En amont du renouvellement du mandat de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), la FIDH a organisé une interface entre une délégation des défenseurs des droits humains congolais et les États membres du Conseil de Sécurité à New-York du 16 au 20 mars 2015, afin de partager les préoccupations et de porter les recommandations de la société civile congolaise.
La délégation composée de Dismas Kitenge, Vice-président de la FIDH et président du Groupe Lotus, Paul Nsapu Mukulu, Secrétaire général de la FIDH et président de la Ligue des Électeurs et de Benjamin Kalombo, président de l’Aprodec (Association pour la promotion de la démocratie et le développement en RDC), a apporté un éclairage particulier sur les défis auxquels la MONUSCO pourrait être amenée à faire face dans le contexte pré-électoral actuel et au lendemain des manifestations de la mi-janvier 2015.
» Au regard des défis d’ordre sécuritaire et relatifs au processus de démocratisation et d’établissement d’un Etat de droit, le Conseil de Sécurité doit repenser la stratégie de la mission de l’ONU en RDC en amont d’échéances électorales cruciales « , a déclaré Paul Nsapu Mukulu, Secrétaire général de la FIDH et coordinateur de la Ligue des Électeurs.
En vue de la préparation de nombreux scrutins qui doivent être organisés en RDC d’ici à novembre 2016, les organisations ont tenu à alerter les États membres du Conseil de Sécurité sur les risques liés au maintien de l’essentiel des forces de la Mission de l’ONU dans l’Est du pays.
Elles craignent que les violations graves des droits humains se multiplient et puissent s’accroître dans la partie centrale et occidentale par les forces de sécurité, l’armée, la police et les services de renseignements congolais, comme ce fut le cas récemment les 19 et 20 janvier 2015.
En effet, les événements des 19, 20 et 21 janvier dernier ont été réprimés dans le sang et les Ongdh font état de 42 morts parmi les manifestants.
C’est pourquoi les organisations membres de la FIDH recommandent que les forces militaires et les unités civiles de la MONUSCO soient redéployées sur l’ensemble du territoire pour une meilleure protection des populations civiles et notamment des personnes particulièrement visées par les autorités congolaises en raison de leurs activités de défense des libertés fondamentales.
Axé sur la protection des défenseurs des droits humains
La FIDH et ses organisations membres et partenaires recommandent que le mandat de la MONUSCO soit explicitement renforcé en matière de protection des défenseurs des droits humains.
» Compte-tenu du climat délétère qui prévaut actuellement entre le gouvernement de la RDC et la communauté internationale, et le risque croissant de répression auquel la société civile congolaise doit faire face, il est absolument indispensable que les Nations Unies prévoient un certain nombre de » critères » en matière de respect des droits humains et de bonne gouvernance dans la stratégie de sortie de la MONUSCO.
Après 15 ans de présence militaire de l’ONU au Congo, les conditions ne sont pas encore réunies pour espérer une transition démocratique pacifique.
Cela ne sera possible que si des élections consensuelles peuvent se tenir et si une justice effective est rendue aux victimes des crimes internationaux commis dans le pays « , a déclaré Dismas Kitenge, Vice-président de la FIDH.
Le renouvellement du mandat de la MONUSCO est intervenu dans un climat extrêmement tendu, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU et chef de la Mission, Martin Kobler, n’hésitant pas à parler de » zones de turbulences » lors de son briefing devant le Conseil de Sécurité, et à avouer son inquiétude lors de ses échanges avec la délégation de la FIDH lors de l’interface. Kinshasa demandait le dégraissage de 6000 casques bleus de la MONUSCO.
En effet, le nouveau mandat de la MONUSCO court du 30 mars 2015 jusqu’en avril 2016 avec priorité d’assurer la protection de la population civile.
» Notre évaluation continue et objective des processus électoraux en RDC depuis 2007 nous permet d’affirmer que le fichier électoral qui sera utilisé pour les prochains scrutins contiendrait entre 9 et 10 millions d’électeurs fictifs. Cette fraude massive ouvre évidemment la porte à de nombreux trafics à commencer par celui des faux papiers, puisqu’au Congo la carte d’électeur donne droit à l’obtention d’un passeport.
Compte-tenu du contexte sécuritaire régional et international, il s’agit là d’une menace potentielle à la paix et à la sécurité internationales que le Conseil de Sécurité ne peut pas négliger « , a déclaré Benjamin Kalombo, président de l’Aprodec.
De nombreuses élections doivent se dérouler sur l’ensemble du continent africain en 2015 et 2016. A cet égard et compte-tenu de la similitude des contextes et des défis, les organisations de la société civile encouragent la MONUSCO et d’autres missions de l’ONU impliquées dans des processus politiques sur le continent, à interagir davantage avec la société civile et notamment à travers une coalition d’ONG africaines mise en place par la FIDH, autour de la Campagne » Mon Vote Doit Compter « , qui regroupe à ce jour une centaine de membres.
Par Godé Kalonji Mukendi