L'ancien chef de guerre congolais Bosco Ntaganda a rejeté jeudi 3 septembre les accusations portées contre lui devant la Cour pénale internationale (CPI), affirmant au cours de sa première intervention publique depuis sa reddition en 2013, n'être qu'un « soldat, pas un criminel ».
Poursuivi pour treize crimes de guerre et cinq crimes contre l'humanité, dont des meurtres, pillages, attaques contre des civils, viols et esclavage sexuel en Ituri en 2002-2003, l’ancien chef rebelle a affirmé que son objectif était « de restaurer la paix sans faire de différences entre les ethnies ».
A l’ouverture du procès mercredi, la procureure Bensouda avait soutenu que « Bosco Ntaganda était un des commandants les plus importants et a ordonné des attaques et la mort » de civils. Selon elle, « cette affaire concerne la violence qui a décimé la région de l'Ituri, tuant des centaines de civils, en laissant des milliers vivre de rien dans la forêt ».
« Je suis décrit comme le 'Terminator', comme un célèbre tueur, mais cela n'est pas moi », a déclaré, pour sa part, l’ex-chef rebelle au deuxième jour de son procès à La Haye. « Je ne suis pas le Bosco Ntaganda décrit par le procureur », a-t-il ajouté.
Ntaganda était chef militaire adjoint des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), milice à prédominance Hema qui visait, selon l'accusation, les populations perçues comme appartenant aux ethnies Lendu, Bira et Nande.
Il avait plaidé non coupable mercredi lors de la première journée du procès.
« Un soldat professionnel »
Devenu général dans l'armée congolaise de 2007 à 2012, Bosco Ntaganda était le fugitif le plus recherché dans la région des Grands Lacs jusqu'à ce qu'il se rende, de manière inopinée, à l'ambassade des Etats-Unis à Kigali, au Rwanda, en mars 2013, pour demander son transfert à la CPI.
La procureure Fatou Bensouda avait détaillé mercredi les accusations retenues contre M. Ntaganda, et évoqué l'organisation « à grand échelle et systématique » de viols sur la population civile et au sein de sa propre milice.
M. Ntaganda est le premier accusé en droit pénal international qui doit répondre de viols et esclavage sexuel commis sur ses propres troupes.
« Je vais vous raconter l'autre facette du récit que nous avons entendu hier, car c'était bien un récit, Messieurs les juges : tout reste à prouver! », a déclaré mercredi l'avocat de la défense, le Canadien Stéphane Bourgon, qui a pris la parole peu avant son client.
« La réalité de ce qu'il s'est passé en 2002-2003 est tout autre », a-t-il ajouté : « M. Ntaganda n'est pas un politicien, et ne l'a jamais été : c'est un soldat professionnel ».
Affirmant que son client n'avait jamais pris de civils pour cible, il a évoqué le passé de Bosco Ntaganda au Rwanda. Celui-ci s'y serait battu pour mettre fin au génocide des Tutsis par les Hutus en 1994, avant de rejoindre la rébellion de Laurent-Désiré Kabila en RDC qui mettra fin en 1997 à la longue dictature de Mobutu Sese Seko.
Pour prouver la culpabilité de M. Ntaganda, l'accusation devrait présenter plus de 8 000 documents, dont des rapports d'experts, des extraits vidéos et des déclarations. Plus de 70 « témoins de faits » et une dizaine d'experts seront cités à comparaître.
« Empathie pour les victimes »
L'accusation avait notamment évoqué un civil lendu qui avait découvert en février 2003 dans un champ de bananes les corps de sa femme et de ses quatre enfants : son jeune fils avait été éviscéré et égorgé, tout comme sa femme. Sa fille, un bébé âgé de sept mois, avait la tête fracassée.
« Il ne s'agit pas du procès d'un groupe ethnique, c'est le procès d'un individu qui a profité des tensions ethniques en Ituri à des fins personnelles, pour atteindre le pouvoir et la richesse », avait affirmé la procureure.
Des accusations que réfute l'ancien milicien. « A toutes les victimes du conflit en Ituri depuis 1998, un conflit qui dure jusqu'à aujourd'hui : j'ai de l'empathie », a-t-il affirmé.
« Mon objectif était de restaurer la paix sans faire de différences entre les ethnies », a-t-il déclaré.
Le premier témoin de l'accusation doit s'exprimer le 15 septembre.