Est de la RDC : la société civile Forces vives dénonce l’utilisation « abusive » du rapport de l’ONU pour « tracasser » les opérateurs miniers

Jeudi 21 août 2025 - 08:49
Image
Ima

Dans une déclaration, ce mercredi 20 août 2025, la société civile Forces vives de la RDC dénonce l’utilisation, « de manière abusive », des conclusions du récent rapport du Groupe d'Experts des Nations Unies sur l’exploitation des ressources minières dans l’Est de la RDC, « ce qui aggrave la précarité socioéconomique ». 

D’après cette structure, ce document de 258 pages, qui traite principalement la situation sécuritaire et l'exploitation des ressources minières, notamment dans les provinces de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, est utilisé désormais pour tracasser et extorquer les opérateurs économiques. 

« […] Les conclusions de ce rapport sont aujourd'hui utilisées de manière abusive, aggravant la précarité socio-économique, notamment en Ituri. Des opérateurs économiques sont victimes de tracasseries, d'arrestations arbitraires, d'extorsions et de poursuites, transformant le rapport en outil de répression plutôt qu'en levier d'assainissement », indique la déclaration. 

Le Bureau de Coordination Nationale de la Société Civile Forces Vives salue, par ailleurs, l'intérêt « soutenu » de la communauté internationale pour la transparence dans l'exploitation des ressources naturelles et pour le rétablissement de la paix dans les zones affectées par une insécurité chronique en RDC. 

« Toutefois, malgré ces intentions louables, le secteur aurifère, pourtant stratégique pour l'économie nationale, ne génère toujours pas les dividendes attendues », déplore-t-il. 

La Société civile Forces vives encourage les réformes initiées par le gouvernement de la RDC, avec l'appui des partenaires techniques et financiers, visant à lutter contre l'exploitation minière illégale. 

Ces efforts, soutient-elle, incluent : la formalisation du secteur minier artisanal par l'agrément des coopératives ; la création de Zones d'Exploitation Artisanale (ZEA) viables ; l'opérationnalisation des services techniques tels que le SAEMAPE ; la mise en place de mécanismes de traçabilité et la ratification des initiatives régionales (CIRGL) et internationales (OCDE).

« Nous dénonçons l'exploitation anarchique de l'or par certains opérateurs étrangers, notamment chinois, qui, sous couvert d'activités artisanales, utilisent des équipements industriels, étouffent les coopératives congolaises légales, détruisent massivement l'environnement et opèrent dans des zones interdites à tout contrôle, y compris par les services étatiques spécialisés. Fait troublant : ces opérateurs bénéficient parfois de la protection de forces régulières (FARDC, PNC), en violation flagrante des dispositions légales interdisant la présence militaire sur les sites miniers artisanaux », déclare cette structure. 

Et d’ajouter : « Cette situation révèle l'existence d'un réseau d'exploitation illégale impliquant à la fois des acteurs étatiques et des groupes armés. L'or issu de ces circuits échappe totalement au contrôle légal, ses statistiques sont inconnues au niveau national, mais apparaissent dans les rapports d'exportation des pays voisins servant de transit ». 

Elle note d’autres insuffisances majeures, notamment :

• Le rapport ne couvre pas toutes les zones à grande production aurifère des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l'Ituri, tels que le territoire de Mambasa, principal producteur de l'or en Ituri ; les territoires de Lubero, Walikale et Beni au Nord-Kivu ; les territoires de Shabunda et Mwenga en Province du Sud-Kivu ;

• ⁠Aucune mention n'est faite des entreprises chinoises, qui représentent environ 90 % des grands exploitants et exportateurs miniers, opérant sans respect du code minier ;

• ⁠Le rapport omet la responsabilité de l'État dans l'entretien du circuit informel, notamment l'implication des militaires dans les sites miniers ;

• ⁠Aucune évaluation du rôle et de la responsabilité de la MONUSCO, présente dans la région depuis plus de 25 ans;

• ⁠Le rapport a fuité avec les noms des victimes et les sources d'informations. Il n'a pas tenu compte de la protection des précitées. 

Face à ces constats, elle recommande :

• À toutes les parties prenantes : d'analyser le rapport avec objectivité et d'en tirer les implications nécessaires ;

• ⁠Au Groupe d'experts : de compléter le rapport par des recherches approfondies et impartiales couvrant l'ensemble des territoires de l'Ituri, en mettant l'accent sur l'exploitation minière par les entreprises chinoises et sur la responsabilité de l'État ;

• ⁠Au Gouvernement congolais : d'utiliser ce rapport comme outil d'assainissement du secteur minier artisanal dans l'Est du pays, et non comme instrument de répression ; de mener une enquête rigoureuse sur les activités minières des entreprises chinoises, qui privent l'État de revenus substantiels et compromettent l'avenir des générations futures par la destruction de l'environnement ;

• ⁠Au Conseil de sécurité des Nations unies : d'évaluer l'impact réel de la présence de la MONUSCO sur la stabilisation de la région, sur l'activisme des groupes armés et sur l'exploitation minière illégale.

Christian Dimanyayi

 

AfroPari Août 2025