L’Assemblée Nationale a décidé, lors de sa plénière d’hier mardi 31 décembre 2015, la surséance de la loi organique portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption, proposée par le député national Henry Thomas Lokondo. Dans une motion incidentielle, le député Alonga a estimé que certaines dispositions de ladite loi, principalement son article 8, énervent la Constitution dans son article 149, qui reconnait exclusivement aux Cours et tribunaux le pouvoir de se saisir des dossiers de corruption ou délits connexes.
Selon cet élu de Kinshasa, l’article 8 de la proposition de la loi sous examen donne à l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption la mission de se saisir des dossiers de corruption ou des délits connexes, et de mener des investigations dévolues exclusivement au ministère public.
Il a souligné que la corruption est une infraction éminemment pénale qui ne peut être poursuivie que par l’organe de la loi et non par une Agence de lutte contre la corruption. Pour respecter la procédure, conformément au règlement intérieur, le président de l’Assemblée Nationale a accordé la parole, de manière équitable, aux députés favorables à cette proposition de loi et à ceux qui y étaient opposés.
Prenant la parole le premier, Botakile s’est prononcé contre la motion du député Alonga. Cet enseignant de droit à l’Université de Kinshasa a relevé que le Parquet ne fait pas partie du pouvoir judicaire, conformément à l’article 149 de la constitution. Selon lui, il s’agit d’un service public rattaché au pouvoir judicaire, comme d’autres services de [‘Etat chargés de rechercher des infractions.
Pour ce député du Palu, l’Agence Nationale de Lutte contre la Corruption peut aussi être ajoutée, sans pour autant énerver la Constitution, aux services publics chargés de rechercher les infractions.
Baudouin Mayo est monté au créneau pour contrer l’argumentaire développé par son collègue Botakile, en martelant que seul le ministère public a le monopole dans la recherche des infractions, surtout en matière pénale, dont fait partie la corruption.
Pour enfoncer le clou, Fayulu et Bussa ont soutenu qu’il revenait prioritairement au gouvernement d’amener des projets de loi en matière de la lutte contre la corruption.
Balamage, quant à lui, a coupé la poire en deux, en suggérant que la proposition de Lokondo soit débattue car la plénière aura la souveraineté d’élaguer la disposition qui énerve la Constitution.
Finalement, la proposition de loi de Lokondo a été recalée par la plénière, qui l’a renvoyée sine die, en optant pour sa sur- séance. Avant le vote, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a informé les députés que le gouvernement se proposait d’instituer une structure de lutte contre la corruption par un décret du premier ministre ou une ordonnance présidentielle.
Lokondo se défend
Dans sa réplique, l’auteur de la proposition de loi s’est dit perplexe de voir des députés de l’opposition parlementaire recaler sa mouture au profit des projets de loi du gouvernement encore en chantier. Tout en faisant remarquer qu’une proposition de loi émanant d’un député est soumise au bureau de l’Assemblée nationale en vue d’y apporter d’éventuelles améliorations via son bureau d’études, l’élu de Mbandaka pense que le speaker de l’Assemblée nationale ne devait pas programmer en plénière le débat sur sa proposition de loi, s’il tenait mordicus à faire passer le projet du gouvernement.
Lokondo a fait savoir qu’en dépit de l’existence des cours et tribunaux dotés des moyens matériels et financiers adéquats, certains pays comme la France, le Portugal, le Royaume Uni, le Sénégal... ont tenu à adopter des lois particulières et à mettre en place des organes, des agences et d’autres structures indépendantes et spécialisées pour lutter contre la corruption qu’ils considèrent, de façon particulière, comme un fléau.
Il a rappelé que toutes les conventions internationales relatives à la lutte contre la corruption ratifiées la RDC, recommandent à chaque partie de mettre en place un ou plusieurs organes chargés de prévenir; détecter, réprimer et éradiquer la corruption ainsi que les infractions assimilées, dans les secteurs publics et privés.
Par Eric Wemba