ADRIEN OMOMBO : "LA FIXATION DU CAPITAL CONSTITUE UN DES ASPECTS ESSENTIELS DE LA TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES "

Mercredi 16 mars 2016 - 05:14
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Les missions du Conseil supérieur du portefeuille (CSP), les restructurations, les business plan et les capitaux sociaux des sociétés commerciales de l’Etat ainsi que d’autres sujets d’actualité relatifs à la réforme du Portefeuille de l’Etat, ont été abordés par le Président du CSP, Adrien Omombo Omana, dans l’interview, ci-dessous, qu’il a bien voulu accorder au quotidien Forum des As. Le président du CSP s’est beaucoup appesanti sur la question de la fixation du capital social qui est, pour lui, l’élément essentiel d’établissement de l’affectio societatis, condition sine qua non de la validité du contrat de société.

Monsieur le Président, dans le contexte de la réforme du Portefeuille, quelles sont les missions exactes du Conseil Supérieur du Portefeuille (CSP) ?
Les missions du Conseil Supérieur du Portefeuille (CSP) ont été justement redéfinies dans le sens de leur adaptation au processus de la réforme du Portefeuille de l’Etat, à travers leDécret du Premier Ministre n°13/036 du 03 septembre 2013. Aux termes de ce texte, le CSP est notamment chargé des missions d’assister le Ministère dans la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière de gestion du Portefeuille de l’Etat. Et aussi, de suivre, contrôler et évaluer la gestion des entreprises du portefeuille à participation majoritaire de l’Etat, au travers des missions dont la programmation a été approuvée par le Ministre, et proposer, le cas échéant, les mesures correctives indispensables à leur redressement, et susceptibles d’améliorer leur gouvernance, leur performance économique et financière et leur compétitivité. Le CSP a ainsi mission d’assurer, par délégation expresse du Ministre, la représentation de l’Etat, Agent économique, en tant qu’actionnaire, dans l’exercice des prérogatives et obligations statutaires dévolues à tout actionnaire. De faire des évaluations économiques et financières des droits, actions, parts sociales et obligations souscrits par l’Etat et proposer au Ministre les stratégies de prise et de cession de participations ainsi que des politiques de dividendes appropriés.

Ces missions font du CSP la cheville ouvrière du ministère du Portefeuille…
En effet, nous assurons aussi la conservation des titres de participation détenus par l’Etat dans les entreprises du portefeuille. Nous procédons, à la demande du Ministre, à l’évaluation des performances des mandataires publics au sein des entreprises du portefeuille au regard du contrat de mandat que ces derniers concluent avec l’Etat-actionnaire. Nous tenons une banque de données des cadres pouvant être proposés pour représenter l’Etat dans les organes délibérants des entreprises du portefeuille, au regard de leurs qualifications, expériences, expertises, probité morale et intellectuelle. Et nous assurons la coopération technique avec les organes similaires ainsi que les organismes de formation et de financement.
Chacune de ces missions englobe un certain nombre de tâches à exécuter au quotidien, comme d’une manière spécifique. Ce qui nécessite la justification des connaissances techniques approfondies en matière de gestion des participations en général et du management des entreprises en particulier. Le CSP s’emploie, sans désemparer, à la mise à niveau de son personnel qui doit améliorer ses performances techniques.

Le CSP a-t-il la maîtrise des entreprises structurantes du Portefeuille de l’Etat ?
Il est utile de spécifier que l’entreprise est dite "structurante " dès lors que son bon fonctionnement conditionne le développement des autres unités de production, qu’il s’agisse des entreprises du Portefeuille de l’Etat ou totalement privées. C’est dans cette catégorie qu’il faut inscrire les producteurs et distributeurs d’énergie, les entreprises de transport de gros tonnages desservant toute la République, certaines entreprises de production ayant un impact réel sur les producteurs ou les consommateurs de biens et services en tant que fournisseur ou client. Le CSP a-t-il la maîtrise de ce type d’entreprise ? Bien sûr que oui, il doit en avoir. Cependant, il est utile de souligner que cette catégorie de société commerciale du Portefeuille se trouve encore sous l’emprise du Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille de l’Etat (COPIREP) qui les a choisies comme cibles dans la mission de mise en œuvre des programmes de restructuration. Le CSP se place au second rang dans la phase d’évaluation de performance et de mise en place de différents instruments de gestion.

Ce jeudi 17 mars 2016, le Code des assurances promulgué par le Chef de l’Etat entrera en vigueur avec l’arrivée des nouveaux opérateurs du secteur. Comment le CSP s’y est-il préparé ?
Eh bien justement, le CSP a été appelé à accompagner la Société Nationale d’Assurances (SONAS SA) dans la mise en œuvre de sa restructuration, dans le but bien compris de s’adapter à cette nouvelle donne. Le CSP a estimé que le processus idéal en matière de programme de restructuration réside dans la confection d’un plan d’affaires (business plan) découlant d’un diagnostic stratégique de l’entreprise. Le CSP a donc aidé la SONAS SA dans l’élaboration d’un business plan sur un horizon de cinq (5) ans, instrument qui va être soumis à la validation d’une structure de renommée internationale. De ce point de vue, l’on peut affirmer que le CSP a fait son travail.

La Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC) attend d’être restructurée. Quel est l’apport du CSP ?
Comme développé ci-avant, la SNCC, qui est une société structurante, se trouve en plein en charge du COPIREP. Evidemment, comme toutes les autres sociétés, elle est souvent appelée à fournir les différents éléments de reporting de gestion et à recevoir des conseils requis en cette matière.

Etes-vous globalement satisfait du déroulement de la réforme du Portefeuille de l’Etat ?
C’est une question importante que d’aucuns se posent. Elle révèle l’utilité réelle du secteur du Portefeuille sur le plan du développement socioéconomique de notre pays, utilité que ses fondateurs lui ont assignée depuis des temps immémoriaux. Elle démontre également l’attitude de nos compatriotes astreints à des résultats dans l’immédiat. Pourtant, au regard de la dégradation que le secteur a connue, le processus de la réforme et de la restructuration des entreprises qu’elle sous-tend doit s’inscrire dans la durée. Le processus nécessite strictement des investissements dont les résultats ne peuvent, par essence, survenir dans l’immédiat.
L’on peut dire, sans crainte d’être contredit, que les fondamentaux de la réforme sont en place. De ce point de vue, l’on peut affirmer que le Portefeuille de l’Etat, jadis non défini dans sa consistance, l’est aujourd’hui. L’on a dissocié les véritables entreprises du portefeuille des autres organismes assimilés et des autres services de l’administration publique qui étaient entremêlés. La gestion de l’entreprise du Portefeuille est laissée à l’initiative des gestionnaires qui doivent répondre des résultats réalisés, n’en déplaise à certains esprits qui ne supportent pas se départir du pouvoir de tutelle. La désignation des gestionnaires des sociétés commerciales est devenue une prérogative de l’Assemblée Générale des actionnaires, sans préjudice des dispositions légales ad hoc, elles-mêmes tirant leur substance de la Constitution.
Le patrimoine de l’Etat actionnaire a été nettement dissocié de celui des sociétés commerciales du Portefeuille, ce qui épargne celles-ci des saisis de leurs biens patrimoniaux par les créanciers de l’Etat. Pour ne citer que ces aspects.

Il semble y avoir encore d’autres aspects à clarifier ?
Il faut tout de même reconnaître que certaines tâches de la restructuration découlant de la réforme demeurent encore en souffrance. C’est le cas de la fixation du capital qui constitue un des aspects essentiels de la transformation économique des entreprises. En effet, il a été envisagé de fixer le capital social provisoire des entreprises transformées en sociétés commerciales. Cette approche est insensée dans la mesure où le capital social est l’élément essentiel d’établissement de l’affectio societatis, condition sine qua non de la validité du contrat de société. Il est également inconvenant de considérer que le capital social doit découler de la réalité du patrimoine actuel de chaque entreprise. C’est d’autant vrai que nombre d’entreprises ont une situation nette insignifiante, voire négative. Le patrimoine actuel ne peut servir de base exclusive de fixation du capital social.

Y’a-t-il une explication…
La fixation du capital social doit reposer sur une approche prospective. L’on doit réaliser cette tâche sur base de ce que l’on désire entreprendre et, partant, les résultats envisagés d’obtenir. C’est pour cette raison que l’instruction donnée à toutes les sociétés commerciales du Portefeuille par Son Excellence Madame la Ministre du Portefeuille d’élaborer leurs plans d’affaires, " business plan ", vaut son pesant d’or. Cet instrument doit permettre de déterminer les objectifs à atteindre et, ainsi, fixer les ressources à mobiliser à court, moyen et long terme quant à ce. C’est à partir de cette indication qu’il est valable de déterminer le capital social qui, soit dit en passant, est un acte volontariste de l’actionnaire.

Avez-vous le mot de la fin ?
J’invite les sceptiques à se convaincre de la nécessité indéniable de la réforme du Portefeuille de l’Etat. Les résultats de cette réforme sont, certes, nécessaires mais s’inscrivent dans la durée, d’autant plus qu’ils requièrent des restructurations à mener au cas par cas, nécessitant des investissements dont la mobilisation des ressources de financement est une autre gageure qui exige généralement du temps pour convaincre les bailleurs de fonds. C’est ici qu’apparait la stricte nécessité de rendre les différentes sociétés attrayantes et c’est aussi un travail de longue haleine.
Propos recueillis par AMBALU/Cp