Massacres de Beni, tueries à Tshimbulu, retard dans la tenue du Dialogue… : Les vérités du député national Alexis Mutanda

Jeudi 25 août 2016 - 11:17
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Dans un entretien à bâtons rompus accordé à la presse samedi dernier, le député national Alexis Mutanda Ngoyi-Muana, élu de la ville de Mbuji-Mayi sur la liste de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) et patron du Groupe La Tempête des Tropiques, Canal Numérique Télévision (CNTV) et Trinitas FM, a fait le point sur la situation sécuritaire au pays, notamment à Beni et à Tshimbulu au Kasaï-Central, sur le dialogue national en vue et sur la situation au sein de l’UDPS après la nomination par le Président Etienne Tshisekedi d’un nouveau secrétaire Général en remplacement de Bruno Mavungu qui vient de créer sa propre formation politique suivie de la mise à sac de la permanence de ce parti.

Concernant les massacres de Beni et les événements de Tshimbulu, l’ancien Secrétaire général du parti d’Etienne Tshisekedi n’a pas mâché les mots, il a accablé le gouvernement de la RDC qu’il accuse d’inactif face aux malheurs de la population meurtrie de Beni pour n’avoir pas pris des mesures nécessaires à temps pour l’épargner de ces attaques meurtrières ayant fait plusieurs morts.

Ci-dessous l’intégralité de l’entretien.

Q. Le samedi 13 Aout dernier, la RDC a été pour la énième fois endeuillée avec un nouveau massacre perpétré par les ADF, Honorable Alexis Mutanda, selon vous, qu’est ce qui se passe réellement à Beni ?

Alexis Mutanda N.M.: Merci beaucoup, si vous me posez la question sur cette forme-là, je ne saurais pas vous dire exactement ce qui se passe à Beni, car je ne vis pas à Beni. Mais en tant que patriote et député national, je suis concerné par ce qui se passe à l’Est du pays. Comme vous l’avez révélé vous-même dans votre question, en 2014 et 2015, Beni a connu les incidents similaires. Tous ces événements font appel à notre prise de conscience.

Nous devons une pensée pieuse à nos compatriotes de Beni. Si nous devons parler de Beni, nous devons étendre le problème de sécurité sur l’ensemble des problèmes à l’Est du pays, Il y a le Nord -Kivu, Sud-Kivu et l’Ituri qui est aussi concerné. La population civile est victime de ces massacres alors qu’elle n’est pas responsable.

A l’est du pays, si nous voulons parler dans l’ensemble de l’Est, on a déjà dénombré plusieurs tués dans des conditions déplorables. On doit se demander qu’est-ce que notre gouvernement a déjà fait.

On doit s’interroger sur les motivations de ces gens qui entrent dans un coin du pays, tuent et rentrent calmement sans que le gouvernement prenne les actions de grande envergure. Nous avons la carte géographique pour démontrer la fragilité de notre frontière entre Ouganda et la RDC. Vous verrez que c’est une frontière très vaste, les tueurs peuvent s’y balader calmement sans que les populations congolais sachent.

Qu’est-ce que notre gouvernement fait ? On peut aussi se demander quelles sont réellement les causes et qu’est-ce que le gouvernement fait pour protéger la population ? Il faut de la conscience du gouvernement Congolais et de la part Communauté internationale pour arriver à sécuriser la population de Beni qui aspire vivre en paix. Comme mesure, il faut bien étudier la situation. Surtout que ce sont les rebelles ougandais qui font l’incursion sur le territoire congolais pour tuer chez nous. Et il faut aussi consulter le gouvernement ougandais, renforcer notre armée nationale pour qu’elle puisse assurer la sécurité des personnes et leurs biens.

Le plus important c’est de prendre des mesures sécuritaires pour assurer la protection de la population. Il ne sert à rien de décréter le deuil national. Qu’est-ce qu’apportent les messes et les larmes ? Notre peuple est abandonné à lui-même, les Congolais ne méritent pas cela. Nous devons vivre en paix.

Quid des événements de Tshimbulu

Q. Comment réagissez-vous face aux événements malheureux de Tshimbulu, au Kasai-central où le chef coutumier Kamuina Nsapu de Bashila Kasanga, et plusieurs policiers et des civils ont été tués au cours des affrontements entre les forces de l’ordre et la population de ce coin ?

A MN M : Ce qui s’est passé à Tshimbulu entre dans le tableau d’insécurité que nous vivons même avec notre police.
En effet, c’est à la suite d’une perquisition il y a plusieurs mois chez lui, au village, en son absence que le chef traditionnel Kamuina -Nsampu avait piqué une crise. Selon lui, les agents commis à cette perquisition avaient profané son pouvoir traditionnel, et même tenté de violer son épouse. D’après des sources locales, le chef Kamuina-Nsapu avait pris depuis deux mois la résolution de » débarrasser sa juridiction de tous les services de l’ordre auteurs, selon lui, des tracasseries de tout genre à l’encontre de la population.

Le chef coutumier et ses hommes ont réagi de leur manière et nos forces de l’ordre qui sont armés sont venus massacrer la population. A Beni, ce sont les étrangers. Mais, chose plus intolérable, à Tshimbulu et à Dibaya, ce sont nos propres agents de sécurité qui ont massacré. Ce qui est déplorable. Vous n’allez pas me dire qu’avec une telle police, on peut réellement sécuriser la population.

D’après les informations en notre possession, 19 personnes au total dont 11 policiers ont trouvé la mort dans ces affrontements. Ce qui veut dire que la population congolaise est abandonnée à elle-même. Parce que notre propre gouvernement ne prend pas des mesures qui s’imposent pour pouvoir mettre fin à tout cela.

Q. L’Udps a réclamé le dialogue depuis pour décrisper la situation politique en RDC, au fil du temps on sent que votre parti et ses alliés posent trop de conditions jusqu’à récuser le facilitateur. Pensez-vous que les conditions de l’opposition sont de nature à faciliter le dialogue ?

A M N M : Les conditions que l’opposition pose sont des précautions que toute personne responsable doit prendre avant de s’engager dans une voie bien donnée. Vous dites très bien que l’UDPS avait réclamé le dialogue à travers sa feuille de route depuis février dernier, dans laquelle il y a la manière dont l’UDPS percevait le dialogue. Nous sommes rejoints par d’autres. C’est ce dialogue qui va débattre tous les problèmes du pays.

Si l’on va à ce dialogue pour accepter tout ce qu’on dit, on risque de ne pas aller aux élections tant souhaitées dans le délai pour augurer l’alternance. Ce qui y sera dit ? Avec ce qui se passe à l’Est, vous n’allez pas me dire que c’est un problème mineur. Et, depuis longtemps, ceux qui sont au pouvoir savent très bien qu’on doit organiser les élections dans le délai pour assurer l’alternance au pouvoir. En dehors de cela, nous avons les problèmes de chômage, de santé publique, d’emplois, d’insécurité, des 26 provinces nouvellement créées, de la production nationale.

Tout cela ne peut être perçu de manière correcte que si l’on arrive à des élections démocratiques correctes. Et, pour arriver à ces élections, nous pensons qu’il faut aller au dialogue, afin de baliser le chemin pour aller aux élections.

Connaissant bien les personnes avec lesquelles que nous allons discuter au niveau de ce dialogue, nous avons pris un minimum de précautions parmi lesquelles, il faut la libération des prisonniers politiques, avoir un facilitateur neutre qui doit sécuriser tout le monde dans le sens qu’il ne puisse pas avoir un penchant pour une partie et avoir un groupe de soutien qui doit être lié au facilitateur.

Si nous acceptons tout ce qu’on nous dit, on risque d’aller à un dialogue bâclé, au risque que les objectifs ne soient pas atteints et qu’on ne parvienne pas à organiser les élections démocratiques qu’on espère. Si l’on part au dialogue et qu’on ne parvient pas à organiser des élections démocratiques, transparentes dans ce pays, quelle solution va-t-on encore proposer pour ce pays ? Il faut aller à un dialogue qui doit donner les résultats escomptés.

Vous semblez condamner l’opposition, mais vous savez aussi très bien que les élections doivent être organisées en 2016. Mais, depuis que l’UDPS a pris l’initiative à travers sa feuille de route en février 2015, qu’est ce que le gouvernement a fait pour que les choses avancent ? Vous comprendrez que ces messieurs ou la Majorité présidentielle qui sont au pouvoir font trainer les choses et ont même mis sur la table la révision constitutionnelle et la révision du fichier électoral ! Vous voyez que ce sont ces gens que vous défendez dans la question qui sont à la base de ce retard et font expressément pour cautionner le glissement.

Je peux aussi vous tourner cette question. Puisque le président Kabila est devant un fait accompli, et que le 19 décembre 2016 il termine son second et dernier mandat, qu’est-ce qui l’empêche de passer à la radio ou à la télévision pour faire une déclaration pour dire au peuple congolais qu’il quitte le pouvoir.

C’est très important ? Cela peut baisser les tensions, car les gens sont très énervés devant la volonté des dirigeants actuels de se maintenir au pouvoir. Il faut qu’il fasse cette déclaration comme beaucoup les font dans d’autres pays. Cela peut baisser la tension, l’énervement et ramener l’harmonie. La date du 19 décembre approche, et le pouvoir va recourir à la Cour Constitutionnelle qui a été montée de toutes pièces par monsieur Kabila lui- même pour tenter de le maintenir au pouvoir ! La seule manière de faire baisser la tension, c’est de faire la déclaration qu’il quitte le pouvoir.

A propos de fondateurs et prétendus pionniers

Q. L’UDPS votre parti traverse une tempête qui risque de le déstabiliser pendant cette période. Aujourd’hui on parle des pionniers de l’UDPS et fondateurs qui auraient même destitué Etienne Tshisekedi. Dites-nous qu’est ce qui se passe réellement au sein de l’UDPS ?

AMNM : C’est une question importante et assez vaste. Ils étaient où hier et avant-hier tous ces gens-là. On peut remonter du directoire avec 4 personnes et même à partir de la Conférence Nationale Souveraine.

Il y a ceux qui sont allés fonder UDPS/Kibassa, UDPS/Ngoyi Mukendi…. Allez au ministère de l’Intérieur pour consulter les statuts de chaque UDPS, vous trouverez UDPS/Kibassa, UDPS/Tshisekedi. Donc, il s’agit d’un faux débat qui n’a pas sa raison d’être à l’heure actuelle. Tous ces fondateurs se sont retirés pour créer leurs propres partis. Je crois que le peuple congolais n’a pas besoin de tout cela, mais a besoin de leaders fiables qui sont réellement à son service, et non pour semer la confusion.

Quid de l’affaire Mavungu

Q. Bruno Mavungu, ancien secrétaire général du parti a été déchu de ses fonctions, le lendemain, il a créé son parti politique, nous voulons savoir si l’honorable Alexis Mutanda est de quel côté car il se raconte que c’est vous qui auriez autorisé à Bruno Mavungu de tenir son point de presse à la permanence du parti, surtout que cette parcelle vous appartient ? Dans quelles circonstances et depuis quand avez-vous mis cette parcelle à la disposition de l’UDPS ?

A MNM : Commençons par Monsieur Mavungu lui-même. Il faut savoir que c’est un homme qui a son âge, il est juriste de formation, vous n’allez pas me dire que c’est une personne qu’il faut trainer à la barbe.

C’est une personne qui a évolué au sein du parti et occupé des postes de responsabilités depuis Phongo, Massamba, pendant que j’étais secrétaire général et après mon départ.

Avec Jacquemin Shabani, il était secrétaire général adjoint et puis il est devenu secrétaire général. C’est donc quelqu’un qui connait bien le parti et qui a joué un rôle important au sein du parti. Et tous ces rôles qu’il a joués, ce n’est pas moi qui le nommait, mais le président national. Il ne fallait donc pas mon autorisation pour que Mavungu puisse aller tenir la conférence de presse dans ce cadre où il était habitué. C’est un raisonnement bizarre, même un petit enfant de l’école primaire ne peut pas se permettre de faire ce genre de raisonnement.

Mavungu est un adulte et une personne qui connait bien le parti. Il faut aller lui demander lui-même le motif de son départ. C’est une personne adulte qui connait le parti, il a pris ses responsabilités.

De la permanence du parti

A propos de la permanence du parti, c’est depuis 2003, après Sun City. En 2003, après le dialogue inter congolais, Après l’Accord de Cascade, l’Udps avait créé avec d’autres l’Alliance pour la sauvegarde du Dialogue (Asd). Et cela a été suivi par les directives du Ministère de l’Intérieur qui demandait aux partis politiques de renouveler leurs documents d’existence. Et une des conditions posées était d’avoir un siège social.

Après avoir quitté la permanence de Monsieur Kibassa qui était sur le petit boulevard, l’UDPS avait trouvé une permanence sur le boulevard. Mais l’AFDL venue en 1987 s’était permise de venir vandaliser cette permanence. Ce qui a fait que le parti était resté sans siège social.
Face aux exigences du ministère de l’Intérieur, et comme je suis membre du parti, j’ai jugé bon de mettre cette parcelle à la disposition du parti pour régulariser la situation au niveau du ministère de l’Intérieur, afin de gérer les activités quotidiennes du parti. Je suis resté propriétaire.

Je ne vois pas de quelle manière je devrais laisser mon parti sans siège. Cette résidence était un endroit idéal pour les combattants qui étaient habitués à allés à la résidence du président national ou du secrétaire général. En tant que cadre qui aime bien son parti, je ne devais pas laisser mon parti trainer dans la rue, surtout que j’avais une parcelle non loin de la résidence du président national et du Secrétaire Général.

Ce qui s’est passé à la permanence du parti le lundi 15 Aout 2016 est à déplorer. Les personnes qui ont fait ça sont des gens qui n’ont jamais intériorisé le but même et les objectifs de la lutte du parti, ceux d’apporter le changement, le changement de mentalité, de comportement et la manière de gérer les choses.

Depuis 1982 jusqu’à ce jour, le parti totalise 34 ans de lutte dans l’opposition, entrain de combattre la dictature de Mobutu et des Kabila. On s’approche du moment où nous devons être au centre des actions. C’est à dire gérer. Et le parti doit être capable de montrer qu’on peut faire bien des choses. Cela demande des gens capables d’intérioriser les objectifs du parti.

Propos recueillis par Godé Kalonji et Lucien Kazadi

 

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