ME ERNESTINE NYOKA DÉCLENCHE LA LUTTE CONTRE LES ’’MABOKO BANQUES’’

Vendredi 26 juin 2015 - 04:39

La Vice-ministre du Budget lève l’option d’une loi organisant l’Agence nationale
de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat.
La vice-ministre du Budget tape du poing sur la table. Me Ernestine Nyoka vient de lever l’option de mettre sur pied une loi destinée à organiser l’Agence nationale de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat. Mesure énergique, cette décision a pour objectif principal de combattre les réseaux des détourneurs des deniers publics, connu davantage sous le vocable ’’Maboko banque’’. Selon les initiés, cette expression désigne également ces comptables publics qui s’érigent en tortionnaires des agents et fonctionnaires de l’Etat, en usant des pratiques occultes pour procéder régulièrement au détournement des salaires. Tel est l’esprit de cette correspondance que nous publions in extenso. Yves KALIKAT

I. Préambule
La dénonciation des antivaleurs est un devoir civique et une obligation républicaine de tout Congolais épris du souci de voir se matérialiser la véritable Révolution de la Modernité, projet de société porteur d’espoir et d’émergence initié par le Président de la République, Chef de l’Etat.
Faisant sienne cette obligation morale, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement s’est principalement appesanti sur le secteur de la Paie des agents et fonctionnaires de l’Etat qui accusait certaines imperfections du fait des velléités complices et malicieuses de certains Comptables Publics chargés d’assurer cette paie aussi bien à Kinshasa que dans les provinces non encore desservies par les banques commerciales et par CARITAS asbl CONGO. La desserte de la paie assurée aux personnels de Santé Publique par les Comptables Publics est sujette à interpellation, d’autant plus qu’elle accentue des cas de privations injustifiées de primes aux dépens de certains infirmiers. Cela est d’autant plus vrai que depuis le mois de mars de l’année en cours, plusieurs infirmiers oeuvrant à Kinshasa ont été ainsi privés de leurs primes à la suite des méfaits du système de paiement manuel réalisé par les Comptables Publics.
Usant des pratiques occultes, constitutives de détournement des deniers publics, mieux décriées sous le vocable " MABOKO BANQUE ", certains Comptables Publics s’érigent en véritables tortionnaires faisant ainsi d’eux des dangers publics face à ces agents et fonctionnaires infortunés.
Ces pratiques funestes consistent à rançonner les vulnérables fonctionnaires et agents de l’Etat en exigeant d’eux le paiement d’une quotité de leur propre salaire sous prétexte d’une couverture des frais de tenue de compte. Alors qu’en réalité, ces prétendus frais de tenue de compte ne servent qu’à assouvir des intérêts inavoués desdits Comptables Publics.
Par ailleurs, plusieurs cas de détournement ont été dénoncés à charge des Comptables Publics détenteurs des fonds publics destinés à assurer cette paie.

II. Problématique
Cette pratique, qui est le corolaire des limites qu’accuse CARITAS a.s.b.l Congo dans la desserte de l’arrière-pays, est également à la base de la dégradation du niveau d’éducation et d’instruction des écoliers qui, " sur un total de 220 jours d’école, perdent 80 jours d’enseignement, leurs instituteurs étant contraints à parcourir des milliers de kilomètres à pied pour percevoir leurs salaires des mains des Comptables Publics ", a indiqué l’Honorable Président Aubin MINAKU du haut du perchoir de l’Assemblée Nationale, lors de la question orale récemment initiée à ce sujet. Malheureusement, une fois sur les lieux, ces enseignants sont l’objet d’extorsion d’une quotité non négligeable de leurs salaires sur fond d’un stratagème tendant à exiger d’eux la retenue des frais de tenue de compte factice, comme s’ils constituaient en eux-mêmes de véritables banques commerciales.
Dans le mêmê ordre d’idées, il sied de relever que le secteur de la Santé Publique n’en reste pas moins épargné du fait des déplacements massifs des infirmiers contraints également à parcourir des milliers de kilomètres pour recouvrer leurs salaires, laissant ainsi à leur triste sort des nombreux patients infortunés.
La maîtrise des opérations de paie dans ce secteur demeure une préoccupation majeure aussi bien en provinces qu’à Kinshasa comme nous l’avons relevé ci-haut. Des cas de détournements occasionnant des privations de primes, tel que relevé à Kinshasa depuis le mois de mars, suscitent ainsi la nécessité d’éradiquer les MABOKO BANQUES.
Que dire de la traçabilité des reliquats des opérations de paie qui sont ainsi réalisées en provinces ?
Cette traçabilité est quasi inexistante du fait de la gestion sui generis des enveloppes salariales gérées par les Comptables Publics. Ces reliquats font souvent l’objet de détournements massifs occasionnant ainsi un coulage important de recettes.

III. Pistes de solution
Aussi, l’heure est-il venu de stigmatiser cette pratique qui paupérise les fonctionnaires et agents de l’Etat et dégrade sensiblement non seulement le niveau d’instruction de nos enfants, mais également la sécurité sanitaire nationale.
D’où, la quintessence du présent plaidoyer qui milite en faveur d’un projet de Loi organisant l’Agence Nationale de la Paie des Agents et Fonctionnaires de l’Etat.
En effet, il s’agit de partir d’une réflexion pouvant rendre possible la desserte de la paie en provinces, des fonctionnaires et agents de l’Etat dans les limites de la dignité due à toute personne humaine.
Aussi, partant de l’idée que la desserte assurée par CARITAS a.s.b.l Congo n’a su parvenir jusqu’au Congo profond où les bastions de MABOKO BANQUE se sont institutionnalisés, il paraît impérieux de mettre à contribution des structures auxiliaires qui pourront répondre à cet appel pressant de justice et d’équité lancé aussi bien par le peuple tout entier que par ses élus, notamment lors de la question orale dont le Ministre d’Etat en charge du Budget a récemment fait l’objet.
Il s’agit, en effet, de mettre à contribution :

1. La CADECO
A ce jour, cette caisse d’épargne de proximité compte plusieurs représentations en provinces et disposent des infrastructures qui, quoiqu’en état de délabrement avancé, pourraient servir dans la desserte de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat une fois réhabilitées.
Ainsi, certains coins de l’arrière-pays, à l’instar des territoires de PUNIA et de LUBUTU, dans la province du Maniema pourraient être directement desservis par la CADECO qui y dispose déjà des infrastructures existantes. Il en est de même des territoires de BOLOBO, INONGO, ISIRO, MULUNDU, etc, qui pourront être directement desservis grâce à cette réforme.
Le fait de disposer des agences dans chaque province et villes importantes, de même que dans presque toutes les contrées reculées du pays (près d’une centaine de succursales, agences et aubettes disséminées sur toute l’étendue du territoire national) constitue un atout majeur pour la réussite de cette stratégie.
La réhabilitation de cette structure étatique aura également l’avantage de résorber le chômage au niveau des différentes contrées où elle sera de mise ; de même qu’elle permettra non seulement de concourir efficacement au processus de réforme de l’Administration Publique suivant son approche de rajeunissement du personnel, mais également de susciter la résurgence de la culture de l’ouverture des comptes bancaires et celle de l’épargne longtemps négligée au profit de la thésaurisation. Ce qui lui permettrait de jouer le rôle d’institution financière d’appui et d’encadrement de la paie et de l’épargne des Agents et Fonctionnaires de l’Etat.
Toutefois, force est de relever que la viabilisation de cette structure passe d’abord par le renouvellement de son agrément à la Chambre de Compensation dont elle a été exclue par la Banque Centrale du Congo.

2. Les POSTES
Il n’est également l’ombre d’aucun doute que la mise à contribution de ces structures permettra de booster à juste titre les efforts d’une prise en charge optimale de la paie des fonctionnaires et agents de l’Etat, d’autant plus qu’au niveau de chaque district et territoire, l’on y trouve des postes construits depuis l’époque coloniale, et qui peuvent ainsi offrir des meilleures infrastructures pour les opérations de paie desdits agents et fonctionnaires.

3. Les filières des Confessions religieuses.
L’Etat congolais devrait mettre à profit l’expérience acquise par certaines structures desdites Confessions ayant longtemps fonctionné sous forme de Procures ou d’Economats auxquels ont été confiés d’importantes charges séculaires de gestion de leur patrimoine.
Il s’agit ici de recourir aux prestations des Eglises Catholique, Kimbanguiste et aux différentes Communautés de l’ECC disséminées à travers l’arrière-pays pour ainsi faire droit aux désidérata des fonctionnaires et agents de l’Etat.
Sur pied d’un cadre de concertation ad hoc, il pourrait être défini des termes de collaboration synallagmatique concourant au mieux des intérêts des pouvoirs publics et desdits partenaires sociaux, dans le cadre de la Loi organisant l’Agence Nationale de la Paie des Agents et Fonctionnaires de l’Etat.

4. La Banque Centrale du Congo
La mise à contribution de ses succursales disséminées à travers l’arrière-pays fait également partie du présent plaidoyer. Dans l’entre-temps, il est émis le souhait de voir la BCC accélérer l’installation du système intégré le paiement interbancaire.

IV. Prise en compte des problèmes connexes et suggestions.
Il s’agit de résoudre de façon définitive la problématique des cas des Non Payés, " NP" en sigle ; terme désignant certains agents et fonctionnaires infortunés qui prestent depuis des années sans la moindre allocation de salaire. En effet, légions sont les cas de ceux qui sont sous la coupe de cette tranche de fonctionnaires et agents qui n’auront de salut que grâce à leur mécanisation effective tâche à laquelle il faudrait prioritairement s’atteler pour résorber toute propension de fraude qui s’érige également dans ce secteur.
Il s’agit essentiellement du secteur de I’EPSP longtemps gangréné par des pratiques pernicieuses de fraudes minutieusement entretenues par les partisans de MABOKO BANQUE qui peaufinent des listes déclaratives infestées d’effectifs des écoles, des agents et fonctionnaires fictifs, occasionnant ainsi un coulage important de recettes autant qu’une hémorragie financière non négligeable aux dépens du Trésor Public.
Aussi, importe-il de souligner à ce niveau que la réussite de l’action gouvernementale passe par la résorption de ce fléau dont les méfaits ont longtemps fait saigner à blanc les finances de l’Etat.
Ainsi, en décembre 2012 dans le SANKURU (ancien district du Kasaï Oriental), 33.149.691,00 FC, représentant le reliquat d’une enveloppe de 162.245.691,00 FC, ont été détournés lors de la paie des enseignants des écoles conventionnées catholiques ; au cours de la même année, plusieurs cas de détournements ont été dénoncés : il s’agit de la somme de 279.400.000 FC retirée de la Banque Centrale du Congo pour une destination inconnue ; de la somme de 2.100.000 FC destinée à la prime des agents et fonctionnaires de l’Etat qui s’est également volatilisée ; des montants respectifs de 128.613.036 FC, 189.772.093 et 260.910.106 FC également détournés dans le Kasaï Oriental ; et tout récemment, le détournement de 10.000.000 FC également détournés dans le Kasaï Occidental par une dame Comptable Publique.
Ces cas de détournement non exhaustifs font actuellement l’objet d’une action disciplinaire ouverte à charge de leurs auteurs respectifs dont nous nous réservons de révéler l’identité avant l’aboutissement de la procédure ainsi initiée. La poursuite d’une procédure judiciaire permettrait de paralyser cet élan de détournement, une fois leurs responsabilités disciplinaires établies.
Au-delà de nombreuses stratégies déjà mises en oeuvre par le Gouvernement de la République pour contourner ces pratiques, il convient de suggérer une alternative avant-gardiste plus coercitive et plus restrictive qui passe par la révisitation et la requalification optimale de la qualité des textes de loi qui encadrent le secteur de la paie.
C’est dans cet esprit que devra se concevoir le Projet de Loi à mettre en chantier pour résorber efficacement le lugubre système de MABOKO BANQUE.
En effet, il s’agit ici d’une Loi qui se distinguera par des garde-fous suivants
* L’exigence d’une prestation qualitative des banques éligibles (celles-ci doivent se départir de toute culture de sous-traitance dont les services se sont avérés, à ce jour, mitigés et complices du système sus décrié) ;
* La réduction des distances doit constituer l’un des critériums déterminants d’éligibilité des partenaires contractuels, d’autant plus que la résidence d’un fonctionnaire dans le Congo profond ne peut plus constituer une occasion de subir impunément le MABOKO BANQUE ;
* Le strict respect de l’obligation de dresser et de transmettre à la hiérarchie, les rapports requis, secteur par secteur, à l’issue de toute opération de paie des agents et fonctionnaires en vue d’un rapprochement technique à effectuer par les services spécialisés.
* Ces critères non exhaustifs dont la délimitation sera apportée par un texte de Loi seront suivis et exigés des banques et de tout autre partenaire contractuel par l’Agence Nationale de la Paie des Agents et Fonctionnaires de l’Etat qui en constitue l’organe de régulation.
Me ERNESTINE NYOKA KAYIBA
Vice-Ministre du Budget