DECRYPTAGE D’UN DISCOURS CONTROVERSE AUTOUR DE LA DÉMARCHE DE TSHISEKEDI

Jeudi 4 août 2016 - 06:19
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Comment concilier la volonté affichée d’organiser les élections dans les délais et l’inflation des préalables à la tenue du Dialogue accoucher du compromis sur le processus électoral ?

La semaine mouvementée du 25 au 31 juillet 2016, marquée par des manifestations, des contre-manifestations politiques de l’Opposition et de la Majorité au pouvoir en RD Congo reste marquée dans les esprits. Le 29 juillet dans l’antre mythique du stade Tata Raphaël, la Majorité présidentielle a surpris en réalisant un trop-plein sans précédent en matière de mobilisation des masses et des volontés populaires. Dimanche 31 du même mois sur le terrain situé en face de l’immense stade des Martyrs de la Pentecôte, l’Opposition réunie sous le label du Rassemblement des Forces sociales et politiques Acquises au Changement, qui tient Etienne Tshisekedi pour son mentor jusque-là, a répliqué en réunissant plusieurs dizaines de milliers de sympathisants, selon les médias.

En fait, tout s’est passé sans anicroches. Pas de débordements ni heurts aux termes de l’une et l’autre manifestation. Presque trop beau pour être vrai pour qui connaît l’arène politique de la RD Congo. Parmi ces connaisseurs figure l’Union Européenne dont la représentation à Kinshasa s’est fendu de communiqués se félicitant de ces exercices démocratiques et appelant aussi bien l’Opposition que la Majorité au pouvoir à davantage d’efforts pour permettre la tenue dans les meilleurs délais du Dialogue qui doit baliser le chemin des élections apaisées et crédibles.

QUID DE LA FIN DU BAIL DU RAIS
C’est que le feu couve, en réalité. Vendredi 29 juillet dernier, la Majorité présidentielle a appelé à la tenue du Dialogue et réitéré son soutien à son autorité morale, Joseph Kabila Kabange, dont le second et dernier mandat arrive à échéance en décembre prochain. Deux jours plus tard, dimanche le 31 juillet, E. Tshisekedi et les siens prenaient le contre-pied parfait de leurs adversaires aux affaires en RD Congo : respect inconditionnel des délais constitutionnels de l’organisation et de la tenue de l’élection présidentielle, récusation du facilitateur du Dialogue désigné par l’Union Africaine et soutenu par la Communauté internationale, Edem Kodjo. Le diplomate togolais serait un traître kabiliste, selon Etienne Tshisekedi, président de l’Udps et du comité des sages du Rassemblement des forces acquises au changement. Mieux ou pire que cela, le vieil opposant a décrété que le bail de Joseph Kabila à la tête de l’Etat rd congolais prendrait irrévocablement fin en décembre prochain, et que la Commission Electorale Nationale Indépendante était obligée de convoquer l’électorat, conformément à la constitution, au plus tard dans un mois. Soit en septembre 2016, qu’elle en ait les moyens ou pas.
Même si le même dimanche 31 juillet 2016, à Gbadolite dans la nouvelle province du Nord Ubangi, la CENI lançait l’opération d’enrôlement et de révision du fichier électoral. Ces deux actes préélectoraux sont une étape du processus électoral que les acteurs politiques de toutes les tendances appellent de tous leurs vœux depuis plusieurs années. Non sans raison, compte tenu du fait que le fichier électoral de 2006 et 2011 a perdu toute fiabilité du fait qu’il n’intègre pas les nouveaux majeurs et les Congolais de l’étranger. En plus du fait qu’il n’est pas expurgé des morts intervenues depuis quelque six années. Selon les experts de l’administration électorale, également bien connus de tous en RD Congo comme parmi les partenaires du pays dans la communauté des Nations, l’opération lancée dimanche dernier s’étalera sur un semestre. Donc bien au-delà des fameux délais constitutionnels dont le respect est exigé coûte que coûte par Etienne Tshisekedi et ses nouveaux amis dans l’Opposition en RD Congo.

STRATEGIE DU POURRISSEMENT ?
De toute évidence donc, sans un compromis entre les acteurs politiques, la RD Congo file droit vers une situation catastrophique. Selon certains analystes, plutôt que de composer avec la Majorité au pouvoir, la frange de l’Opposition dont fait partie l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, joue au pourrissement de la situation : multiplier des entraves à la tenue d’un Dialogue politique inclusif qui rendrait possible un compromis entre les différentes forces politiques sur échéances électorales et les impératifs techniques de la tenue des élections crédibles et apaisées jusqu’à ce que le second mandat de Joseph Kabila arrive à son terme. Avant de revendiquer le pouvoir, comme ce fut déjà le cas dans les années ’90, sous la dictature " mobutienne ".

COMME L’ODEUR DES CONTORSIONS PUTSCHISTES
Dimanche dernier sur le boulevard Triomphal, Etienne Tshisekedi a laissé transparaître ces desseins peu enchanteurs pour le pays en exigeant à la fois une chose et son contraire. S’adressant à la jeunesse, le vieil opposant l’a invitée à participer à la démocratisation du pays en prenant part au processus électoral. Alors voyons. Comment peut-on en même temps, exiger la convocation d’un électorat et s’opposer à l’enrôlement de ceux-là même qui n’avaient pas encore atteint leur majorité lors des élections de 2011 ? A partir du moment où Etienne Tshisekedi dit ne pas être d’accord avec l’actualisation du Fichier électoral, n’est-il pas lui-même en contradiction, lui qui appelle (avec raison ?) cette catégorie sociale à participer à la vie démocratique du pays ? Sinon, comment concilier les deux logiques paraissant antinomiques ? De quelle manière la jeunesse participerait au vote si elle ne s’est pas fait enrôler au préalable ? Voilà, autant de questions qui méritent de pousser la réflexion plus loin. A priori, des analystes avertis, après anatomie du discours du dimanche 31 juillet dernier du leader de l’UDPS, y perçoivent des contorsions " putschistes " qui visent en réalité, à mettre le feu à la baraque en mobilisant les jeunes de la RD Congo pour des élections auxquelles ils ne prendraient pas part. Ce, dans un tout autre schéma qui les pousserait à se révolter pour revendiquer avec fougue un droit leur reconnu par la constitution. La même constitution à laquelle le président de l’UDPS et du Rassemblement fait allusion lorsqu’il s’agit du respect des délais constitutionnels pour l’élection du remplaçant de l’actuel chef de l’Etat.
Au cours du même meeting, le traditionnel adversaire du maréchal Mobutu avait décrété dès l’entame de son discours, que l’accueil lui réservé à son retour au pays, mercredi dernier, constituait un plébiscite qui dispensait les rd congolais d’élections. Une véritable projection putschiste mal dissimulée derrière la multitude de conditionnalités.
KABAMBA Mwan Bisey/Correspondance particulière