Pour la première fois dans l'histoire de la République démocratique du Congo, la Cour des comptes, siégeant en matière de discipline budgétaire et financière, a jugé deux comptables publics pour faute de gestion. L'audience a eu lieu le 07 mai 2024.
Dans un communiqué rendu public ce lundi 13 mai 2024, l'Observatoire de la Défense Publique (ODEP) qualifie cette audience d'un "début historique du contrôle juridictionnel des finances publiques en RDC". Il rappelle que restaurer la Cour des Comptes est et reste un de ses combats importants depuis plus d’une décennie.
"La date du 07 mai 2024 restera donc gravée avec des lettres de noblesse dans l’histoire de la Cour des comptes, car c’est sa première audience publique qu’elle tient depuis sa création en 1987. Par cette première audience publique, la Cour des Comptes se plonge dans la guerre contre le fléau de la corruption. C'est un début historique du contrôle juridictionnel des finances publiques en RDC", lit-on dans le communiqué signé par le professeur Florimond Muteba, PCA de l'ODEP.
Pour cette plateforme de la société civile, la Cour des comptes ne doit pas s'arrêter là. Elle annonce que plusieurs mandataires publics qui ont commis des malversations financières vont bientôt comparaître devant cette juridiction.
"Après les trois agents publics appelés pour répondre des fautes de gestion commises
dans l’exercice de leurs fonctions de comptable public principal, comparaîtront certainement des mandataires publics dont, d’après informations en provenance du Greffe de la Chambre de discipline budgétaire et financière, des dossiers sont déjà en instance de fixation à la Cour des comptes", indique le communiqué.
L'ODEP a par ailleurs saisi cette occasion pour appeler à la révision de la Loi organique sur la Cour des comptes, afin de permettre à cette juridiction de juger les ordonnateurs politiques que sont les ministres, les responsables des institutions parlementaires, les gouverneurs et ministres provinciaux.
"La machine répressive de la Cour des comptes ayant été ainsi mise en marche, il serait souhaitable que, pour permettre à cette institution financière de combattre efficacement la corruption, de l’habiliter à poursuivre et à juger les ordonnateurs
politiques que sont notamment les ministres, les responsables des institutions parlementaires ainsi que les Gouverneurs des provinces et leurs ministres, qui jusqu’ici échappent à sa juridiction", recommande l'ODEP.
En outre, celui-ci suggère une révision de loi organique afin que les ordonnateurs politiques soient sanctionnés.
"Les fautes de gestion les plus compromettantes sont commises par cette catégorie de gestionnaires. La loi organique de la Cour des comptes doit être revue pour permettre à la Cour des comptes de poursuivre et de juger les ordonnateurs politiques, de bloquer les comptes bancaires des auteurs des irrégularités graves de gestion et de leur interdire de sortir du territoire national, sans passer par leurs autorités hiérarchiques", soutient l'ODEP.
Rappelons que dans son discours, le 09 mars 2023, lors de l'audience solennelle de la rentrée judiciaire 2023-2024, le premier président de la Cour des Comptes a affiché devant le chef de l'État sa ferme volonté de faire de sa juridiction un instrument de la lutte contre la corruption, les détournements et toutes sortes de fraudes en utilisant comme cheval de bataille la répression des fautes de
gestion.
Liant le geste à la parole, il a, en date du 20 avril 2023, procédé à l’inauguration de la salle devant abriter les audiences de la Cour des
comptes, baptisée "Léon Kengo Wa Dondo". C'est cette dernière salle qui a accueilli l'audience de deux comptables publics tirés sort parmi une kyrielle de comptables qui doivent être jugés pour faute de gestion.
Au terme de cette audience, la Cour des comptes a pris l'affaire en délibéré en permettant de rendre ses verdicts respectivement le 7 et le 14 juin prochains.
ODN