L’arrêté n°230/018/BUR/CDD/TSH/2014 portant fixation des limites administratives entre les villages Loomo du groupement Mpombi (secteur de Bolua, Territoire de Boende) et celui de Esange du groupement Baseketulu (secteur de Luando, Territoire de Bokungu), pris en date du 27 décembre 2014 par le Commissaire de District de la Tshuapa, Fabien Nyingba Mbole, suscite une vive tension entre les deux communautés.
Ledit arrêté stipule en son article 1er (nœud du conflit) que la limite territoriale entre les deux groupements dont il est question reste le ruisseau Fafali. Par contre, celle entre les villages Loombo et Esanga se situe en face de l’arbre Bokungu et Bombanga. En plus de différentes lois sur lesquelles il repose, le décret fait mention d’un certain nombre de faits qui seraient à l’origine de la décision.
Le Commissaire de District fait savoir dans sa décision que les habitants du village Esanga sont natifs originaires du secteur de Luando, en territoire de Bokungu, venus s’installer dans le territoire de Boende, au Groupement Baseketulu suite à la « guerre » ; que ceux-ci habitent une partie des terres du village Loombo du groupement Mpombi ; et que les anciens administrateurs du territoire de Bohende ont fixé la limite des villages Loombo et Esanga sur l’arbre Bokungu et Bombanga.
Mais l’arrêté et les différentes mentions qu’il comporte sont fortement contestés par les notables et Chef de District du groupement Baseketulu, qui estiment que ces nouvelles délimitations sont simplement anarchiques et injustes, étant donné que la réalité est toute autre.
Tenants et aboutissants du dossier
En effet, en date du 24 juin 2014, le Commissaire de District, Fabien Nyingba Mbole avait adressé une correspondance à Jean-Marie Bosenge et consorts (avec copie pour information aux chefs des 2 groupements et aux notables du village Esanga), dans laquelle il accusait réception du dossier de la requête formulée par ce dernier, relative au conflit d’une portion de terre ancestrale du village Loombo, groupement Mpombi occupée et habitée, d’après lui, illégalement par la population du village Esanga/Lofoma, Secteur de Luando, Territoire de Bokungu en immigration au Territoire de Boende.
Comme mentionné dans l’accusé de réception, ledit dossier comportait 3 lettres : celle du 13 novembre 2013 avec pour objet le retour des Esanga/Lofoma dans leur milieu d’origine ; celle du 16 janvier 2014 sur le respect des limites administratives et enfin, la lettre sans date avec pour objet la preuve sur le droit coutumier.
En réponse à la requête, Fabien Nyingba avait déclaré dans son accusé de réception que les membres chargés de l’arbitrage du conflit se préparaient à descendre sur le lieu y mener des investigations, et que tous les moyens logistiques et frais de mission étaient à la charge des requérants.
Après avoir pris connaissance de la lettre lui transmise par le Commissaire de District, Emmanuel N’gombo, chef du groupement Basaketulu, avait réagi en adressant à son tour, une lettre à ce dernier, en date du 10 juillet 2014, dans laquelle il lui faisait part de ses appréciations. Il y affirmait que les allégations faites par Jean-Marie Bosenge dans le dossier cité ci-haut étaient contradictoires, d’autant plus que la portion de terre querellée appartenait au groupement Baseketulu, le village Esanga faisant partie des villages qui composent ledit groupement.
La lettre du Rév. N’gombo
Il avait expliqué qu’avant son occupation en 1962 par le peuple Esanga (qui y habite depuis 52 ans maintenant), ce village constituait la frontière entre les deux villages Imama et Nkoma du groupement Baseketulu. Dans cette même correspondance, Rév. Emmanuel N’gombo affirmait que c’était plutôt Loombo du groupement Mpombi, village maternel de Jean-Mari Bosenge, qui avait violé la délimitation de ces deux groupements, celui-ci s’étant installé illégalement en 1963 dans l’entité du groupement Baseketulu, précisément entre les villages Nkoma et Esanga. Il soutenait dans sa lettre que c’est au village Loombo de regagner son entité d’origine puisqu’avant sa déportation à Baseketulu, il se situait entre Iyongo, village du groupement Mpombi et Nkoma, celui de Baseketulu.
Le chef du groupement Baseketulu avait aussi déploré le fait qu’en initiant ce dossier à l’âge de 84 ans, Jean-Marie Bosenge venait de créer un conflit entre les deux groupements précités, pendant qu’ils cohabitaient sans problème.
La lettre des notables de Loombo
Réagissant à leur tour à la lettre du 24 juin 2014 du Commissaire de district leur transmise, et à celle du Chef du Groupement Baseketulu, du 10 juillet, les notables du village Loombo du Groupement Mpombi avaient expliqué dans leur correspondance adressée à Fabien Nyingba, que la version des faits du Chef du Groupement Baseketulu, ne cadrait pas avec la vérité des faits ethnologiques de leur contrée. Tout en reconnaissant que le groupement Baseketulu était voisin au leur avec une limite administrative commune, et que le village Loombo faisait partie intégrante du groupement Mpombi, ces notables avaient indiqué dans ladite lettre, que le village Esanga/Lofoma ne faisait pas partie intégrante du groupement Baseketulu. Et que les enquêtes ethnologiques de 1920-60 répertoriaient l’ethnie Lofoma dans un autre territoire qui est celui de Bokungu, et le groupement Mpombi dans le territoire de Boende.
Ils soutenaient notamment que cette ethnie est revenue dans le groupement Baseketulu vers 1964 avec la rébellion muleliste et s’est installée dans le groupement Mpombi (après Fafali), après leur refoulement dans leur milieu d’origine en juin 1963, sur l’ordre du Gouvernement provincial de la Cuvette Centrale de l’époque. C’est après ces différentes correspondances, que le Commissaire de District de la Tshuapa va prendre l’arrêté susmentionné, au cœur du conflit.
Réactions du Chef et notables Baseketulu
Mécontent de cette délimitation qu’il a jugée injuste et défavorable à l’endroit de son peuple, le Chef du Groupement Baseketulu va introduire un recours (cosigné par plus de 20 notables) en date du 9 février 2015, auprès du ministre provincial de l’Intérieur, Sécurité, Population et Ordre public de l’Equateur. Dans sa lettre, il a fait savoir à celui-ci, qu’il déconsidérait catégoriquement cette nouvelle délimitation, étant purement anarchique et sentimentale. Il y note à son intention que cette démarche n’est qu’un arrangement formulé entre le Commissaire de District sortant et le notable Bosenge Ankasa du Goupement Mpombi, résidant à Kinshasa.
Pour sa part, en date du 29 octobre 2014, l’ancien Secrétaire Général de l’Intérieur/retraité, Paul Elumbu, a adressé une correspondance au ministre de l’Intérieur à Kinshasa, où il l’informait du conflit, tout en l’appelant à user de son pouvoir afin de tenir à l’œil quiconque serait fauteurs de troubles et rendre chacun responsable de ses actes.
Myriam Iragi