A une semaine d'une présidentielle controversée, le président ougandais Yoweri Museveni a entamé mardi à Bujumbura une délicate médiation dans la crise burundaise, entrée dans une nouvelle phase avec des combats armés.
La tâche de M. Museveni, doyen des dirigeants de la Communauté est-africaine (EAC) qui l'a mandaté après l'échec de deux médiateurs onusiens, sera ardue, tant les parties campent fermement sur leurs positions.
Au coeur de cette crise, émaillée depuis fin avril de violences ayant fait plus de 70 morts, d'un coup d'Etat militaire manqué et désormais d'affrontements entre armée et rebelles: la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat lors de la présidentielle du 21 juillet.
L'opposition juge cette candidature anticonstitutionnelle et contraire à l'Accord de paix d'Arusha, arraché en 2000 grâce à la médiation des pays de la région et qui a permis de mettre fin à la longue guerre civile burundaise (1993-2006, 300.000 morts).
"Nous attendons beaucoup plus de Museveni, non comme facilitateur ou médiateur, mais comme garant de l'accord d'Arusha puisqu'il était président de l'initiative régionale pour la négociation de cet accord", a lancé Léonce Ngendakumana, un des dirigeants de l'opposition, rappelant que ce texte interdisait "noir sur blanc" un troisième mandat de M. Nkurunziza.
Dans le camp présidentiel, son principal conseiller en communication Willy Nyamitwe attend que Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986 et qui ne cache pas vouloir se représenter en 2016, persuade l'opposition de renoncer à son boycott du processus électoral.
"Coûte que coûte, nous devons clôturer le processus électoral en cours afin d'avancer sur autre chose", a-t-il estimé, disant attendre de M. Museveni "qu'il parvienne à convaincre (...) l'opposition radicale qui veut toujours pratiquer la chaise vide, que pour (...) arriver au pouvoir il faut passer par la voie des urnes".
Selon des responsables administratifs locaux, le chef de l'Etat ougandais est entré par la route vers 12H00 (10H00 GMT) en territoire burundais, en provenance du Rwanda, et était attendu en milieu d'après-midi à Bujumbura. A Kigali, il a rencontré la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, selon un cadre du ministère burundais des Relations extérieures.
Son convoi, sous forte escorte ougandaise, comprenant notamment deux auto-mitrailleuses blindées, est entré au Burundi via la province de Kirundo, à environ 200 km au nord-est de Bujumbura. Le président ougandais a été accueilli par le ministre burundais de l'Intérieur, Edouard Nduwimana, qui a pris place dans son véhicule vers la capitale burundaise.
- Combats -
Le président ougandais doit rester 24 heures à Bujumbura, mais son programme a déjà changé à plusieurs reprises depuis lundi, selon des cadres ministériels burundais.
Signe de l'extrême tension qui règne au Burundi, une centaine de militaires ougandais, arrivés à bord de deux avions ont précédé M. Museveni à Bujumbura pour assurer sa sécurité. Le président ougandais a lui-même indiqué sur Twitter se rendre au Burundi "pour ouvrir un dialogue entre les factions politiques belligérantes".
Dénonçant l'impossibilité de faire campagne et les menaces, l'opposition boycotte l'ensemble des élections générales entamées le 29 juin avec des législatives et communales remportées haut la main par le CNDD-FDD, parti de M. Nkurunziza.
La communauté internationale estime que le climat actuel d'intimidation et d'insécurité - qui a poussé plus de 150.000 Burundais à fuir vers les pays voisins -, ainsi que l'absence de pluralisme médiatique (les radios privées n'émettent plus), ne permettent pas des élections crédibles.
Les autorités burundaises ont accepté de reporter la présidentielle au 21 juillet, mais refusent d'aller au-delà, arguant d'un risque de vide institutionnel à l'expiration du mandat de M. Nkurunziza, le 26 août.
L'officialisation de la candidature de M. Nkurunziza a déclenché fin avril des manifestations populaires, quasi-quotidiennes durant environ un mois et demi, finalement étouffées par une brutale répression policière, parfois à balles réelles.
A l'approche des législatives du 29 juin, la violence s'est intensifiée dans ce petit pays des Grands Lacs, à l'histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutu et Tutsi, avec une série d'attaques à la grenade meurtrières revendiquées par les putschistes.
Et le weekend dernier, l'armée burundaise a affronté un groupe armé dans deux provinces frontalières du Rwanda et de République démocratique du Congo (RDC). Ces combats, auxquels les ex-putschistes reconnaissent avoir pris part, ont un peu plus alimenté les rumeurs d'une offensive de vaste ampleur à l'approche de la présidentielle, entretenues par l'exode à l'étranger de nombreux opposants burundais et de centaines de putschistes.