La fièvre jaune a été déclarée officiellement en République Démocratique du Congo le lundi 20 juin 2016 par le ministre de la Santé Publique, Félix Kabange Numbi. Selon ce membre du gouvernement, trois provinces seulement sur 26 sont touchées : Kinshasa, Kongo Central et Kwango. Dans un pays où le contrôle les mouvements des personnes et des biens est quasi impossible, en dehors de quelques cas ciblés par les services spéciaux, ce fléau se trouve pratiquement en territoire conquis.
Si l’on note le souci évident des autorités de « contrôler » l’épidémie en attendant son éradication, tel n’est pas le cas au sein des masses populeuses. En dépit la forte nocivité de la fièvre jaune, notamment sa capacité de conduire rapidement les sujets atteints de la vie à trépas et sa force de propagation, le commun de Congolais n’a
presque pas changé de comportement hygiénique.
A Kinshasa, la ville la plus exposée à cette maladie, les produits alimentaires continuent d’être vendus sans la moindre protection, devant les parcelles comme sur les voies publiques… Les immondices occupent leurs sites de prédilection (marchés, caniveaux, rivières, parkings des véhicules de transport en commun, camps militaires et de la police, gares de trains, ports privés, écoles, universités et instituts supérieurs), l’eau en sachets tient toujours la cote… Les « malewa » (restaurants de fortune) connaissent des taux de fréquentation très en hausse en ce début de saison sèche…Les propriétaires des parcelles ne se privent pas, dans plusieurs communes, d’ouvrir les vannes de leurs installations sanitaires pour déverser les matières fécales dans des caniveaux et égouts… D’où, le décor du pire semble solidement planté.
Kinshasa n’observe rien
Dans la foulée de l’annonce officielle de la fièvre jaune, le ministre de la Santé Publique a recommandé au public d’observer quelques règles d’hygiène publique : couverture des récipients ; destructions des sites de reproduction des moustiques (eaux dormantes dans les caniveaux), utilisation des moustiquaires imprégnées ;
vaccination des candidats au voyage en Angola, etc. Le constat amer à faire, dans le cas d’espèce, est que des millions de Congolaises et Congolais n’observent rien. Cela est lié d’abord à certains déficits d’organisation des services publics appelés à pourvoir aux besoins sociaux de base mais aussi à la culture de l’irresponsabilité.
S’agissant par exemple de l’eau potable, l’ensemble du pays affiche un taux de desserte d’à peine 26 %. Cela veut dire, en d’autres termes, que les trois quarts de la population congolaise, soit environ 50 millions de citoyens, n’ont pas accès à l’eau potable. Comment prévenir les effets de la fièvre jaune dans une mégapole comme Kinshasa où des millions de ménages sont contraints de se servir de l’eau des puits, des sources polluées, de l’eau de pluie truffée de bactéries, de l’eau des récipients conservées plusieurs jours durant à
cause des coupures d’eau intempestives, etc ?
Plusieurs communes et quartiers de Kinshasa étant privés d’eau potable pendant des années, des mois et des semaines, à cause de la faible capacité des stations de pompage et repompage du réseau urbain, des milliers de familles n’ont pour alternative que de cuisiner, faire la vaisselle et prendre des bains avec leurs réserves d’eau datant de plusieurs jours et de qualité plus que jamais douteuse.
On ne peut pas recommander aux populations de n’utiliser que l’eau
potable lorsque cette denrée rare n’est accessible qu’à un quart de
citoyens.
Le travail de destruction des nids des moustiques (marigots,
caniveaux, égouts, mares, montagnes d’immondices, récipients nos
couverts, W.C. de fortune) a cessé d’être effectué par les services
urbains de l’hygiène depuis des lustres. Les agents sanitaires
vulgairement appelés « minganga » ne font plus la ronde des parcelles
résidentielles, se contentant de la perception des taxes dans les
aéroports, les ports, les dépôts de vente de maïs, cossettes de
manioc, braises, bois et autres courges. Les opérations de
désinsectisation des maisons d’habitation appartiennent à l’histoire,
de même que celles d’épandage des insecticides dans les cités
résidentielles.
Dans une mégapole qui héberge plus de 12 millions d’habitants, les
moustiquaires imprégnées, distribuées gratuitement comme celles en
vente libre, en dépit de l’interdiction officielle de les
commercialiser, ne couvrent qu’une partie des besoins. Par conséquent,
la plupart de Kinoises et Kinois passent leur nuit sans la moindre
protection, s’exposant du coup aux piqûres des moustiques de tous
genres, dont le fameux Aèdes.
C’est pareil pour les vaccins, déclarés insuffisants au niveau de
l’Organisation mondiale de la santé. Lors de la dernière campagne de
vaccination menée dans les communes de Masina et N’Djili, il a été
constaté une ruée des masses vers les quelques centres médicaux
retenus pour ce faire, lesquels refusaient systématiquement du monde,
tant et si bien qu’au jour d’aujourd’hui, près de 10 millions de
résidents de la capitale ne sont pas vaccinés. Chacun peut imaginer
les dégâts si l’épidémie n’est pas stoppée de bonne heure.
Par ailleurs, en raison de toute absence de cordon sanitaire entre
l’Angola et la RDC, notre pays se trouve à la merci de la fièvre
jaune. En fait, de nombreux Kinoises et Kinois en appellent chaque
jour à la miséricorde divine pour que leur ville soit épargnée du
pire.
Kimp