Le Mouvement des Jeunes pour la Protection de l’Environnement (MJPE) a organisé, le 9 octobre 2023, une tribune d’expression communautaire à Losanganya, un des secteurs du territoire de Bolamba, à 300 km de la ville de Mbandaka, dans la province de l’Equateur. L’objectif était de « recueillir l’avis des communautés locales sur le projet du gouvernement d’attribution du bloc pétrolier », le bloc 4.
Prenant tour à tour la parole, les ayants droit coutumiers de 113 villages que compte ce secteur, les jeunes, la société civile et même des responsables d’églises, ont exprimé leur refus d’accueillir une société pétrolière chez eux. Cette prise de position est due, premièrement, à la mauvaise expérience qu’ils ont avec les sociétés d’exploitation forestière.
« Les communautés de Losanganya ont une très mauvaise expérience avec les sociétés qui exploitent leurs ressources naturelles. C’est vraiment regrettable de voir que le gouvernement négocie à Kinshasa avec ces sociétés sans recueillir le moindre avis de la population. Et voir comment les choses se passent sur terrain, on a l’impression que le gouvernement négocie toujours en position de faiblesse avec ces sociétés. Si le gouvernement ne peut pas s’imposer devant les petites sociétés forestières, qu’en sera-t-il avec les multinationales pétrolières qui se comportent en robots économiques ? », se sont interrogées ces communautés, à travers un mémorandum lu par Faustin Bompose, président de la société civile de Losanganya.
Dans les résolutions de cette tribune populaire, les communautés de Losanganya disent au gouvernement qu’il peut les aider à se développer par d’autres moyens plus durables et propres, notamment en exploitant le crédit carbone.
« Les conséquences de l’exploitation pétrolière ce n’est pas le gouvernement qui va les subir à Kinshasa mais nous la population qui allons en subir la misère. C’est pour cette raison que nous ne sommes pas prêts d’accueillir une société pétrolière chez nous. Nous disons clairement au gouvernement que nous ne sommes pas d’accord avec l’exploitation pétrolière sur nos terres. Si les autorités se soucient réellement de notre développement, il y a encore des pistes sur lesquelles on peut miser, comme par exemple le marché carbone car il sera moins conflictuel », ont ajouté ces communautés.
Une autre raison évoquée par ces communautés pour justifier le refus d’accueillir une société pétrolière, est la crainte d’être contraintes d’abandonner leurs terres ancestrales pour aller vivre ailleurs.
« Sans qu’il y ait déplacement forcé des gens, il y a quand même des conflits fonciers enregistrés tous les jours dans les villages. Maintenant lorsque nous serons obligés de nous déplacer, qu’en sera-t-il ? Raison pour laquelle nous n’accepterons pas d’être déplacés de nos villages quoi qu’il en soit. Nos parents y sont nés et enterrés, nous-mêmes nous y vivons. A mon âge, je ne me vois pas capable de me déplacer pour aller errer ailleurs. Si le gouvernement veut changer nos conditions de vie, qu’il trouve d’autres moyens mais pas l’exploitation pétrolière sur nos terres », a commenté Sarah Bombeto, ayant droit dans le village de Benkanga.
Le MJPE a promis à ces communautés de faire entendre leur voix au niveau tant national qu’international, en particulier au sommet de 3 bassins tropicaux qui se tiendra à Brazzaville du 26 au 28 octobre prochain.
« Cette tribune d’expression communautaire consistait à recueillir l’avis des communautés du secteur de Losanganya sur le projet du gouvernement d’attribuer des blocs pétroliers à des entreprises. Nous avons choisi ce secteur parce qu’il se trouve au cœur du bloc 4, en pleine cuvette centrale. Dans cette zone, il y a une forte concentration de la biodiversité. Pratiquement tous les villages ont envoyé leurs délégués et chacun a pu s’exprimer librement. De manière générale, les communautés d’ici ne sont pas prêtes à accueillir l’exploitation pétrolière. Elles craignent d’être chassées de chez elles, elles ne veulent pas que leurs eaux et leurs terres soient polluées. A notre niveau, nous allons faire entendre leurs voix auprès des instances décisionnelles tant nationales qu’internationales. L’essentiel est de leur garantir un développement durable comme elles-mêmes le souhaitent », a expliqué Johnnyta Roy Kambembo, chargé de projet et programme du MJPE.
Hormis la question de l’exploitation pétrolière, celle de l’exploitation forestière a également été abordée au cours de cette rencontre. Les communautés ont notamment dénoncé le non respect des engagements sociaux par l’entreprise chinoise COKIBAFODE (ex Maniema Union 2) et les violations incessantes des droits de l’homme par la même entreprise.
Pour rappel, les territoires de Bolomba et Basankusu ( province de l’Equateur) ainsi que Boende et Befale (province de la Tshuapa) sont enclavés dans le bloc 4, selon la cartographie établie par le ministère des Hydrocarbures. Alors que le dépouillement des candidatures des entreprises qui ont soumissionné à l’appel d’offre pour ce bloc était prévu le 6 juillet passé, il a été reprogrammé pour le 22 janvier 2024.
Bienfait Luganywa