Parc national de l'Upemba : entre conservation et sécurité, une lutte quotidienne des éco-gardes (Interview avec la responsable du parc)

Mercredi 7 mai 2025 - 15:04
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Situé au cœur du Haut-Katanga en République démocratique du Congo, le parc national de l’Upemba est un joyau écologique encore méconnu. Pourtant, il concentre une richesse biologique, géologique et culturelle inestimable. Aujourd’hui, ce patrimoine est confronté à d’importants défis : pressions minières, projets d’infrastructures, tensions sécuritaires… mais aussi un manque criant de reconnaissance institutionnelle. Dans cette interview que notre reporter a eue avec Tina Lain, directrice de ce parc, le mardi 1er avril 2025 au quartier général du parc à Lusinga, elle nous parle de ce sanctuaire vieux de plus de 80 ans comme une aire protégée d’importance écologique majeure. 

Avec ses zones annexes et deux domaines de chasse adjacents, le parc représente aujourd’hui un enjeu environnemental complexe, mêlant biodiversité, communautés riveraines et gestion durable des ressources naturelles.

Ce paysage, souvent comparé à un delta intérieur, mêle savanes herbeuses, forêt-galeries, zones humides et hauts plateaux. L’échange a eu lieu le jour où 23 éco-gardes vont aller en retraite, une première depuis plusieurs années.

Le parc est aussi une terre de mémoire et de vie. Il abrite des communautés locales qui y vivent ou en dépendent depuis des générations. Malheureusement, le territoire de Mitwaba a été le théâtre de violences armées ayant fait de nombreuses victimes, y compris parmi les éco-gardes. Ces événements tragiques ont ébranlé la région, tout en rappelant le prix souvent payé par ceux qui défendent la nature. À l’heure où les écosystèmes se dégradent à un rythme alarmant, soutenir des lieux comme l’Upemba est une priorité urgente. Car préserver ce parc, c’est aussi protéger l’eau, la vie et l’équilibre d’une région tout entière. Voici l’intégralité de cette interview réalisée au quartier général de Lusinga au parc national de l’Upemba par Patient Lukusa, de retour de ce site.

° 7SUR7.CD : Nos lecteurs veulent vous connaître. Qui est Tina Lain ?

° Tina Lain : Je suis Tina Lain, je suis la chef de site du parc national du l’Upemba. Ça va faire maintenant à peu près 3 ans que je suis à la charge du parc national de l’Upemba, mais j'ai travaillé en RDC depuis 2007, donc ça va faire déjà presque 20 ans. La première fois que je suis venue en Upemba, c'était en 2016. J’étais venue rendre visite au directeur et conservateur Rodrick Katembo, qui était le chef de site à cette époque. Je travaillais pour une organisation à cette époque-là, avec l'Union Internationale de la Conservation de la Nature, et c'est à partir de là que j'ai essayé de l'appuyer, que j'ai eu une connexion avec Upemba.

° 7SUR7.CD : Quel est exactement le rôle d’un éco-garde ? Est-ce uniquement de patrouiller dans le parc ? Quelles sont ses missions principales ?

° Tina Lain : le travail d'un éco-garde, déjà physiquement, il faut le suivi au niveau de la faune et de la flore dans le parc. Ça veut dire que c'est savoir où sont les animaux, en quelle santé sont les animaux ? Est-ce qu'il va y avoir des changements dans le comportement qui pourraient indiquer que quelque chose va mal ou pas ? Après, il y a aussi tout un travail de gestion de feux de brousse. On est sur un plateau en savane. Pendant la période sèche, les feux de brousse sont gigantesques. Ça a pratiquement ravagé 90% de tout le plateau. Ça veut dire qu'il faut aussi avoir des connaissances pour savoir où est-ce qu'on met les gardes de feux, où est-ce qu'on peut arriver à mieux gérer ça. Après, de plus en plus, les éco-gardes jouent aussi un rôle au niveau de la communauté. Ce n'est pas seulement une conservation policière où on dit qu'on est ici pour empêcher que les gens ne viennent, mais c'est aussi une conservation où on s'approche de la communauté pour leur expliquer le bienfait du parc, qu'est-ce que ça représente, pourquoi c'est important de protéger le Parc national de l'Upemba, quels sont les services écosystémiques qu'il y a. Je crois qu'il faut surtout dire qu'on a toute une connaissance de la faune, de la flore traditionnelle qui est dans l'esprit et dans la mémoire de nos éco-gardes. On essaie, avec le départ de nos anciens, de voir comment est-ce qu'on arrive à retransmettre ces connaissances à la nouvelle génération. Parce que c'est aussi ces connaissances qui nous apprennent à nous reconnecter avec cette nature, avec cet environnement. Donc le rôle est vraiment très important. Ce n'est pas juste faire des patrouilles, mais c'est comprendre l'habitat où on est, c'est pouvoir aussi retransférer ces connaissances à ces nouvelles générations.

° 7SUR7.CD : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’activité d’aujourd’hui, à savoir la cérémonie de mise à la retraite des éco-gardes ?

° Tina Lain : En fait, c'est une activité qui me tient énormément à cœur. C'est quelque chose qu'on voulait faire depuis très longtemps. Quand je suis arrivée ici en 2016, mais aussi après, lorsque j'ai pris la gestion du parc en 2021, une des premières choses que certains de nos écogardes nous demandaient, c'était « on a beaucoup travaillé, on veut aller se reposer, aidez-nous avec la retraite ». Et malheureusement, on n'a pas pu réussir à tout faire dans l'immédiat, parce qu'on avait encore besoin d'eux en fait. Si on laissait partir nos anciens, qu'on allait se retrouver avec un grand trou. Et donc maintenant, avec la nouvelle formation, avec les nouveaux écogardes, qu'on a vraiment mis en plus d'espace pour pouvoir vraiment leur offrir cette retraite, bien sûr avec l’ICCN, Institut congolais pour la conservation de la nature. C'est l’ICCN qui met à la retraite. Et oui, pour nous, c'est vraiment une journée pleine de joie, parce que c'est la première fois que ça arrive au niveau du Parc National du l'Upemba depuis énormément d'années. On essaye de faire revivre le parc, mais pour nous, c'est aussi un signe qui montre que cette renaissance est en train de prendre place. Et qu'on arrive aussi à soutenir nos anciens écogardes dans leur futur en tant que retraité.

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° 7SUR7.CD : Parmi ces éco-gardes, l’un d’eux a servi pendant plus de 40 ans. Est-ce exact ?

° Tina Lain : Oui, exactement. Beaucoup de nos anciens écogardes, il y en a certains qui sont nés ici, à Lusinga même. Et qui ont, tout ce qu'ils ont connu, c'est le Parc National de l'Upemba. Et leurs parents étaient aussi écogardes. Donc, c'est toute une génération, c'est toute une vie qui a été ici. Et comme hier, on en parlait aussi avec le chef de site adjoint, le directeur Innocent. Il faut maintenant aussi, les sensibiliser par rapport à comment est-ce que ça va être de se retrouver dans une communauté après avoir passé tant de temps ici au niveau du parc. Mais oui, on est très heureux de pouvoir faire ça. Et je pense que c'est vraiment une très, très belle journée pour le Parc National de l'Upemba.

 

° 7SUR7.CD : Le parc est vaste et s’étend sur trois provinces du Katanga. A titre estimatif, combien d’éco-gardes y travaillent actuellement ?

° Tina Lain : au total, on a 203 éco-gardes. Et de ces 203 éco-gardes, là, on en a 23 qui vont quitter. Mais de ces 203, on peut dire que vraiment éco-gardes opérationnels, c'est-à-dire qu'ils peuvent vraiment faire des patrouilles pendant une certaine durée de temps et tout ça, je dirais, c'est aux alentours de 100. Ce qui veut dire qu'on a quand même une force d'éco-gardes qui est vieillissante. Beaucoup n'ont pas reçu des soins médicaux pendant beaucoup d'années. C’est avec la venue de la remise en place de la gestion qu'on a pu quand même offrir des soins médicaux, pas seulement traditionnels, mais aussi modernes. Et c'est vrai que le travail d'un éco-garde est physiquement dur. Et donc, c'est à un certain moment, ton corps, il est fatigué. Donc, opérationnel, on dira qu'on a à peu près 100 éco-gardes. Et c'est pour ça qu'on est aussi en train de recruter pour pouvoir, en fait, qu'il y ait cette nouvelle génération qui puisse arriver.

° 7SUR7.CD : Que représente concrètement la retraite pour ceux qui n’y ont pas droit ?

° Tina Lain : En fait, ça a été un calcul qui a été basé sur la législation au niveau de l'ICCN. Et donc, ça dépend des années de travail que tu as eues. Je peux dire que certains retraités, je n’aimerais pas trop donner de nombres parce que ça peut aussi les fragiliser au niveau de la communauté. Mais c'est considérable. Et c'est pour ça aussi qu'on a pris toutes les mesures nécessaires pour que ça diminue aussi leur risque au niveau de la communauté. On a fait tout par banque pour qu'il n'y ait pas de l'argent chez soi qui puisse se faire attaquer ou quoi que ce soit. Donc, il y a toute une sensibilisation aussi par rapport à l'épargne. Comment est-ce que tu gères ce type d'argent pour pouvoir survivre avec pendant le reste de ta vie ? Mais ce n’est pas des montants moindres. Je peux dire qu'on a aussi réussi à faire ça grâce à l'appui de l'Union européenne qui nous a aussi soutenu pour pouvoir promouvoir la mise à la retraite des éco-gardes. Et ça, c'est vraiment un appui essentiel. Sinon, on n'aurait pas pu le faire.

° 7SUR7.CD : Pour vous, cette cérémonie est-elle importante ? Pourquoi ?

° Tina Lain : Parce que c'est une marque que finalement, on arrive à dire au revoir à nos éco-gardes de la façon qu'il le faut. Malheureusement, ces trois, quatre dernières années, on a dû dire au revoir à nos éco-gardes parce qu'ils ont été tués sur le champ lors de leur travail. Et ce n’est pas la façon qu'on aime dire au revoir. Et là, c'est la première fois qu'on peut vraiment le faire correctement. Et ce n’est pas dans la mort, c'est dans la vie. Et ça, pour nous, c'est vraiment un moment qui est très important et qui, j'espère aussi, va encourager les autres éco-gardes à montrer que tout le sacrifice qu'ils ont fait pendant tant d'années, lorsque c'était difficile et tout ça, ce n’est pas pour rien et qu'on ne les abandonne pas et que finalement, ils vont pouvoir avoir cette retraite, ce repos qu'ils méritent, mais dans des conditions dignes après avoir dû survivre dans des conditions très difficiles. Donc oui, pour nous, je pourrais dire que c'est vraiment une victoire. Si on parle vraiment d'un parc, de remettre un parc en ordre, de remettre un système de gestion, ce n’est pas seulement la protection des animaux, ce n’est pas seulement la protection de l'habitat, c'est aussi arriver à protéger dans le long terme nos éco-gardes. Et pour nous, ça, c'est une petite victoire.

° 7SUR7.CD : Vous avez évoqué les difficultés rencontrées sur le terrain, notamment les violences. En 2021, un éco-garde a été assassiné, et l’an dernier, deux pisteurs et deux autres éco-gardes ont été tués. Comment gérez-vous ces tragédies ? Et personnellement, comment les vivez-vous ?

° Tina Lain : C'est très difficile. D'un certain côté, on n'arrive pas à comprendre pourquoi on s'attaque à des éco-gardes qui n'étaient même pas en patrouille. Ils étaient sur un poste de patrouille, certains étaient juste au réveil, et donc il y a eu un vrai acharnement. Donc ça, ça fait mal. C'est difficile vraiment à comprendre. Après, qu'est-ce qu'on fait ? Malheureusement, on ne peut pas promettre que ça ne va plus jamais arriver. Donc ce qu'on essaie vraiment de faire, c'est vraiment rassurer nos éco-gardes, leurs familles, la famille des décédés, qu'on est là et qu'on ne va pas les abandonner, et que quoi qu'il se passe, on reste une famille. Donc ça, c'est un travail continuel, et montrer que ce n'est pas juste des mots, mais que c'est vraiment une réalité. Mais oui, c'est dur, c'est compliqué.

° 7SUR7.CD : Que représente pour vous la perte d’un éco-garde ?

° Tina Lain : On a un fonds pour les familles et les orphelins. Donc, ça veut dire qu'à chaque fois qu'un de nos éco-gardes ou même pisteur est tué lors de son travail, on demande cet appui. En fait, c'est Steel Mainline Foundation qui a mis ça en place depuis beaucoup d'années et qui offre des appuis aux familles lorsqu'il y a eu un décès d'un éco-garde. Et ça, c'est au niveau continental, donc ce n'est pas seulement au niveau de la RDC. Ça nous aide énormément à donner un certain appui. Mais ce qu'on essaye aussi, c'est, par exemple, les veuves de nos éco-gardes vraiment de les reprendre aussi avec nous, puisqu'elles puissent aussi avoir un travail. On essaie aussi de leur donner un travail pour qu'elles puissent continuer vraiment à avoir un revenu pour leur famille.

° 7SUR7.CD : Parlons à présent de l’approche intégrée que vous développez au sein du Parc national de l’Upemba. Qu’implique concrètement cette stratégie ? Est-ce un moyen de rapprocher les communautés du parc ?

° Tina Lain : En fait, ça se passe surtout par le biais de projets de développement. Donc, on a vraiment mis en place un système où on peut commencer à offrir des alternatives à l'extérieur et autour du parc national d'Upemba pour que ces communautés puissent déjà avoir une sécurité alimentaire. Ça, c'est des projets agricoles, mais aussi commencer à générer un revenu, un surplus pour pouvoir avoir des meilleures conditions de vie. Comme vous voyez, le paysage d'Upemba est quand même assez vaste. Donc, on parle d'un parc et d'une zone annexe de plus de 13.000 kilomètres carrés, ce qui veut dire qu'on n'arrive pas à toucher toutes les communautés environnementales tout de suite. On essaie de se concentrer déjà sur certains endroits, mais on essaie de faire ça du moins dans les quatre territoires pour être sûr qu'on a réparti équitablement ce type de développement. Donc, c'est vraiment arrivé à mettre en place ce type de dynamique économique durable. Après, on n'a pas encore réussi vraiment à bien développer, c'est le niveau de l'éducation environnementale. On voit qu'il y a un vrai besoin d'arriver à renforcer toute cette éducation environnementale autour de la zone et d'arriver aussi à atteindre de plus en plus les écoles. Et ça, c'est vraiment quelque chose qu'on veut arriver à développer et trouver aussi une approche qui est vraiment la meilleure. Voilà. Donc, on est vraiment en train de réfléchir là-dessus pour cette année. 

° 7SUR7.CD : Avez-vous constaté une évolution dans la manière dont les communautés perçoivent votre travail ?

° Tina Lain : Oui, mais je trouve que surtout, c'est aussi ça passe par le dialogue. Donc, on a beaucoup travaillé pour remettre en place ce qu'on appelle le comité de coordination du site. Et en fait, le comité nous aide à regrouper toutes les différentes couches au niveau de la communauté, donc les autorités administratives, les chefs coutumiers, la société civile, les jeunes et autres, et parler de ce qu'est le parc et de leur montrer aussi quels sont les plans de développement. Et je crois que ces assises nous aident vraiment à avoir des échanges, à nous communiquer. Je me rappelle que certains des chefs coutumiers nous disaient, on voit vos véhicules passer, mais personne ne s'arrête. Et c'est là où je crois qu'avoir ce contact régulier avec les différentes autorités nous aide énormément à avoir une compréhension commune de ce qu'on fait. C 'est vrai qu'on ne peut peut-être pas changer tout d'un coup, mais au moins qu'ils sachent qu'on essaie et qu'on essaie ensemble. Et je crois que ça, ça nous a beaucoup aidé à montrer une autre image du parc, qui est aussi là pour soutenir les communautés référentes.
 
° 7SUR7.CD : A votre avis, d’où vient cette rivalité entre certaines populations et les acteurs de la conservation ? Pourquoi s’en prend-on aux éco-gardes ?

° Tina Lain : Au niveau communautaire, je crois que ce qui crée des tensions, c'est surtout la pauvreté. La pauvreté d'une communauté référente qui n'a pas toujours accès à ce dont ils ont besoin. Donc, je crois que ça, c'est certainement une cause. Après, je pense malheureusement dans les dernières attaques que nos éco-gardes ont connues, ça n'avait pas à voir avec la pauvreté. Je crois que c'était bien plus un contexte, on va dire sécuritaire au niveau provincial qui a créé ce type. Je veux dire, nos éco-gardes se sont fait tuer parce qu'il y avait aussi un besoin de recherche en armes. Des policiers se sont fait tuer aussi de la même façon. Des militaires se sont fait tuer aussi de la même façon. Donc, je crois qu'ils ont vu une façon de pouvoir s'approvisionner en armes. Et ça, pour moi, ce n'est pas la communauté, c'est certains groupes qui ont certaines intentions. Et donc, je crois qu'on doit approcher ça de façon totalement différente.

 

° 7SUR7.CD : Rencontrez-vous d’autres défis majeurs dans la protection du parc ?

° Tina Lain : Il y a beaucoup de défis. Mais je crois que rien n'est impossible lorsqu'on a la volonté et une équipe qui est forte et soudée. Je pense qu'un des défis constants, c'est aussi trouver des financements. C'est vrai qu'on a des défis au niveau sécuritaire, on a des défis au niveau logistique pour accéder à certains endroits. Mais je crois qu'arriver à gérer un parc, on ne peut pas le faire sans des moyens. Pouvoir mettre nos gardes à la retraite, on a besoin de ces moyens. Je crois qu'il ne faut pas seulement mettre des moyens, et ça, ça disparaît. C'est mettre des moyens pour arriver à conserver un paysage qui produit des bénéfices à toute la communauté et aussi à toute la région. Seulement qu'on n'est pas souvent conscient de ce que ça rapporte. Un de nos défis, c'est d'arriver à soutenir la survie de ce parc dans le long terme. Et pas seulement pour deux ou trois ans, mais vraiment arriver à ce que les communautés, la nation, reconnaissent aussi la valeur de ce type de paysage. Et reconnaissent non seulement la valeur économique, mais aussi la valeur culturelle, la valeur naturelle que ce paysage peut rapporter à la RDC.

° 7SUR7.CD : Que représente le Parc national de l’Upemba dans l’écosystème global de la RDC ? 

° Tina Lain : En fait, comme vous le savez, on parle énormément des forêts du bassin du Congo, comme le deuxième poumon du monde d'une importance mondiale. Mais souvent, on oublie que les forêts du bassin du Congo sont totalement dépendantes du bassin hydrographique du fleuve Congo. Et que sans la protection de ce bassin hydrographique, on risque aussi de faire disparaître ces forêts. Le paysage du parc national de l’Upemba est un des neuf châteaux d'eau qu'on a sur le continent africain. Ce qui veut dire que c'est où beaucoup de ces rivières trouvent leur source. Et comme vous le savez, le fleuve Congo est alimenté par deux rivières importantes, dont le Lualaba. Et c'est cette rivière, en fait, qui prend sa source, vous pouvez peut-être voir, dans la région des lacs de la dépression de Kamalondo. Ce qui veut dire que c'est extrêmement important. Et donc, c'est important au niveau, on va dire, mondial pour la préservation des forêts du bassin du Congo. Mais c'est aussi important au niveau local et provincial. L'eau, comme vous le savez, devient une ressource de plus en plus rare. On dit que tous les conflits qu'on a eu sur les ressources naturelles, à un certain moment, ça risque aussi de devenir par rapport à l'eau. Et c'est pour ça que ces châteaux d'eau, il faut qu'on arrive à les préserver. C'est en fait une source d'eau potable aussi pour énormément de communautés autour. Et on a aussi besoin d'eau pour pouvoir faire la transformation, pour pouvoir aussi des activités économiques. Donc, c'est crucial. Après, je parle même aussi au niveau de la biodiversité de tout l'espace qu'on a. Par exemple, si on regarde les dernières études que le professeur Boucher a fait à l'Université de Lubumbashi, juste en parcourant la rivière Lufira et il n'a même pas fait l'entièreté de la Lufira, ils ont redécouvert plus de 100 espèces qui n'étaient même pas répertoriées. Et de ces espèces, ils en ont découvert certaines qui n'avaient même jamais été identifiées au niveau scientifique. Et l'année dernière, on a eu aussi la visite de l'Université de Lubumbashi du professeur Emmanuel. Ils ont aussi redécouvert sur le même plateau des espèces de poissons qui pensent qu'elles n'ont aussi jamais été scientifiquement découvertes. Donc, ça vous montre que ce lien hydrographique d'université, c'est encore quelque chose qui est méconnu, mais son importance est là. Et un de nos objectifs et un de nos rôles, c'est aussi d'arriver à montrer l'importance au niveau national et au niveau global de cet habitat.

 

° 7SUR7.CD : Comment faites-vous pour sensibiliser ou convaincre les personnes tentées d’exploiter les ressources naturelles du parc national de l’Upemba ? On entend souvent parler de projets miniers ou de barrages hydroélectriques.

° Tina Lain : Je crois que, nous, notre rôle, c'est surtout de pouvoir montrer la valeur que cet écosystème a. Donc, comme je vous dis, il y a beaucoup de choses qu'on ne connaît pas. Et un de nos rôles, c'est vraiment d'arriver à faire des études, à montrer les différents types de valeurs qu'on a ici et aussi pouvoir démontrer pourquoi c'est important de conserver. Donc, je crois qu'il y a déjà tout ce savoir qu'on doit arriver à compiler et à montrer aux décideurs. C'est vraiment aux décideurs de prendre des décisions. Mais, nous, notre objectif, je crois, notre obligation, c'est de pouvoir apporter de la bonne information sur la table des décideurs pour qu'ils puissent prendre les bonnes décisions. Je crois que c'est surtout ça. Et aussi, avoir un dialogue. Avoir un dialogue avec les différents acteurs pour pouvoir leur montrer, voilà, on a un paysage. Cette partie-là, c'est crucial. Voyons voir comment est-ce qu'on façonne ce paysage pour que ces différentes valeurs puissent aussi survivre. Donc, je crois que c'est surtout à ce niveau-là qu'on a cette responsabilité, cette obligation d'apporter la bonne information. 

° 7SUR7.CD : Ici à Lusinga, après les événements tragiques, vous êtes également confrontés à des problèmes d’électricité. Comment gérez-vous cette situation, notamment pour assurer les besoins vitaux et le bon fonctionnement de la base ?

° Tina Lain : on est juste en train d'initier la construction d'une petite centrale photovoltaïque. Ça va vraiment nous aider à générer de l'électricité, on va dire, propre. Pas les générateurs qu'on a utilisés jusqu'à présent, même si c'était avec moitié solaire. Donc, l'énergie solaire va vraiment nous aider à survenir aux besoins énergétiques au niveau de la station. Et ça, ça va aussi nous aider à avoir une pompe à eau. Grâce à cette énergie, on va pouvoir aussi améliorer les conditions de vie de nos éco-gardes et aussi du personnel qui vit ici.

Patient Lukusa, depuis Lusinga au parc national de l’Upemba