Lors d'un entretien téléphonique avec 7SUR7.CD ce lundi 25 mars 2024, Me Hervé Diakiese, porte-parole du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, a rejeté les arguments du gouvernement en faveur du rétablissement de la peine de mort en RDC, les qualifiant de démagogiques, populistes et irresponsables.
Il a souligné que dans un pays où la justice n'est ni indépendante, ni impartiale, et encore moins neutre, cette décision ouvre la voie à l'arbitraire.
« Notre parti considère cette décision comme une mesure démagogique, populiste et irresponsable. Tout d'abord, la peine de mort n'a jamais été abolie en RDC. Il y a eu un moratoire, c'est donc une décision prise à un moment donné de ne pas procéder aux exécutions Pourquoi ? Il y a plusieurs raisons, mais la raison fondamentale est que l'exécution capitale est la seule mesure pénale irréversible en cas d'erreur judiciaire ultérieure. Or, dans ce pays, nous savons tous que la justice, selon les dires du chef de l'État, est malade. Nous avons donc un problème avec la magistrature, qu'elle soit civile ou militaire. Elle n'est pas indépendante, impartiale et neutre. Elle est au service du pouvoir. Ainsi, laisser une justice malade appliquer la peine de mort, c'est ouvrir la voie à l'arbitraire, à des exécutions sommaires sous prétexte de décisions judiciaires. Nous avons tous assisté à des procès spectaculaires dans ce pays, comme le procès des 100 jours, où des condamnations ont été annulées. Imaginons un instant que ces personnes avaient encouru la peine de mort et qu'elles aient été exécutées. Quelles en seraient les conséquences au regard de notre système judiciaire ? », a-t-il soutenu.
Me Diakiese a fait savoir que cette mesure risque d'être utilisée pour criminaliser l'opposition politique en RDC.
« L'idée derrière cette décision est simplement de criminaliser l'opposition. En déclarant qu'on cherche des traîtres au sein de l'armée ou autre, c'est la meilleure manière d'incriminer tous ceux qui ne sont pas d'accord avec la manière dont le pouvoir gère le pays. Il suffirait simplement de qualifier de traître toute personne s'opposant à la gestion du pouvoir. La preuve en est que chaque fois que l'opposition exprime son désaccord avec le pouvoir en place, on l'accuse de trahison. On ne fait plus la distinction entre être opposant au régime et être traître à son pays. On peut être patriote et ne pas être d'accord avec le pouvoir en place. Or, le pouvoir actuel est très intolérant et fait très facilement des amalgames », a-t-il ajouté.
Il a relevé un constat en ces termes : « Récemment, il y a eu des arrestations de personnalités originaires du Kivu. Très rapidement, l'auditeur militaire a insisté sur l'appartenance au parti Ensemble pour la République d'une de ces personnalités. Mais il n'a pas mentionné l'appartenance politique des autres personnes arrêtées, qui pourtant étaient membres de l'union sacrée. Cela montre que l'idée derrière cette décision est d'intimider et de faire croire que l'opposition est nécessairement contre le pays car elle s'oppose à un régime qui, par ailleurs, est issu de la tricherie ».
Il a également contesté l'argument du gouvernement selon lequel la peine de mort aiderait à lutter contre le terrorisme et le banditisme urbain, en soulignant que cette mesure ne résoudra pas les causes profondes de ces problèmes.
De plus, Me Diakiese a affirmé que l'opposition ne se soumettra pas à cette décision et a condamné toute tentative de manipulation du peuple par la peur de la peine de mort, soulignant que tant que la justice reste partiale et dépendante, des mesures irresponsables ne doivent pas être prises pour éviter une radicalisation des réactions.
Dans une circulaire signée mercredi le 13 mars dernier par la ministre de la Justice, Rose Mutombo, le gouvernement a annoncé reprendre les exécutions capitales. Cette décision qui lève le moratoire daté de 2003, vise à débarrasser le pays des traîtres au sein de l’armée et à endiguer la recrudescence d'actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant la mort d'hommes, selon le communiqué de la ministre de la Justice.
Lors du briefing de presse du mardi 19 mars 2024 à Kinshasa, le ministre de la Communication et des médias et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a déclaré que si pour arrêter les massacres des populations congolaises, il faut passer par la restauration de la peine de mort, le gouvernement n’a pas le choix. Il a toutefois précisé que des mesures d'encadrement seront prises pour que cette peine ne soit pas appliquée de n'importe quelle manière par la justice.
Merveil Molo