2016 en cas de report de l’élection est un acte inconstitutionnel. " Une révision masquée de la Constitution", avait-il soutenu. " L’UDPS et le peuple congolais rejettent cet arrêt inconstitutionnel rendu par une Cour manipulée ", dixit Bruno Mavungu, Secrétaire général de l’Udps, qui avait cité le président du parti, Etienne Tshisekedi. Il ne s’était pas limité là. Pour le président de l’Udps, le président Kabila cessera d’être président de la République le 19 décembre prochain à minuit.
" L’UDPS réaffirme que si les élections ne sont pas organisées dans le délai constitutionnel, M. Kabila quitte le pouvoir dans le meilleur des cas le 19 décembre 2016 et remet les clés du palais des nations au plus tard à minuit ", a souligné le porte-parole du parti. Et dire que les différentes réactions de l’Opposition sont allées dans le sens de celle de l’Udps. Dans le jargon informatique, on parlerait du copier-coller.

VOULOIR UNE CHOSE ET SON CONTRAIRE
Rendue mercredi le 11 mai courant, l’arrêt de la Cour constitutionnelle s’est fondée sur une interprétation de l’article 70 de la Constitution relatif à la durée du mandat présidentiel. Au terme de cet article, le constituant rd congolais dispose également que " le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu ". Ainsi, compte tenu de la sensation des débats autour de cette question, il était donc plus que nécessaire que la classe politique s’en remette à l’instance attitrée qui est la Cour constitutionnelle. Celle-ci est le seul juge habilité à interpréter la Constitution. Par conséquent, son arrêt est par essence inattaquable et opposable à tous.
Dès lors qu’on trouve à redire sur cette décision de la Cour constitutionnelle, il y a fort à inférer que la Constitution est en elle-même révisable. Loin de nous l’intention d’en vouloir à ces acteurs politiques qui ont usé de leur liberté d’opinion et d’expression. Démocratie oblige. Cependant, le bon sens admet que l’on doit transiger sur l’évidence. La vérité absolue est celle de reconnaitre la Cour constitutionnelle comme la seule institution qualifiée à faire l’exégèse de la Constitution. La vérité aussi, c’est de reconnaitre que la décision de cette Cour est sans appel.
A la lumière de tout ce qui se dit sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle, il se pose un vrai problème qui se décline en termes de paradoxe. Une contradiction qui se veut manifeste entre le comportement actuel des chantres du respect de la Constitution et l’idéal même de ce qu’ils entendent défendre. Comment peut-on donc vouloir en même temps, une chose et son contraire ? Si la décision de la Cour constitutionnelle est opposable à tous, alors il y a de quoi se mordre le doigt. Comment peut-on comprendre que ceux-là même qui ne jurent que pour le respect de la constitution, puissent en même temps se mettre en porte-à-faux par rapport à un arrêt rendu par une institution consacrée par la loi fondamentale comme la seule compétente en la matière ?

OU LA CONSTITUTION EST SACREE OU ELLE NE L’EST PAS

Raisonnons par l’absurde. Qu’adviendrait-il si la Cour constitutionnelle avait rendu son arrêt dans le sens contraire ? Serait-elle plus crédible aux yeux de ceux qui la vilipendent aujourd’hui, si elle avait tranché qu’au plus tard le 20 décembre prochain, Joseph Kabila devra quitter le trône ? Si c’est cela, alors, les Congolais se trouvent en face d’un jugement à géométrie variable. Ou bien la Constitution est sacrée ou bien elle ne l’est pas. Si nous admettons que la Constitution est sacrée, alors nous devons nous incliner devant l’Arrêt de la Cour. Sinon alors, avisons-nous à modifier ou carrément à changer de loi fondamentale.
C’est l’occasion de saluer ici, la prise de position de quatre gouverneurs de province qui, réunis dernièrement à Lubumbashi, n’ont pas manqué à interpeler la classe politique, l’invitant à respecter l’Arrêt de la Cour qui est inattaquable. Quand Jacques Chirac avait : " La démocratie est un luxe pour les Africains ", il n’avait pas cru si bien dire les choses. Pourtant.
Laurel KANKOLE
(Tiré de Forum des As n° 5140 du mercredi 25 mai 2016)