RDC : Les congolais appelés à revendiquer l'accès à l'information publique qui "rend les autorités redevables pour leur gestion des deniers publics" 

Mardi 8 septembre 2020 - 15:07
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7SUR7

La campagne sur le droit d’accès à l’information publique se poursuit en République Démocratique du Congo. Elle va se clôturer le 23 septembre 2020. Lancée par Internews depuis peu, cette campagne vise à mobiliser notamment les organisations de la société civile et les médias pour contribuer à la mise en œuvre « effective » du droit d’accès à l’information publique par l’adoption et la promulgation d’une loi en la matière en RDC. 

C'est en marge de cette activité que maître Charles Mushizi, directeur du Centre d’Études et de Recherches Juridiques et Institutionnelles (CERJI), a accordé le week-end dernier une interview à la rédaction de 7SUR7.CD.

Il a, lors de cet entretien, exposé sur le droit d’accès à l’information publique qui, selon lui, est essentiel au fonctionnement des sociétés entre autre la RDC. À l'en croire, il favorise également le développement, améliore les performances économiques et rend les autorités redevables pour leur action et leur gestion des derniers publics.

7SUR7.CD : Qu’est-ce que le droit d'accès à l’information publique ? 

C. M. : C’est le droit pour toute personne d’accéder à toutes les ressources informationnelles détenues par les organismes publics ou par les organismes privés pour autant que cette information soit d’intérêt public. 

7SUR7.CD : Quels sont les textes des lois qui garantissent le droit d’accès à l’information publique en RDC ? 

C. M.  : Il y’a plusieurs dispositions et passent à travers plusieurs lois notamment par le texte relatif au code d’éthique et déontologique de l’agence publique de l’État, les textes qui organisent l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) et plusieurs autres textes mais qui se limitent plutôt à affirmer les principes selon lesquels toutes les autorités publiques, toute personne agissant au nom de l’État d’une manière ou d’une autre par une sorte de mandat, a l’obligation de mettre à la portée de ceux qui les cherchent des informations qu’il détient du fait des attributions qu’il exerce, soit en terme de mandat de l’État soit en terme de fonctionnaire de l’État lui-même. Au delà du fait qu’il existe ces dispositions et passe à travers plusieurs lois mais qui ne sont pas opérationnelles. Il faut dire que nous avons plutôt besoin d’une loi d’accès à l’information publique qui organise les modalités de demander les informations et de l’obtenir mais qui  protège aussi celui qui a accès à l’information contre toutes poursuites et qui organise l’usage de l’information recherchée. 

7SUR7.CD : Quelle est l’importance d’utiliser le droit d’accès à l’information publique ? 

C. M. : L’importante d’accéder aux sources informationnelles est telle que sans information, on ne peut rien faire. On ne sait pas vivre. C’est un droit qui est au carrefour des autres droits. Plus, vous avez l’information sur la pandémie par exemple, plus vous savez prendre les mesures pour vous protéger. Plus vous avez les informations sur l’environnement, plus vous savez l’améliorer ou le protéger. Plus vous avez les informations sur les domaines d’investissement économique dans le pays, plus vous avez comment orienter votre investissement si vous voulez devenir un opérateur économique. Sans information, vous ne savez rien faire par principe. 

7SU7.CD : Quelles sont les limites du droit d’accès à l’information publique en RDC ? 

C. M. : Le principe est tel que mon droit se limite là où commencent les droits des autres. Je ne peux pas rechercher l’information pour nuire l’État, pour nuire d’autres citoyens, pour faire un chantage. Je ne peux pas chercher l’information pour des raisons illicites. Comme pour d’autres droit, l’exercice de ce droit est conditionné par le respect des lois, le respect de bonnes vies et mœurs, le respect des coutumes et de toutes les règles qui régissent notre société. 

7SUR7.CD : Que faire lorsqu’une information publique vous est refusée ? 

C. M. : Refuser à quelqu’un d’accéder à une information publique, c'est violer la constitution. C’est violer l’article 24 de la constitution qui à son alinéa 1, dit que toute personne a droit à l’information. Mais c’est aussi violer toutes les dispositions des textes que j’ai citées qui font obligation à l’agent public de l’État de mettre à la disposition de la personne qui les cherche les informations dont elle a besoin, soit pour son travail soit pour son information de manière générale soit pour une recherche particulière. 
Aujourd’hui, c’est là que nous avons besoin d’une loi d’accès à l’information publique. C'est difficile. On a beaucoup de possibilités de revendiquer mais ces possibilités ne sont pas pratiques parce que cela se limite plus tôt à une action en justice pour dommage et préjudice causés du fait de ce refus. Et ces préjudices doivent être démontrés sur base des éléments factuels : les correspondances que vous avez adressées à l'autorité, le refus qu'il a réservé avec une autre correspondance ou le silence (...). Nous avons besoin d’une loi d’accès à l’information publique qui rend possible cet accès et qui opérationnalise cette modalité d’accès mais qui aussi sanctionne toutes violations de ce droit qui est déjà constitutionnel à travers l'article 24. 

7SUR7.CD : La RDC a une pléthore des textes et lois inapplicables et qui servent d’archives nationales. La loi sur l’accès à l’information ne subira pas le même sort ? 

C. M. : Lorsque nous conduisons cette campagne, nous sensibilisons pour que chaque citoyen sache qu’il s’agit de son droit. Si chaque personne sait qu’il s’agit de son droit, d’un droit humain qui lui est inhérent, du seul fait d’être humain, d’être citoyen congolais, alors il le défendra. L’importance résulte de la prise des consciences par chaque citoyen qu'il a droit à l'accès à l'information conformément à la constitution de son pays.

7SUR7.CD : Comment faire avancer les plaidoiries sur l’adoption et la promulgation d’une loi d’accès à l’information au cours de cette 3 législature notamment à la session parlementaire de septembre qui s'ouvre ? 

C. M : C’est à travers vous (les médias, nldr) ; informer le plus possible sur les contenus et la portée du droit d’accès à l’information. Ensuite, il y’a toute  cette campagne qui est en train d’être menée et qui va être reconduite par quelques organisations de la société civile congolaise à travers d'autres provinces dans le mois qui doit suivre. Au-delà des médias, au-delà de la campagne, il y'a beaucoup d'échanges qui sont en train d'être organisés au quotidien depuis 2015, qui visent à faire connaître le plus possible à chaque citoyen congolais qu'il a droit à l'information et qui l'a droit à défendre ce droit. Auprès des autorités, nous continuons le plaidoyer en leur expliquant le sens propre du droit d'accès à l'information qui ne peut  pas être limité au seul droit des médias ni des journalistes. C'est un droit de tout le monde. 

Interview réalisée par Ange Makadi Ngoy

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