Nouveau massacre à Beni : la population en colère

Lundi 15 août 2016 - 12:11
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Les rebelles ougandais ont défié les autorités congolaises en tuant 36 personnes, d’après un bilan provisoire. Un deuil national de trois jours à partir de ce lundi

Le gouvernement de la RDC a décrété un deuil national de trois jours à partir de lundi.  » Les drapeaux seront mis en berne sur toute l’étendue du pays et les programmes des médias audiovisuels adaptés à la circonstance « , a annoncé le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. Le président Kabila a été le premier à avoir présenté ses condoléances en son nom personnel.

Cela après le massacre, par les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), le samedi 13 août dernier, de quelques trente-six personnes, au quartier Rwangoma, à Beni-ville (Nord-Kivu).

Selon la société locale, les populations du quartier Paida auraient aperçu, vers 17 heures locales, une colonne de ces rebelles ougandais, se dirigeant vers Kasanga et Rwangoma, dans la commune de Behu.

La même source indique que ces assaillants ont entamé leur forfait vers 18 heures, tuant au passage, à la machette et à la hache, des populations trouvées dehors ainsi que dans leurs habitations, et même ceux qui revenaient de leurs champs.

Morgue débordée

La morgue de l’hôpital général de Beni est débordée et les corps des victimes sont entassés les uns sur les autres, sous la protection des policiers qui empêchent tout accès aux populations. Le bilan pourrait encore s’alourdir, indique la société civile, car, d’après elle, des corps sont retrouvés au fur et à mesure que les recherches s’effectuent sur le terrain.

Cette nouvelle attaque a eu lieu alors que la président Joseph Kabila se trouvait au Nord-Kivu, où il a promis de tout mettre en œuvre pour  » imposer  » la paix et la sécurité. Il s’était aussi rendu à Gisenyi, au Rwanda ainsi qu’à Kasese, en Ouganda, afin de discuter avec ses homologues Paul Kagame et Yoweri Museveni des moyens de neutraliser les forces négatives sévissant à l’Est du pays.

La tuerie semble donc une provocation vis-à-vis des autorités congolaises. Hier dimanche, une centaine de personnes scandant des slogans hostiles au gouvernement et au numéro un congolais ont manifesté à Beni.

Une tuerie qui aurait pu être évitée ?

Pour la société civile, les forces de sécurité auraient pu empêcher ces massacres. Il semble que la population avait signalé la présence de ces rebelles dans la ville quelques heures auparavant. « Nous disons toujours aux forces de sécurité qu’il faut mettre une forte ceinture autour de grandes agglomérations.

A Beni, à Oicha, à Mbau. Apparemment, on ne sent pas cela. Et on l’a toujours dit, il ne faut pas subir les évènements, mais plutôt les précéder. Puis qu’ils [rebelles ADF] sont venus jusque dans le cœur de la commune Behu jusqu’à côté du quartier Rwangoma », a dénoncé le président de la société civile de Beni-ville, Gilbert Kambale.

La population en colère est descendue dans la rue pour protester contre ces massacres et demander la démission de certaines autorités du pays. Ce nouveau massacre est perpétré deux mois après que la société civile avait organisé trois journées ville-morte.

La coordination des sociétés civiles des territoires de Beni, Butembo et Lubero au Nord-Kivu avait déjà adressé une lettre ouverte au président Kabila, le 14 mai dernier, après une série de nouveaux massacres de civils dans cette province de l’est de la RDC.

Dans cette correspondance, elle y décomptait quelques 1000 personnes tuées en un an et demi, plus de 1400 kidnapping et des centaines de maisons incendiées. La lettre dénonçait par ailleurs les conditions dramatiques des personnes déplacées, qui ne reçoivent pas d’aide humanitaire. Des villages entiers sont abandonnés, les écoles fermées ainsi que les centres de santé.

Beni et son triangle de la mort

Depuis le début des massacres en octobre 2014, trois localités situées au nord de Beni-ville sont les plus fréquemment touchées : Mbau, chef-lieu du secteur Beni-Mbau, Kamango, dans la chefferie des Watalinga, plus à l’Est, et Eringeti, au nord de Mbau. Depuis octobre 2014, des centaines de personnes ont été massacrées à Beni.

Si on ajoute les victimes du territoire voisin de Lubero, la barre des 1 000 morts est dépassée sur cette période.  » Plus de 1116 personnes [ont été] tuées sauvagement entre octobre 2014 et mai 2016, soit une moyenne de 60 personnes tuées par mois « , rapportent de leur côté des ONG de la société civile locale.

En réaction aux nouveaux cas de massacres de civils l’Etat-major des FARDC a décidé, début mai, de délocaliser le commandement de l’opération militaire  » Sukola 1  » du centre-ville de Beni vers les trois localités du  » triangle de la mort « . Puis, le 14 mai, une nouvelle traque des ADF a été lancée.  » C’est une opération ponctuelle baptisée Usalama (sécurité, en swahili) ».

Il s’agit d’une  » opération de grande envergure avec pour objectif de neutraliser complètement l’ADF, par la destruction de toutes les positions utilisées par ce groupe armé pour attaquer les civils  » à Beni, selon la MONUSCO qui dit soutenir les FARDC par  » des troupes au sol, l’artillerie, les hélicoptères d’attaque et les renseignements « .

Les soldats congolais et les Casques bleus parviendront-ils, cette fois-ci, à mettre fin aux massacres à répétition à Beni ? La société civile locale n’y croit plus. Pour beaucoup d’ONG sur place, la pacification de ce territoire du Nord-Kivu nécessite le déploiement d’une opération militaire internationale beaucoup plus musclée, à l’instar d’Artemis menée par l’Union européenne en 2003 en Ituri, dans le nord-est de la RD Congo. Trois mois avaient alors suffi aux troupes françaises pour neutraliser les miliciens hema et lendu.

Par YHR

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